Travail : la révolte des trentenaires

Par Levidepoches
Posté par : rudy
Lu sur : ELLE
Posté sur : le vide poches / planning strategique
                   
  • Le désenchantement

  • La réussite et le pouvoir ne fascinent plus

  • Des carrières plus morcelées

  • La peur au labeur

Mais où sont donc passés les jeunes loups ? Aujourd’hui, faire carrière n’est plus une fin en soi, gagner de l’argent ne suffit plus. Chez les jeunes diplômés, la quête du sens et de l’équilibre personnel prévaut. Enquête auprès de ces battants d’un nouveau genre.
Dorothée Werner avec Hélène Fresnel.

« Ni pauvres ni riches. Ni heureux ni malheureux. Ni soumis ni révoltés. Ni vils ni nobles. Ni pro ni anticapitalistes. Nous
voilà, les salariés, les cadres (trentenaires, ndlr), vaste armée démobilisée et sceptique attendant, sinon le Grand Soir, au moins le soir. » Qui ose dépeindre ainsi le désenchantement des jeunes diplômés des grandes écoles, dans ce pays dont les deux mots d’ordre récents (« Travailler plus pour gagner plus » et « La chasse à la glandouille ») bénéficient d’un large consensus ? Qui ose présenter les forces vives de la nation aussi démotivées, éreintées d’avance par l’ennui mortel de la vie de bureau, comptant leurs heures comme de vulgaires gratte-papier malgré des études longues et sacrificielles, tout en rêvant d’intensité, de vie de famille, de voyages au bout du monde, de métiers artistiques, de joies simples ? Qui ose parler ainsi ?

Teodor Limann. A32 ans, ce polytechnicien a déjà une brillante carrière derrière lui, entre cabinets de consultants prestigieux et directions financières de grands groupes. Son petit livre générationnel (1) réussit la prouesse d’être à la fois décapant et très bien écrit. Avec un sens aigu du détail, il évoque les mille et un sacrifices encaissés par sa génération pour se fondre sans convictions dans le moule ultra-formaté de l’entreprise. « Une génération romantique est ainsi en train d’éclore, écrit-il, et c’est là une bien curieuse ironie de voir des bataillons de diplômés surentraînés prêts à tout pour échapper au costume-cravate et n’être jamais directeurs de rien. » Ce fils de profs, qui publie sous pseudo pour ne pas mettre en péril son parcours professionnel, ne remet pas en question l’idée même de travail, mais semble traversé par une seule et vaste question : « Tout ça pour quoi ? »

Combien sont-ils, ces jeunes diplômés de grandes écoles rêvant comme Teodor Limann d’être hommes au foyer dans une petite maison de pêcheur, passant leurs journées à s’occuper des enfants et leurs nuits à écrire des romans ? Combien sont-ils qui étouffent leur vague à l’âme chaque matin sous leur costume Agnès b. avant de s’enquiller, pour un (très) bon salaire et à un poste jugé plus qu’enviable par l’ensemble ou presque de la société, dix ou douze heures absurdes devant leur ordinateur ? Certains objecteront que le blues du jeune normalien, le spleen post-HEC et l’errance métaphysique des polytechniciens ne pèsent pas lourd face à l’angoisse de hordes de gamins sans qualification
qui rêvent de décrocher, un jour peut-être, un CDD au Smic. C’est vrai. Sauf que cette nouvelle défiance des élites vis-à-vis du monde du travail, constatée par moult économistes, sociologues, directeurs d’études et spécialistes des ressources humaines de ce pays, illustre une tendance qui sent le long terme et risque de se propager dans toutes les couches de la société.

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