François Bayrou, suite

Publié le 14 septembre 2008 par Edgar @edgarpoe
La cellule de veille du Modem a fait son travail et Frédéric LN est venu défendre en commentaire de mon précédent billet la radicalité de François Bayrou. J'essaie de répondre non pas en commentaire mais en un billet, pour plusieurs raisons : l'homme Bayrou n'est pas médiocre et mérite mieux que de l'ironie rapide, et je n'oublie pas que j'ai voté pour lui en 2007 et je ne voudrais pas paraître totalement léger en l'accablant aujourd'hui de tous les maux. Par ailleurs, le sujet rejoint aussi celui de mon billet précédent, consacré à Bové et Cohn Bendit. Sur Bayrou et l'Europe, je ne crois pas que le traité de Lisbonne améliore quoi que ce soit à la médiocrité de l'Union européenne d'aujourd'hui. Les sparadraps démocratiques qu'il contient ne changent rien à la primauté foncière de la Commission. Et le fait de pouvoir prendre plus de décisions à la majorité qualifiée n'est pas fait pour rassurer : vues les réalisations de l'Union jusqu'ici, je ne souhaite pas qu'elle puisse prendre plus de décisions dans plus de domaines. Sur l'Afghanistan, je crois profondément que nous menons là bas une guerre coloniale, comme auxiliaire des Etats-Unis. Je ne pense pas que le terrorisme se combatte par des moyens militaires. Et je crois qu'Obama s'est enfermé aux USA lorsque, pour ne pas passer pour un munichois, il a expliqué qu'il fallait quitter l'Irak pour renforcer les effectifs en Afghanistan. C'était concéder aux néoconservateurs que le terrorisme se combat avec des M16 et des marines, ce qui ne tient pas la route. Et les européens ont fait à Bush la même concession imbécile, comme le souligne non pas un excité mais un analyste chevronné de la politique internationale, William Pfaff : "Actually, those European states that have joined the NATO operation in Afghanistan have already accepted the American argument that "terrorism" there, meaning the return of the Taliban, has a tangible connection with their own "homeland security" -- to employ the vaguely totalitarian expression, redolent of the fear and panic in that city, that was adopted in Washington after the 9/11 attacks." Je crois donc que François Bayrou fait une erreur de diagnostic sur les problèmes de notre société. J'ai l'impression que les racines du mal, selon lui, sont plus dans la personne de Nicolas Sarkozy que dans notamment l'absence totale de marges de manoeuvres nationales. Le radicalisme aujourd'hui (y compris au sens politique troisième république) serait de reconnaître qu'il faut d'abord reconquérir pour la France les moyens d'une politique économique et bientôt d'une politique étrangère, qu'elle n'a plus. Occulter cela, et vouloir se faire élire à la Présidence de la République en annonçant de grands changements, c'est mentir. A part cela, François Bayrou n'est pas le plus médiocres de nos politiques, il peut plaider la responsabilité de ses choix (ne pas renier les engagements de la France etc...), mais pas leur radicalité. Je n'y crois pas. Un autre commentaire, sur Bové et alii, me signale que Bové est quand même très utile pour attirer l'attention sur les dangers des multinationales etc... Non. De fait, une directive vient d'autoriser des niveaux de pesticides deux à huit fois supérieurs aux niveaux antérieurs. Et une association de médecins français vient de protester (cf. sur le très riche site de l'UPR : "L’Association Santé Environnement France (Asef), association regroupant environ 900 médecins français, vient de dénoncer les nouvelles normes européennes en matière de pesticides dans les aliments, refusant ces "plafonds toxiques qui peuvent compromettre la santé humaine. Les décisions européennes concernant l'harmonisation des taux de pesticides semblent issues de la politique du nivellement par le bas. Nous, médecins de terrain, refusons ces plafonds toxiques qui peuvent compromettre la santé humaine".) Et une autre décision de la Commission vient d'autoriser l'importation d'une nouvelle variété d'OGM. Vous avez entendu Bové en parler ? De fait Bové n'a servi à rien dans ces deux affaires et son radicalisme s'arrête à la pointe de ses moustaches. S'il accepte de travailler main dans la main avec Cohn Bendit, ce giscardien recyclé, il servira de bouffon/fou du roi à la Commission, fera certes une carrière internationale, obtiendra deux ou trois os à ronger, mais rien de significatif. Nous aurons toujours, malgré lui, et à cause de son manque de radicalisme, des décisions toujours aussi mal étudiées, non négociées, dans toujours plus de domaines et avec toujours moins de contrepoids nationaux. Alors non, ne galvaudons pas trop vite le doux nom de radicalisme. Le radicalisme conséquent aujourd'hui c'est de sortir de l'Union européenne (n'oublions pas que Pierre Mendès-France, ce grand radical, n'a jamais voulu y entrer et vota contre le Traité de Rome). Bayrou en ce moment se montre plus démocrate chrétien que radical, dans les deux sens du terme.