Eden Lake de James Watkins

Par Geouf

Résumé: Partis pour un week-end en amoureux au bord d’un lac, Steve (Michael Fassbender) et Jenny (Kelly Reilly) sont rapidement dérangés par une bande d’ados d’une quinzaine d’années. L’affrontement, d’abord verbal, tourne au drame lorsque Steve tue accidentellement le chien du leader de la bande. Steve et Jenny vont dès lors devoir lutter âprement pour survivre aux assauts de cette bande de gamins agressifs…

 

Je commence à être un vieux routard de l’horreur, voire du cinéma tout court, et je dois avouer que rare sont les films qui parviennent encore à me choquer. Pourtant, de temps en temps, je tombe sur une perle qui parvient à me mettre mal à l’aise et dont l’influence se ressent encore quelques jours plus tard. Il y avait déjà eu Funny Games US cette année, et maintenant il y a cet Eden Lake sorti de nulle part. Lorsque je me suis rendu au cinéma, je m’attendais à voir un survival classique et efficace, comme le Royaume-Uni en produit régulièrement (et avec succès) en ce moment. Mais j’ai au final pris une énorme claque dans la figure et je suis ressorti complètement sonné par ce film.

Car James Watkins (scénariste notamment du très sympa My little Eye et du prochain The De2cent), dont c’est le premier film en tant que réalisateur, a trouvé ici l’angle d’attaque parfait pour démarquer son film du tout venant de la production horrifique actuelle. Au lieu d’une énième famille de dégénérés consanguins et avides de chair humaine, la menace est ici beaucoup plus réelle et proche de nous et s’appuie sur une des peurs les plus présentes actuellement, celle de la jeunesse. Qui n’a en effet jamais croisé ces ados bruyants et agressifs, totalement irrespectueux de leurs aînés ? Une peur de la jeunesse qui semble être le fait de toutes les générations et qui n’est pas propre à notre époque, mais amplifiée par des medias toujours avides de mettre en avant la moindre violence scolaire. Les tortionnaires de notre charmant couple ne sont donc ici que de jeunes ados laissés livrés a eux-mêmes par des parents n’ayant pas le temps de s’occuper d’eux. Pas forcement tous mauvais en soi, mais poussés par un leader charismatique et qui les terrifie, ils basculeront rapidement de l’autre coté de la barrière, commettant l’irréparable.

A l’opposé, nous retrouvons des héros classiques de survival, un couple jeune, beau et amoureux, composé du sexy Michael Fassbender, aperçu notamment dans 300 et bientôt à l’affiche du nouvel opus de Tarantino, et la charmante Kelly Reilly, égérie de Cédric Klapish dans L’Auberge espagnole et Les Poupées russes. Un joli couple, immédiatement proche de nous et auquel on s’attache très facilement. Ce qui ne rendra la suite des événements que plus douloureuse. Car James Watkins joue à fond et avec perversité de son sujet. Car quand bien même les ados du film sont abominables et commettent des actes impardonnables, il reste toujours difficile pour les héros de rendre coup pour coup. Comme ils le disent « ce n’est qu’une bande de gamins de 12 ans », et pas des dégénérés mongoloïdes issus de relations ou d’expériences contre nature. D’où un sentiment de malaise constant du spectateur, partagé entre le désir de voir les héros mettre une bonne raclée à ces morveux et celui de les voir plutôt fuir le plus loin possible et oublier tout ça.

L’empathie fonctionne donc à fond, particulièrement dans l’insoutenable scène de torture du pauvre Steve. Une scène qui fonctionne une fois encore sur deux niveaux : le dégoût de voir ce que ces gosses sont capables de faire subir à un homme sans défense, et la pitié pour la plupart d’entre eux, obligés de suivre les autres sous peine de se faire rejeter par la bande, voire pire, torturer à leur tour. A ce propos, le jeune Jack O’Connell est absolument monstrueux en leader psychotique et terrifiant de la bande, et devrait rapidement se faire un nom. Watkins enchaîne donc les scènes chocs, sans non plus tomber dans le voyeurisme ni le gore gratuit, tout en questionnant constamment la morale du spectateur. Ainsi, lorsque Jenny fait tomber les gamins de leur vélo, on jubile intérieurement, mais lorsqu’elle tue accidentellement l’un d’eux, on se dit que finalement la loi du talion est loin d’être une réponse appropriée.

Mais toutes ces péripéties ne sont finalement rien en comparaison d’un final d’une noirceur abyssale, total contre-pied du vieil adage qui veut que la vérité sorte toujours de la bouche des enfants. Ce final sans concession, dont je me garderai bien de révéler la teneur, est un véritable uppercut à l’estomac du spectateur qui ressort sonné et profondément perturbé. On appelle ça un coup de maître…

Note : 9/10