Brasil Brasil, du bois et de l’or

Publié le 13 septembre 2008 par Marc Lenot

Quatorze jeunes artistes brésiliens, chez Vallois (jusqu’au 19 octobre), c’est un peu de tout, sans grande cohérence, pas d’unité ni géographique, ni conceptuelle, ni de média. un peu ‘le Brésil à Paris’. On peut donc détester ceci ou cela, et par contre s’émerveiller devant tel ou telle autre artiste.

En entrant dans la galerie, on est aussitôt happé par le mur du fond, ses rondeurs, ses tons, sa texture; on s’approche, on se laisse engloutir. Le mur déborde, se répand, vomit, des rondeurs, des protubérances, seins, fesses, sexes, en jaillissent, toutes couvertes de lattes de contreplaqué (Tapumes) qu’on effleure du doigt avec jouissance. Est-ce un cancer, une prolifération que rien ne peut stopper ? Est-ce une manifestation de la vie organique secrète des murs, comme chez Adriana Varejao ? C’est aux jointures, là où la ‘forme’ se détache du mur, qu’on est le plus troublé, là où quelques couches de peinture blanche relient l’excroissance ronde au mur droit, là où se fait le passage du civilisé au sauvage, du rigide au sensuel, du lisse au caressable. L’artiste se nomme Henrique Oliveira, il n’a pratiquement pas exposé hors du Brésil et son approche des volumes est à la fois minimale et tropicale, me semble-t-il.

Quand on peut se libérer de cette pièce, on va de vidéos en sculptures minimalistes parodiques, mais je me suis surtout arrêté devant des cadres discrets, devant lesquels on passerait d’abord sans rien voir. Laura Lima dessine avec de l’or sur des pages de catalogue de peintures, Renaissance surtout, mais aussi Manet et Friedrich. Sa plume élégante, aérienne, reprend les formes, les modifie, les améliore, les transforme. C’est parfois de la dentelle et parfois de l’obscurcissement, des habillages, des coiffures, des plantes, fleurs ou épis de blé, qui envahissent l’image. J’aime ce travail d’hybridité, où l’oeuvre d’un artiste a été reproduite en masse sur un catalogue, puis se trouve singularisée grâce à l’intervention d’un autre artiste. Cette négation de la ‘reproduction mécanique’, cette intervention de la main sur la photo peuvent rappeler Rainer ou Tichy, mais elles font songer aussi à l’esthétique de la retouche. Et c’est très beau, en plus. 

Photos courtoisie Galerie GP&N Vallois.
HENRIQUE OLIVEIRA, Sans titre
de la série «Tapumes»,
2008, 330 x 600 x 190 cm, Bois, pvc. Édition unique.
LAURA LIMA, Untitled, Flexible Gold series, 2008, Stylo doré sur page de catalogue