Avec Vevo Footnotes, Paul McCartney revisite Wonderful Christmastime dans une vidéo annotée disponible depuis le 18 décembre 2025 : le clip officiel se couvre de notes sur l’écriture, le tournage et les détails qu’on oublie à force de l’entendre partout en décembre. McCartney rappelle que la chanson, composée en été 1979, voulait capter l’ambiance des fêtes familiales à Liverpool. Enregistré en solo aux synthés pendant les sessions de McCartney II, le titre prend vie dans un clip filmé au Fountain Inn (Sussex) et au Royal Hippodrome Theatre d’Eastbourne, réalisé par Russell Mulcahy. Il démonte aussi avec humour la rumeur de sorcellerie : c’est bien the mood is right. Enfin, il assume la surexposition et rappelle que le morceau renaît chaque année, jusqu’à retrouver un nouveau pic au Hot 100 en 2024.
Il y a des chansons qui reviennent comme un réflexe pavlovien dès que les villes se couvrent de guirlandes et que les playlists “Holiday Classics” s’auto-déclenchent dans les magasins. “Wonderful Christmastime” fait partie de cette catégorie très particulière de morceaux qui, qu’on le veuille ou non, s’incrustent dans le paysage sonore de décembre. Quarante-six ans après sa sortie, la ritournelle synthétique signée Paul McCartney n’a pas seulement survécu à l’érosion du temps : elle est devenue un marqueur saisonnier, un petit panneau “Noël est là” collé sur les vitrines du monde entier. Et c’est précisément parce qu’elle est partout qu’elle mérite, parfois, qu’on s’y arrête autrement que par automatisme.
C’est l’idée derrière la nouvelle collaboration entre l’ex-Beatle et Vevo : une vidéo Vevo Footnotes consacrée à “Wonderful Christmastime”, disponible depuis le 18 décembre 2025. Le principe est simple, et redoutablement efficace pour les amateurs d’archives et de coulisses : le clip officiel est ponctué d’annotations qui apparaissent à l’écran, comme des bulles de contexte, des fragments de mémoire, des détails de fabrication. McCartney, qui n’a jamais été avare de récits quand il s’agit de replacer une chanson dans sa vie, y commente l’origine du morceau, l’atmosphère qu’il cherchait, et même les légendes bizarres que l’internet a fini par accrocher au titre.
Sommaire
- Une vidéo “annotée” pour réapprendre à écouter
- “Je pensais aux fêtes de Noël à Liverpool” : l’enfance comme boussole
- 1979 : l’après-“Back to the Egg”, la fin d’un cycle et l’appel des machines
- Une chanson écrite en été : le paradoxe fondateur des classiques de Noël
- En studio, seul : la fabrication artisanale d’un hit mondial
- Un single de Noël, une face B inattendue, et une carrière qui se recompose
- Le clip : un pub du Sussex, un théâtre d’Eastbourne, et la signature Russell Mulcahy
- De la radio à l’algorithme : comment la chanson a retrouvé le Hot 100
- Reprises, rééditions, recyclages : la vie parallèle d’un standard
- “Sorcellerie à Liverpool” : la rumeur la plus absurde de la saison, et la réponse de McCartney
- Wings sur la route : une chanson de Noël jouée (presque) comme une chanson de tournée
- Un refrain mondial, un geste simple, et le plaisir assumé d’être “trop” entendu
Une vidéo “annotée” pour réapprendre à écouter
La nostalgie est parfois un outil éditorial. Vevo Footnotes s’inscrit dans cette logique : remettre en circulation un format de “trivia” audiovisuelle, mais avec une différence de taille par rapport aux gadgets promotionnels d’autrefois. Ici, ce ne sont pas seulement des anecdotes plaquées pour faire joli. Le concept revendique une approche “making of” : des informations sur le tournage, sur les choix esthétiques, sur le contexte de création, et, surtout, des mots des principaux intéressés, artistes ou réalisateurs, pour remettre de la chair autour de vidéos que l’on croyait connaître par cœur.
