Mardi 10 juin 2008, Luxembourg : un botaniste à ma porte

Publié le 16 septembre 2008 par Memoiredeurope @echternach

Je n’achète que rarement des romans américains. Sans doute parce qu’au-delà du plaisir de lire et de découvrir, je veux d’abord combler tous les manques que j’éprouve et combattre les reproches que me fais, d’être resté dans l’ignorance totale de pans entiers de la littérature de l’Est ou du Nord de l’Europe.

Mais ce roman là que j’ai trouvé à Metz où je vais désormais régulièrement acheter les livres, les fruits et les fromages que je trouve pas au Luxembourg, annonçait en couverture qu’une partie de l’intrigue se déroulait en Grande-Bretagne, patrie des universités dans la nature et parfois des botanistes.  

Elisabeth McGregor qui a écrit « Anna et le botaniste » est présentée comme une auteur(e) de best sellers et de thrillers psychologiques. Des termes anglo-saxons, autrement dit. Rien vraiment pour me rassurer.

Le botaniste en fait n’est pas seul. Ils sont deux, l’un dans l’ombre de l’autre. Il y a David, enseignant chercheur que l’amour de sa vie, Anna a quitté pour les Etats-Unis et il y a Ernest Wilson, botaniste voyageur, chasseur de plantes, né en 1876 dans le Gloucestershire, où un jardin lui sert aujourd’hui de mémorial et propage chastement ses découvertes venues du monde entier. Le Davidia involucrata qu’il rapporte de Chine en 1899 ne constitue qu’une émergence dans une liste de ses “inventions” qui fait des dizaines de pages et que Elisabeth McGregor a étudié avec une constante étonnante, pour retracer, comme dans un rêve, un voyage en Chine dont on sait peu, mais qui reste une sorte d’escale étrange et inéluctable vers l’inconnu. 

Un rêve dont Anna, l’amour perdu et parti aux Amériques, suit les contours flous, dans le coma où elle est entrée à la suite d’un grave accident de voiture dont sa fillette ; celle du couple séparé, mais le père – David – ne sait pas, en fait une petite fille « autiste » à l’intelligence d’architecte et d’urbaniste super développée, a réchappé.Un père botaniste hérite ainsi par surprise de la charge de son étrange fille. 

Est-ce cela un thriller ?

Il y a encore une mère possessive et un marchand d’art maléfique, qui attire Anna, peintre de fleur et d’abstraction dans ses filets, avant de s’approprier son œuvre. Et les parents, frères, sœurs, voisins, relations diverses de ce petit monde.

Je ne cherche pas à me moquer, mais j’ai été très vite pris par le sentiment étrange que je me trouvais devant un ensemble de fiches - personnages (Simenon pratiquait ainsi, mais la comparaison est un peu usurpée), brassées de nouveau à chaque chapitre, et de fiches – plantes dont les noms devaient apparaître à espace régulier, mélangés aux termes biologiques qui les caractérisent. 

Une fabrique de roman devant moi, mais au premier degré, tant les fils sont apparents.Et si l’écrivain(e) sait porter en douceur notre regard sur les êtres humains et nous ouvre à l’identification, la partie botanique ressemble un peu trop souvent à une leçon de morphologie apprise un peu rapidement pour le cours suivant. « Au printemps étaient apparues sur le Davidia involucrata de petites inflorescences rondes aux anthères d’un violet profond, protégées par des bractées de longueurs différentes. La plus courte couvrait en partie la fleur, comme un éventail délicatement déployé devant un visage ; derrière le bouton flottait la plus longue, mouchoir soyeux d’une vingtaine de centimètres. Lorsque le Davidiana se couvrait d’involucres, on avait l’impression d’admirer une robe d’apparat dont les volants de soie tombaient en cascade jusqu’au sol. »Certes !

On aimera par contre, je crois, le portrait sensible de la petite fille, Rachel dont la « maladie » qui n’en n’est une que pour une partie du corps médical, débouche sur une poésie qui est bien réelle.  

Et puis sur les routes des forêts tropicales et montagnardes, je retrouve l’atmosphère des serres humides dans lesquelles j’amenai mes étudiants, tandis que dans les parcs anglais, je revis quelque chose de l’Eden, de ce « Lost Garden of Heligan » des Cornouailles où j’ai appris très concrètement, par l’exemple, ce que les propriétaires anglais demandaient à leurs jardiniers : trouver un monde exotique, le rapporter, l’acclimater dans ce doux climat baigné par le Gulf Stream, semer et multiplier, et mettre en scène un sentiment de Robinson solitaire. 

Je n’ai pas dit de William Robinson.Mais là, il faut être botaniste ou jardinier pour comprendre.

Finalement, la société des enfants qui constitue le coeur de ce livre, nous aide parfois à comprendre les rigueurs du monde. Voilà un beau modèle : « Toi et moi, on est les meilleures amies, disait Jessica en comptant sur ses petits doigts boudinés. Après, il y a les presque meilleurs amis. Après cela, il y a les amis comme Tania Wheeler : les gens sympas.

-   Les gens sympas…

-   Puis il y a les connaissances, ceux avec qui on traîne ; les parasites, au même niveau que les connaissances, à peu près. Ceux à qui tu dis bonjour sans leur confier des trucs. Et puis il y a tous les autres.

Il avait fallu un certain temps à Rachel pour saisir tout cela : jusque là, elle croyait que les amis étaient ceux qui vous parlaient, vous prêtaient un crayon ou vous bousculaient dans les rangs. Comprendre ces subtilités représentait un gros effort pour elle. » 

A vous de voir si ce modèle vous convient.

Au fait le Davidia involucrata est aussi nommé l’arbre aux mouchoirs, taschentuchbaum, handkerchief tree ou encore ghost tree. Une clef pour le livre ?