"Stupeur et tremblements" : c'est drôle et incisif

Publié le 10 septembre 2008 par Zoerose

  Après avoir lu "Hygiène de l'assassin" (et pris un grand plaisir à le faire, comme je vous l'ai expliqué ici), j'ai eu envie de connaître un peu mieux l'oeuvre d'Amélie Nothomb dont j'ignorais tout, si ce n'est le fait qu'elle était présente, depuis plusieurs années, à chaque rentrée littéraire et présente sur tous les plateaux télé sur lesquels il était question de bouquins, faisant chaque fois polémique. Ce côté auteur "à la mode", "DOP" (Dont On Parle), qui aime créer le buzz autour de son bouquin de l'année, qui a un look et un phrasé tellement à part qu'il ne peut qu'être étudié pour les caméras ... tout ça me rendait Amélie Nothomb relativement antipathique, et ne me donnait pas du tout envie de la lire.
Ainsi, "Hygiène de l'assasin" m'a cloué le bec ... une fois de plus je m'étais trompée : j'aime la plume d'Amélie Nothomb !

  "Stupeur et tremblements" a largement été à la hauteur, bien que le style et le genre soit complètement différent du premier. Ici l'auteur nous donne à lire un pan (7 mois) de sa vie :

Amélie, fille de diplomate Belge, est née au Japon dont elle maîtrise la langue et admire la culture et le raffinement. Elle est comblée lorsqu'elle est embauchée dans la tentaculaire et puissante société Yumimoto.
Quel est son poste ? Quel doit être son rôle dans cette société ? Elle n'en sait rien : elle devait y être traductrice, mais la Hiérarchie en a décidé autrement : d'aide-comptable à dame-pipi, la jeune belge va rapidement comprendre, ou en tout cas subir, l'inflexibilité de la Hiérarchie et surtout sa supérieure, la sublime Fubuki.


"Récapitulons. Petite, je voulais devenir Dieu. Très vite je compris que c'était trop demander et je mis un peu d'eau bénite dans mon vin de messe : je serais Jésus. J'eus rapidement conscience de mon excès d'ambition et acceptai de "faire" martyre quand je serais grande.
Adulte, je me résolus à être moins mégalomane et à travailler comme interprête dans une société japonaise. Hélas c'était trop bien pour moi et je dus descendre un échelon pour devenir comptable. Mais il n'y avait pas de frein à ma foudroyante chute sociale. Je fus donc mutée au poste de rien du tout. Malheureusement - j'aurai dû m'en douter -, rien du tout, c'était encore trop bien pour moi. Et ce fut alors que je reçu mon affectation ultime : nettoyeuse de chiottes."

Ce huis clos, où le lieu unique est l'Entreprise et les rapports humains se limitent aux ordres donnés par la Hiérarchie, est drôle et incisif !

"Le Japon est le pays où le taux de suicide est le plus élevé, comme chacun sait. Pour ma part, ce qui m'étonne, c'est que le suicide n'y soit pas plus fréquent"


Le Japon me semblait très loin (géographiquement, mais également culturellement) ; Amélie Nothomb confirme ce sentiment, et me conforte dans l'idée que j'aurais été une très mauvaise japonaise ! :

"S'il faut admirer la Japonaise - et il le faut -, c'est parce qu'elle ne se suicide pas. On conspire contre son idéal depuis sa plus tendre enfance. On lui coule du plâtre à l'intérieur du cerveau : "si à vingt-cinq tu n'es pas mariée, tu auras des bonnes raisons d'avoir honte", "si tu ris, tu ne seras pas distinguée", "si ton visage exprime un sentiment, tu es vulgaire", "si tu mentionnes l'existence d'un poil sur ton corps, tu es immonde" "si un garçon t'embrasse sur la joue en public, tu es une putain", "si tu manges avec plaisir, tu es une truie", "si tu éprouves du plaisir à dormir, tu es une vache", etc."

  Il faut absolument que je vois le film qui a été tiré de ce livre !!! Sylvie Testud y joue le rôle d'Amélie Nothomb : elle doit y être parfaite !!!! J'adooore Sylvie Testud.