Le parallèle avec certains programmes musicaux des années 1990 saute aux yeux, et il n’est pas caché : dans l’édition dédiée à McCartney, les annotations fonctionnent comme une conversation discrète avec le clip. On regarde la même vidéo, mais on la voit différemment, parce qu’un détail surgit au bon moment : un lieu, une date, une intention, une précision sur le “pourquoi”. C’est un format qui répond aussi à une manière contemporaine de consommer la musique : on n’écoute plus seulement un morceau, on veut souvent “l’histoire derrière”, le contexte, la petite info qui transforme un refrain en souvenir personnel.
Pour Paul McCartney, l’exercice n’a rien d’anodin. “Wonderful Christmastime” est l’une de ces chansons qu’il a écrites sans imaginer qu’elles deviendraient un rituel collectif. Et comme toutes les œuvres qui basculent dans la tradition populaire, elle s’est progressivement détachée de son auteur : elle vit sa vie, elle se frotte aux interprétations, aux mèmes, aux polémiques minuscules, aux “takes” définitives que les réseaux sociaux fabriquent chaque saison. Vevo Footnotes lui offre une façon de reprendre la parole, calmement, sans dramatiser, en ramenant le morceau à ce qu’il était au départ : une scène de fête, un souvenir de Liverpool, une chanson faite pour lever un verre, pas pour alimenter un dossier ésotérique.
“Je pensais aux fêtes de Noël à Liverpool” : l’enfance comme boussole
McCartney introduit la chanson en revenant à un point qu’il martèle souvent quand il parle de son écriture : les chansons, pour lui, sont d’abord des atmosphères. Il explique qu’il aime l’idée des chansons de Noël précisément parce qu’elles ne “reviennent” qu’à Noël. Cette rareté cyclique, ce retour annuel, crée un effet de madeleine immédiat. On peut passer onze mois sans y penser, puis, soudain, quelques accords suffisent à réactiver une sensation : des lumières, une odeur, une pièce remplie de voix, le bruit des verres, les rires, et cette forme d’insouciance codifiée qui colle à la période.
Quand il écrit “Wonderful Christmastime”, McCartney dit chercher à capturer “l’aspect fête” de la saison. Le cœur du morceau, dans son esprit, n’est pas une carte postale religieuse, ni une proclamation grandiloquente sur l’esprit de Noël. C’est quelque chose de plus domestique, plus britannique aussi, et très situé : l’image des fêtes familiales à Liverpool, les réunions d’anciens proches, les “parties” d’un autre temps, quand la famille s’entasse, que la musique tourne, que l’alcool réchauffe, que l’on fait les mêmes blagues pour la dixième année et que cela fonctionne encore.
Ce n’est pas un détail, parce que cela éclaire la tonalité du texte. “The mood is right…”, “let’s raise a glass…”, “the spirit’s up…” : McCartney s’appuie sur des gestes de fête, des phrases qui ressemblent à des toasts, des formules simples que l’on pourrait entendre dans une cuisine trop petite, au milieu d’un brouhaha bon enfant. On comprend mieux pourquoi la chanson sonne comme une boucle d’euphorie tranquille : elle décrit un moment collectif, pas un récit. Elle installe une pièce, un décor, une température.
Et c’est là que McCartney retrouve, consciemment ou non, l’une des grandes forces de son écriture depuis les Beatles : cette capacité à fabriquer des vignettes universelles à partir d’un souvenir local. Liverpool devient un prisme, pas une frontière. Le détail est personnel, mais le sentiment est exportable. C’est peut-être ce qui distingue les chansons de Noël qui traversent les générations de celles qui restent cantonnées à leur année de sortie : la capacité à laisser chacun y projeter son propre salon, ses propres verres, ses propres guirlandes, sans exiger une interprétation unique.
1979 : l’après-“Back to the Egg”, la fin d’un cycle et l’appel des machines
“Wonderful Christmastime” n’est pas née dans un vide. Elle apparaît à un moment charnière de la trajectoire de Paul McCartney. En 1979, Wings existe encore, mais l’ère du groupe est en train de se compliquer. L’année a vu la sortie de “Back to the Egg”, album où McCartney tente de secouer l’image parfois trop lisse de Wings, de se frotter à une énergie plus nerveuse, plus contemporaine. Le disque a ses défenseurs, ses grands moments, mais il reflète aussi une période de transition : McCartney cherche, tourne, teste.
