Nathalie Rheims fait le conte du mystère

Par Ephemerveille

Cela fait dix ans que Nathalie Rheims publie un roman par année. Entre mystère, amour et souvenirs personnels, elle a créé un style qui lui est propre. Dans cet univers d’ombre, d’histoire familiale et de douleur.

Dans le cru 2007 de Nathalie Rheims, Journal intime, qu’elle qualifiait avec une insistance absurde de roman, l’auteur flirtait déjà avec l’autofiction, en proposant, tout au long de son livre, des fragments de sa vie et de celle de ses proches. Hantée par la figure de son père, l’académicien Maurice Rheims, un inconnu auquel elle fut confrontée après le départ de sa mère, mais également par celle de son frère, décédé à 33 ans, Nathalie Rheims s’était obstinée à parler de roman, alors que cet opus n’était fait que d’elle, de ses démons et de ses peurs. Elle récidive cette année avec un roman à l’arrière-goût biographique très prononcé, Le chemin des sortilèges. Si ce beau titre nous fait penser qu’il s’agira d’un ouvrage teinté d’un mystère semblable à celui de L’Ombre des Autres, il n’omet pas de servir cette touche très personnelle de Nathalie Rheims.

Une femme arrive par le train dans un petit village sombre et perdu, désireuse de retrouver, après dix années de silence, Roland, psychanalyste renommé chez qui elle se rendait tous les jeudis, pour dialoguer avec lui, cet homme circonspect qui savait néanmoins rassurer et rasséréner de ses justes paroles. Le lien de la narratrice avec cet homme est spécial : il l’a vue naître et a aimé sa mère un temps, avant sa fuite impromptue. Ils en firent ensemble le deuil.

Part fictionnelle, part vécue, le concept pourrait devenir lassant. Il était vraiment décevant dans Journal intime puisque l’intrigue semblait inexistante, le livre était peut-être trop « essentiel » à l’auteur. Trop vital pour qu’il soit suffisamment accessible.

Le Chemin des sortilèges, lui, a cette part mystique qui nous happe. Si certains aspects du livre sont contestables, ses pages ensorcellent et nous emportent jusqu’à leur fin.

La narratrice séjournera six jours chez Roland. En quête de réponses sur les secrets de sa famille, qu’il détient peut-être, elle assistera à d’étranges phénomènes dans la demeure de ce dernier. Entre rêve et réalité, elle subira une douce ivresse, fascinée par les contes de fées qui ont bercé son enfance.

Chaque jour, sans qu’elle puisse l’expliquer, un nouveau conte est déposé dans sa chambre. De La Belle au bois dormant à La Petite Sirène, les volumes se suivent, subrepticement. Références explicites à Bettelheim ; les cauchemars de la narratrice portent l’empreinte de ces contes, mais aussi de cette connivence avec Roland, qui lui en fit la lecture et qui recopia La Petite Marchande d’allumettes à la main.

Les réponses à ses interrogations surgiront-elles lors des longues promenades dans le froid, à l’orée des forêts, ou dans une pièce de cette maison à l’atmosphère obscure ?

L’ambiguïté écrase toutes les certitudes de la narratrice et les suppositions du lecteur quant à la nature de ces secrets. La confusion est déroutante, l’écrivain brouille les pistes Ce roman qui, malgré sa haute teneur en éléments biographiques récurrents, serpente dans une brume ténébreuse, et Nathalie Rheims, par la force de ses mots et de cette histoire hallucinée, envoûte, indiciblement.