Inju, la bÊte dans l'ombre

Par Rob Gordon
D'un gorille qui parle à Jacques Vergès, des favelas jusqu'au Japon, Barbet Schroeder est un cinéaste remuant, rebondissant, qui ramène toujours sa fraise là où on ne l'attend pas. Dans sa carrière faite de sommets flamboyants et de ratages bien mous, Inju est un film entre deux chaises mais en tout cas mineur, son envie volontaire (on l'espère) de grotesque se retournant régulièrement contre lui. C'est qu'on n'a jamais vraiment l'impression de sortir de cette alléchante scène d'exposition, qui nous présente un classique film dans le film avec répliques solennelles et hémoglobine qui fuse. Schroeder orchestre une mise en abyme renversée, où l'on ne sait plus si c'est l'art (littéraire ou cinématographique) qui s'inspire de la vie ou le contraire. Ce louvoiement trouble donne au film ses plus beaux moments mais finit par l'engoncer dans un maniérisme un rien lassant.
Il est loin, le thriller sexuel annoncé : malgré ses apparats SM et ses longs suçotages d'orteils, Inju est d'abord une réflexion sur l'inspiration et ses opposés (l'expiration, mais aussi la page blanche). Mort à celui qui prendra l'intrigue au premier degré, avec son twist final prévisible et vaseux et ses meurtres de série B. Là, le film perdrait immédiatement la face en se trouvant comparé à des plongées asiatico-occidentales telles que L'année du dragon. Il faut donc voir Inju autrement, et considérer les froncements de sourcil de Magimel comme une façon de montrer à tous, et à tout prix, que ce qui est filmé n'a rien de réel. Pas désagréable, un peu perturbant, Inju n'a cependant rien de la bête dans l'ombre qui nous était promise par le titre.
5/10