Dans ce contexte, l’idée de retourner à une méthode plus solitaire prend de l’ampleur. Depuis ses débuts en solo, McCartney a toujours eu cette tentation du “do it yourself”, du studio comme atelier personnel. Il l’a fait dès “McCartney” (1970), où il joue quasiment tout, dans un geste de repli et d’indépendance après l’explosion interne des Beatles. Il y revient à la fin des années 1970, mais avec un nouvel outil : les synthétiseurs.
“Wonderful Christmastime” est enregistrée pendant ce qui deviendra la matière première de “McCartney II”, album qui paraîtra en 1980. Ce n’est pas un hasard si le morceau sonne à la fois “festif” et légèrement futuriste. McCartney est alors au contact d’un monde pop en pleine mutation : la new wave, l’électronique grand public, les machines qui sortent des laboratoires pour entrer dans les studios et, parfois, dans les salons. Il n’est pas le seul vétéran du rock à regarder ce paysage avec curiosité, mais il a un avantage : il adore bricoler.
Cette dimension est essentielle pour comprendre la chanson. “Wonderful Christmastime” n’est pas seulement un “chant de Noël” tardif signé par une ex-idole des sixties. C’est aussi un instantané de 1979, une époque où le son synthétique peut encore paraître neuf, ludique, presque enfantin. Le morceau porte cette naïveté technologique : les timbres électroniques n’y sont pas utilisés pour faire froid, ou minimaliste, mais pour faire scintiller. Les machines deviennent des guirlandes.
Une chanson écrite en été : le paradoxe fondateur des classiques de Noël
Il y a un paradoxe que beaucoup de classiques de Noël partagent : ils sont souvent écrits et enregistrés loin de décembre. McCartney ne s’en cache pas. La chanson est imaginée en plein été, et c’est presque drôle de penser à ce refrain hivernal composé quand il fait chaud. Mais c’est aussi très logique du point de vue de l’industrie musicale : pour sortir un single avant Noël, il faut anticiper, presser, distribuer, promouvoir. La magie a des contraintes de calendrier.
Dans l’univers mental de McCartney, cette contradiction nourrit quelque chose. Écrire une chanson de Noël hors saison oblige à se connecter à la mémoire, pas à l’actualité immédiate. On ne se contente pas de regarder par la fenêtre pour “sentir” Noël : on va le chercher dans la tête. On se rappelle les fêtes passées, les scènes répétées, les rituels. En ce sens, “Wonderful Christmastime” est moins une description du Noël 1979 qu’une synthèse de Noëls antérieurs, un collage de souvenirs, un concentré.
Les images du texte sont volontairement génériques : la fête, les amis, la chorale des enfants, l’humeur joyeuse. Mais l’annotation de McCartney, elle, réintroduit le concret : les fêtes de Liverpool, la famille, la manière dont on se retrouve, dont on lève un verre, dont on se donne la permission d’être un peu plus léger. La chanson capte l’idée de “party aspect” au sens large, mais elle est structurée comme une scène. Il y a un “avant”, un “pendant”, et cette sensation que tout le monde est au même endroit, dans le même moment.
Si l’on veut être très factuel, on peut aussi dire que “Wonderful Christmastime” marque une singularité dans le parcours de McCartney : c’est son premier grand morceau de Noël “autonome” depuis les messages et enregistrements festifs liés au fan-club des Beatles dans les années 1960. Cela n’en fait pas une œuvre isolée, mais cela lui donne un statut particulier : une chanson de Noël assumée, publiée comme telle, pas un clin d’œil ou une face B oubliée.
En studio, seul : la fabrication artisanale d’un hit mondial
L’autre point clé du récit, et l’un des plus fascinants pour les amateurs de son, c’est la méthode d’enregistrement. “Wonderful Christmastime” est, essentiellement, un morceau “one man band”. McCartney y joue et chante tout. Les membres de Wings apparaissent dans le clip, ils accompagnent la promotion, mais la bande-son est d’abord l’œuvre de McCartney seul, dans une logique proche de ses débuts solo : empiler les couches, superposer les instruments, construire la chanson comme un petit monde fermé.
