Deux familles bosniaques déboutées de leurs demandes d'indemnisation

Publié le 11 septembre 2008 par Hrvatska

La Haye, Pays-Bas - La justice néerlandaise a débouté mercredi de leurs demandes d'indemnisation les familles de deux musulmans bosniaques, tués lors du massacre de Srebrenica en 1999. Elle a estimé que les Pays-Bas ne pouvaient être tenus responsables car leurs Casques bleus opéraient sous mandat des Nations unies.

L'affaire avait été portée devant un tribunal de La Haye par Hasan Nuhanovic, un interprète qui a perdu son frère et ses parents dans la tragédie, ainsi que des proches de Rizo Mustafic, un électricien tué au moment du massacre des musulmans de cette enclave de Bosnie-orientale par les forces bosno-serbes.

Les plaignants affirmaient que leurs proches auraient dû être protégés car ils travaillaient pour les soldats néerlandais de maintien de la paix.

"Le cauchemar se poursuit", a lancé Hasan Nuhanovic, 40 ans, après le jugement avant de préciser qu'il ferait appel de la décision. Il a toutefois conservé son calme au moment de l'énoncé par le président du tribunal, Hans Hofhuis. "J'ai été trahi tant de fois auparavant dans ma vie", a-t-il renchéri.

Les troupes néerlandaises, placées sous commandement de l'ONU, étaient chargées de protéger Srebrenica, mais n'avaient pu empêcher les forces serbes d'envahir l'enclave musulmane à la fin de la guerre de Bosnie (1992-1995). Au moins 8.000 hommes et garçons ont été tués dans le massacre qui avait suivi, à l'été 1995, dans ce qui était le pire épisode sanglant qu'a connu l'Europe depuis la seconde guerre mondiale.

Les quelques centaines de militaires néerlandais présents sur place avaient été submergés par les hommes du chef de guerre bosno-serbe, Ratko Mladic, beaucoup plus nombreux.

La décision de mercredi est une mauvaise nouvelle pour le procès collectif intenté par un groupe de survivants connues sous le nom des "Mères de Srebrenica". En début d'année, un tribunal néerlandais s'était déjà déclaré incompétent pour statuer sur leurs demandes d'indemnisation auprès de l'ONU, l'organisation étant à l'abri de toute poursuite en raison de son immunité.

Un des avocats du mouvement, Marco Gerritsen, a estimé que la décision de mercredi n'aurait pas d'impact sur leur propre dossier, dans lequel il envisage de faire appel jusque devant la Cour européenne des Droits de l'Homme si nécessaire. La "responsabilité" de l'ONU dans le massacre "doit être plus importante que (son) immunité", a-t-il observé dans un entretien accordé par l'Associated Press.

Les Pays-Bas restent traumatisés par le rôle joué par leurs Casques bleus à Srebrenica. En 2002, un rapport indépendant de l'Institut des Pays-Bas pour la documentation sur la guerre avait jugé le gouvernement en partie responsable de la tragédie, pour avoir envoyé dans cette mission impossible en Bosnie des troupes mal préparées. Le document avait entraîné la démission du gouvernement.

Lors de l'audience en juin, Hasan Nuhanovic avait raconté au tribunal le moment où des soldats néerlandais lui avaient ordonné d'annoncer aux membres de sa famille qu'ils devaient quitter l'enceinte de l'ONU où ils s'étaient réfugiés. Il avait compris que cela signifiait leur arrêt de mort. "Ma mère pleurait. Je pleurais. La seule personne à ne pas pleurer, c'était mon frère. Il avait 22 ans, et il était très fier."

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Source : La Presse canadienne, le 10 septembre 2008.