Le MMA, un "Fight Club" pour enfants

Publié le 12 septembre 2008 par Willy

Avec des mouvements comme le "plaqué-broyé" ou le "couche-toi et prie", le Mix Martial Art (MMA) est considéré, combats de rue mis à part, comme le plus brutal des sports de combat. Alors pourquoi retrouve-t-on des enfants de six ans dans les compétitions ?

Le MMA est une version élaborée de l' "ultimate fighting", le sport de full-contact apparu au début des années 1990, que John McCain avait baptisé "combat de coqs humains".

Considéré comme trop violent pour le public, l' "ultimate fighting" a été retravaillé et encadré par des règles plus strictes, puis réintégré au monde du sport sous le nom de "Mix Martial Art".

Depuis ses débuts, trois personnes sont décédées de leurs blessures à l'issue de combat de MMA, et les compétitions sont illégales dans 49 Etats. Pourtant, la discipline gagne en popularité. Sur les chaînes de télévision à la carte, les programmes de MMA rapportent aujourd'hui autant que la lutte et la boxe.

Sur les dernières années, un nombre croissant de cours sont apparus aux Etats-Unis. Les compétitions aussi sont de plus en plus nombreuses, comme dans le Missouri, où les combats sont autorisés comme sur cette vidéo.  


"C'est comme une grosse bataille d'oreillers pour eux"

Matthew Douglas dirige le "Barbarian Fight Club" et le club de sport "Cave MMA" à Fredericksburg, en Virginie. Il a été le numéro 1 de la discipline aux Etats-Unis pendant trois ans.

 Si un entraîneur n'apprend pas correctement [à se battre] à des adultes, ils se blesseront. C'est exactement la même chose avec des enfants, bien qu'il faille prendre certaines précautions supplémentaires. Il suffit de leurs rajouter des jambières, un équipement  pour la tête, et des gants plus épais. Le MMA pour les enfants est un mélange des versions 'enfants' de la lutte, du jujitsu, et du judo. Il y a des cours de judo et de lutte pour les 4-5 ans. C'est par là que ça commence. Il faut avoir les bases dans, au minimum, un art martial pour se lancer dans le MMA.

Mon fils a 9 ans et il est parfaitement entraîné pour le MMA. On va dans le Missouri (les combats d'enfants y sont autorisés) pour son premier combat le mois prochain. Il est très excité. Quand on voit les enfants juste après leurs combats, on sent qu'ils aiment ça ! Et ils sont très potes avec leurs adversaires. C'est comme une grosse bataille d'oreillers pour eux.

Personnellement, je n'ai jamais vu d'enfant blessé. Mais je suis sûr que ça a dû arriver, comme dans tous les sports. Justement, hier soir, je regardai un match de football américain entre des équipes d'enfants, un petit de 7 ans s'est brisé le genou. Il ne pourra plus jamais jouer.

Les combattants de MMA se respectent beaucoup. J'ai fait de la compétition jusqu'au plus haut niveau et je n'ai jamais blessé qui que ce soit.

C'est un sport qui a de plus en plus de succès. On organise des combats tous les trois mois et ont rassemble en moyenne deux milles spectateurs à chaque fois. Cette discipline s'inspire des combats de gladiateurs, c'est le sport des sports. Les gens ont beau dire qu'ils n'aiment pas regarder les matchs, quand il y en a un à quelques kilomètres, ils se déplacent."


"Pourquoi ? Toujours pour le spectacle"

Yves Papelier est médecin du sport (FSGT) et professeur de judo.

 Ces vidéos me font penser à du full-contact ou de la boxe thaï. Il me semble que l'aspect le plus dangereux est la durée, particulièrement longue, des combats. C'est la même différence qu'entre boxe amateur et boxe professionnelle. En boxe professionnelle, les combats durent plus longtemps pour qu'il y ait des blessés. Car au bout d'un moment, avec la fatigue, les esquives sont moins rapides, alors que les coups sont toujours aussi puissants. C'est encore plus vrai pour un enfant, qui a une capacité de résistance peu développée (exemple, pour courir un 400 m). On les pousse à se faire mal.

Je ne peux pas appeler ce que j'ai vu un sport. Car le sport est une pratique codifiée et ancrée dans une culture et une société. Ses règles sont le résultat d'une évolution. Elles sont une sorte de "gentlemen agreement", un moyen d'euphémiser la pratique pour protéger les sportifs. Le judo et le karaté sont des sports dangereux. C'est pour cette raison qu'ils sont aussi codifiés (on salue avant, après, etc.). Déjà, en boxe professionnelle, la codification est moins présente. Avec le MMA, on réduit les règles au minimum et on laisse l'animalité s'exprimer. Pourquoi ? Toujours pour le spectacle. C'est une vision très anglosaxonne du sport. Au judo, il n'y a pas d'agressivité, en tous cas pas chez les bons. Et le public ne hurle pas - jusqu'à récemment -, car c'est un sport et non un combat de gladiateurs."


"Dans le domaine du sport, la France est en avance sur les Etats-Unis"

Anthony Desbois est professeur de sport. Il enseigne le judo, la lutte et a participé à la rédaction de la charte sur les arts martiaux de la fédération sportive FSGT.

 Ce sport présente des risques biomécaniques et psychologiques évidents. J'ai bien regardé ces vidéos de combats. Les enfants se font des projections, des compressions, ils frappent un adversaire au sol. Le plus inquiétant, pour moi, ce sont les clefs de cou, qui provoquent des hyper-extensions des cervicales, et les clefs à l'épaule. Avec ce type de prise, lorsqu'on a mal, il est trop tard, c'est que ça a cassé.

Le Mix Martial Art a été interdit en France par le Ministère de la jeunesse, de la santé et des sports. Car dans notre pays, le sport est codifié et ne doit pas mettre en danger ceux qui le pratiquent. Et aussi parce que c'est une pratique qui est souvent liée à des sectes. Il y a eu plusieurs histoires de ce genre en France. Car entre le prof de sport et le gourou, la frontière est parfois mince. Dans le domaine du sport, la France est en avance sur les Etats-Unis, qui ont une approche uniquement commerciale de la pratique sportive"


Combat sans protection