Ce choix n’a rien de purement technique. Il correspond à une manière de composer. Quand McCartney travaille seul, il peut se permettre une forme de spontanéité, d’instantané. Il peut suivre une idée jusqu’au bout sans négocier avec un groupe, sans expliquer, sans justifier. “Wonderful Christmastime” ressemble à une chanson née d’un motif, d’un riff de synthé, d’une boucle qui donne envie de sourire. Tout le reste vient se greffer dessus comme une décoration progressive : une basse, des percussions, des cloches, une voix, puis une autre voix, puis encore une autre, jusqu’à créer cet effet de chœur.
Le son du morceau a longtemps divisé, et c’est un aspect intéressant de sa postérité. Pour certains, il est charmant, rétro, immédiatement évocateur. Pour d’autres, il est criard, trop “plastique”, trop daté, comme une carte de Noël fluo. Mais le fait qu’il provoque des réactions aussi tranchées fait partie de la définition même d’un standard moderne : il ne laisse pas complètement indifférent. On le reconnaît en deux secondes. Son identité sonore est un logo.
Dans le cadre des annotations Vevo, McCartney insiste moins sur la technique pure que sur l’intention : il voulait capturer une ambiance. Mais tout, dans l’arrangement, sert ce but. Les timbres synthétiques évoquent des lumières. Le rythme est simple, presque mécanique, comme une petite machine festive. Les clochettes et percussions rappellent les objets de saison sans tomber dans la citation d’un carol traditionnel. La chanson n’imite pas Noël, elle fabrique son propre Noël, un Noël pop, urbain, post-sixties, à l’époque où l’on peut déjà se dire que les fêtes sont aussi une affaire de culture de masse.
Et c’est sans doute pour cela qu’elle a trouvé sa place : elle ne concurrence pas les chants anciens, elle occupe une autre case. Elle ressemble à Noël vu depuis la modernité, un Noël de l’ère des synthés, des pubs, des clips, des radios FM. Elle est “traditionnelle” non pas par son style musical, mais par sa fonction : revenir chaque année et rassembler.
Un single de Noël, une face B inattendue, et une carrière qui se recompose
Quand “Wonderful Christmastime” paraît en novembre 1979, elle ne s’inscrit pas seulement comme une curiosité saisonnière. Elle signale aussi un mouvement dans la carrière de McCartney. Le morceau est publié comme un single indépendant, à un moment où McCartney n’est plus exactement dans la dynamique des Beatles, mais pas encore dans l’image de “patriarche pop” qu’il incarnera pleinement plus tard. Il est encore un musicien en activité, qui se bat avec le présent, qui essaie des choses, qui veut continuer à écrire des mélodies qui accrochent.
Le single est accompagné d’une face B devenue, elle aussi, un petit objet de discussion chez les collectionneurs : “Rudolph the Red-Nosed Reggae”, une relecture instrumentale, décalée, qui rappelle le goût de McCartney pour les détours et les pastiches. Ce choix raconte quelque chose : McCartney ne veut pas faire de “Wonderful Christmastime” un monument solennel. Il assume la dimension amusée, légère, presque malicieuse de l’ensemble. Noël, chez lui, n’est pas une messe, c’est une fête.
C’est aussi la période où l’on commence à percevoir, dans les faits, que Wings arrive à un tournant. Même si le groupe n’est pas officiellement “fini” au moment de la sortie, l’architecture de la carrière de McCartney change. Le projet “McCartney II”, enregistré dans une logique plus solitaire, prépare une autre manière d’exister : moins dépendante d’un groupe stable, plus centrée sur la signature “McCartney” elle-même.
“Wonderful Christmastime” se situe donc à une intersection. Et c’est une raison supplémentaire de l’observer de près aujourd’hui. Elle n’est pas seulement un “tube de Noël”. Elle est un marqueur temporel dans une histoire beaucoup plus large : celle d’un ex-Beatle qui, au lieu de se contenter de vivre sur ses acquis, continue de se confronter au son de son époque, quitte à produire un morceau qui, justement, finira par devenir intemporel à force de revenir.
Le clip : un pub du Sussex, un théâtre d’Eastbourne, et la signature Russell Mulcahy
La dimension “clip” est centrale dans l’édition Vevo Footnotes, puisque c’est le support même des annotations. Le clip de “Wonderful Christmastime” est un objet typique de la fin des années 1970 : une mise en scène de groupe, une atmosphère de fête, des sourires, des instruments, des effets lumineux, et ce sentiment que l’on veut donner à voir une convivialité réelle, presque documentaire, tout en restant dans une esthétique contrôlée.
Le tournage a lieu notamment au Fountain Inn, dans le Sussex, un pub qui existe toujours et qui, dans l’imaginaire britannique, incarne une forme de tradition chaleureuse. Les images montrent les membres de Wings au milieu des décorations, dans une ambiance de soirée privée, comme si l’on avait déplacé la fête familiale sur un plateau. Une autre partie du clip est filmée au Royal Hippodrome Theatre d’Eastbourne, lieu de répétition pour la tournée britannique de Wings à la fin de 1979. Le clip devient alors une sorte de montage : la fête au pub, la musique sur scène, le groupe en mouvement, la préparation de la route.
La réalisation est signée Russell Mulcahy, un nom qui prendra une importance considérable dans la grammaire du clip des années 1980. Mulcahy deviendra l’un des artisans majeurs de l’esthétique vidéo de la décennie suivante, notamment via ses collaborations avec des groupes comme Duran Duran, avant de passer au cinéma. Le fait de le retrouver ici, en 1979, sur un clip de McCartney, ajoute une couche d’intérêt : c’est un point de jonction entre deux âges du clip, entre la période “promo film” encore proche des codes télévisuels et l’explosion visuelle stylisée des années MTV.
Dans les annotations, l’intérêt est moins de “mythifier” le tournage que de rappeler des éléments concrets : où cela a été filmé, comment, pourquoi ces lieux-là. Le pub, en particulier, devient un symbole parfait pour ce que McCartney dit de la chanson : une fête à l’anglaise, un moment de chaleur collective, une scène où l’on boit, où l’on rit, où l’on se retrouve. Le clip prolonge le texte : la chanson parle de lever un verre, la vidéo le montre.
De la radio à l’algorithme : comment la chanson a retrouvé le Hot 100
La trajectoire commerciale de “Wonderful Christmastime” raconte, à elle seule, l’évolution de l’industrie musicale. À sa sortie, le morceau s’impose comme un titre saisonnier populaire, particulièrement au Royaume-Uni, et s’installe progressivement dans les playlists de fêtes. Mais ce qui est frappant, c’est sa manière de se “réinventer” à l’ère du streaming.
Comme beaucoup de chansons de Noël, “Wonderful Christmastime” est devenue un titre à retour annuel, un morceau qui redevient “nouveau” chaque décembre par la force du calendrier. Or, les méthodes de mesure des succès ont changé. Les classements contemporains intègrent désormais massivement les écoutes en streaming, les vues, les rediffusions. Résultat : des titres anciens peuvent atteindre des sommets qu’ils n’avaient jamais touchés lors de leur sortie initiale, simplement parce que le mode de consommation actuel rend visible un succès qui, autrefois, était diffus mais moins quantifiable.
En 2024, “Wonderful Christmastime” atteint ainsi un nouveau pic dans le classement Billboard Hot 100, en montant jusqu’à la 26e place. Ce chiffre, très commenté à l’époque, est un symbole de plus : une chanson de 1979, portée par la saison et par la logique des plateformes, se retrouve au milieu des hits contemporains, comme si les époques se télescopaient.
Ce phénomène n’est pas propre à McCartney. Chaque année, les charts se remplissent de titres de Noël anciens et récents, et cette “invasion” saisonnière fait partie du spectacle. Mais dans le cas de “Wonderful Christmastime”, il y a quelque chose de particulier : le morceau est né à une époque où McCartney cherchait un nouveau langage sonore. Le voir triompher à nouveau dans un monde dominé par l’algorithme et la consommation fragmentée donne une ironie douce : une chanson écrite pour capturer l’esprit de fête d’un souvenir de Liverpool devient un objet mondial, re-mesuré chaque année comme un baromètre.
Reprises, rééditions, recyclages : la vie parallèle d’un standard
Un standard de Noël se mesure aussi à sa capacité à être repris. “Wonderful Christmastime” a connu, au fil des décennies, un nombre important de versions par d’autres artistes, du registre soul à la pop adolescente, preuve que sa structure et son refrain se prêtent à la réinterprétation. Le morceau a été repris par des artistes aussi différents que Diana Ross et Hilary Duff, et il continue d’apparaître sur des compilations de fêtes, des émissions, des publicités, des playlists officielles.
La chanson a aussi connu une seconde vie discographique via les rééditions. Elle a été ajoutée comme bonus track sur certaines rééditions, intégrée à des packages qui recontextualisent l’ère Wings et l’ère “McCartney II”. Là encore, la mécanique est intéressante : un single de Noël, au départ indépendant, devient progressivement un élément de l’archive officielle, une pièce du puzzle “McCartney” que l’on replace dans une chronologie plus vaste.
Il existe aussi des versions alternatives, des mixes, des éditions étendues, et le morceau a été décliné dans différents formats au fil du temps, preuve qu’il n’a jamais cessé d’être considéré comme un actif vivant dans le catalogue. C’est le destin des chansons qui deviennent des rituels : elles ne se contentent pas d’exister, elles sont régulièrement remises en circulation, remasterisées, re-éditées, adaptées aux nouveaux supports. Le vinyle cède au CD, le CD au streaming, le streaming à la vidéo annotée. Et le refrain, lui, reste identique.
Ce que Vevo Footnotes ajoute à cette histoire, c’est un niveau de narration. Les reprises et rééditions racontent la longévité commerciale. Les annotations racontent la longévité émotionnelle : pourquoi McCartney l’a écrite, ce qu’il voyait, ce qu’il entendait, ce qu’il voulait célébrer. Pour les fans, c’est souvent la différence entre “connaître” une chanson et “comprendre” ce qui l’a fait naître.
“Sorcellerie à Liverpool” : la rumeur la plus absurde de la saison, et la réponse de McCartney
Les chansons populaires finissent toujours par attirer des interprétations étranges. “Wonderful Christmastime” n’a pas échappé à ce réflexe internet qui consiste à chercher un “secret” derrière tout. Depuis plusieurs années, une rumeur circule en ligne : la chanson serait en réalité une histoire de sorcellerie, un récit masqué où des gens pratiqueraient des rites avant d’être surpris, puis tenteraient de faire comme si de rien n’était. Le carburant de cette théorie est notamment un jeu de mots supposé sur une phrase du refrain, certains affirmant entendre “the moon is right” au lieu de “the mood is right”.
Dans Vevo Footnotes, McCartney répond avec un humour qui désamorce tout. Il feint d’abord d’acquiescer, en se décrivant comme le “grand sorcier” d’un coven de Liverpool, avant de rappeler que tout cela est évidemment absurde. Il insiste sur le vrai sens : il s’agit bien de “mood”, l’humeur, l’ambiance. Ce n’est pas la lune, c’est l’atmosphère de fête.
Ce passage est révélateur à deux niveaux. D’abord parce qu’il montre la manière dont McCartney gère, depuis longtemps, les mythologies parasites : en les reconnaissant, en jouant avec, puis en ramenant au réel. Ensuite parce qu’il dit quelque chose de notre époque : même une chanson de Noël légère peut devenir le support d’un récit conspirationniste miniature, simplement parce que les réseaux sociaux adorent l’idée que tout cache un double fond.
Au fond, cette rumeur a un effet paradoxal : elle prouve la longévité du morceau. On ne fabrique pas de mythes sur une chanson oubliée. On fabrique des mythes sur ce qui est encore assez vivant pour être commenté, détourné, re-raconté. Que “Wonderful Christmastime” ait droit à sa légende idiote est presque un signe de réussite : le morceau est devenu un objet culturel suffisamment installé pour générer du folklore.
Wings sur la route : une chanson de Noël jouée (presque) comme une chanson de tournée
L’autre aspect que la vidéo remet en avant, c’est la place de “Wonderful Christmastime” dans la vie scénique de McCartney. Les membres de Wings n’apparaissent pas sur l’enregistrement studio, mais ils sont au centre du clip, et la chanson est interprétée lors de la tournée britannique de la fin 1979. Là encore, le contraste est intéressant : le studio est solitaire, la scène est collective. McCartney fabrique le morceau seul, puis l’offre au groupe comme un numéro de fête.
Dans l’histoire live de McCartney, “Wonderful Christmastime” reste un titre relativement rare. Il l’a interprété ponctuellement à différentes périodes, parfois en rappel, parfois comme surprise saisonnière, ce qui renforce son statut d’objet “événement”. Quand elle réapparaît, elle n’est pas simplement un tube de plus : elle signale un moment, une période de l’année, une volonté de jouer avec le calendrier.
En 2024, McCartney surprend notamment le public en interprétant la chanson à Manchester lors d’un concert, accompagné par une chorale de jeunes, dans une mise en scène qui accentue le côté “fête partagée”. Le morceau, écrit à partir de souvenirs de Liverpool, revient dans le Nord de l’Angleterre comme un clin d’œil, et la boucle se referme symboliquement : la chanson de Noël du Liverpuldien devient un moment collectif chanté avec des enfants, presque comme l’avait imaginé la ligne “the choir of children sing their song”.
Cet écart entre le studio et la scène, entre le McCartney bricoleur et le McCartney showman, est l’une des raisons pour lesquelles “Wonderful Christmastime” reste fascinante. Ce n’est pas un morceau figé dans un format. C’est une chanson qui, selon les contextes, peut être une petite expérience synth-pop de 1979, un clip de pub festif avec Wings, un standard familial repris par d’autres artistes, ou un rappel surprise joué devant des milliers de personnes.
Un refrain mondial, un geste simple, et le plaisir assumé d’être “trop” entendu
Dans ses annotations, McCartney évoque aussi un point qui revient chaque année : la question de la surexposition. “Wonderful Christmastime” fait partie de ces titres que l’on entend parfois jusqu’à saturation, surtout dans les espaces publics. Beaucoup d’artistes finiraient par s’en excuser, par prendre une posture défensive, par minimiser. McCartney, lui, tranche avec une simplicité presque désarmante : il dit que cela ne le dérange pas. Que certaines personnes entendent la chanson “un peu trop” dans les magasins, peut-être, mais que lui, il est heureux. Il assume le côté rituel, et donc répétitif, du morceau.
Ce positionnement est cohérent avec sa vision de la chanson de Noël. Le standard est par nature répétitif. Il revient chaque année, il s’impose, il devient un décor. Se plaindre d’être trop entendu quand on a écrit une chanson saisonnière, ce serait comme reprocher à un sapin d’être présent en décembre. McCartney, en revendiquant cette joie, rappelle aussi quelque chose : “Wonderful Christmastime” a été écrite pour capter une ambiance de fête. Si elle finit par accompagner, même involontairement, la vie quotidienne des gens à cette période, elle remplit sa fonction.
Pour les fans des Beatles et de McCartney, la vidéo Vevo Footnotes a un intérêt supplémentaire : elle humanise un morceau devenu parfois abstrait à force d’être diffusé. Elle le ramène à une scène très simple, presque banale : un homme qui se souvient des fêtes de sa famille, qui veut écrire un refrain qui ressemble à un toast, qui découvre un motif de synthé et s’amuse à le transformer en chanson. Derrière l’hymne mondial, il y a un geste d’artisan, une humeur, un souvenir.
Et c’est peut-être la meilleure manière de réentendre “Wonderful Christmastime” aujourd’hui. Non pas comme une obligation de saison, non pas comme une scie qu’il faudrait aimer ou détester par principe, mais comme une photographie sonore de 1979, où un ex-Beatle, au milieu d’une époque de transition, fabrique un morceau de Noël à partir de sa propre mémoire, sans imaginer qu’il deviendrait, un jour, l’une des bandes-son les plus persistantes de nos mois de décembre.