Frownland

Par Rob Gordon
Frownland mérite à coup sûr le titre de film le plus indescriptible de l'année. On citera pêle-mêle Schizopolis, Kafka, Pi ou encore Eraserhead pour tenter de donner une idée d'ensemble du film de Ronald Bronstein. Ça commence comme un court-métrage de fin d'études, fauché et délirant, sauf que ça se poursuit comme ça pendant une centaine de minutes, au gré d'un rythme fluctuant qui n'évite pas toujours l'ennui mais permet d'effectuer de surprenants rebonds. On y suit la plupart du temps Keith Sontag, qui fait du porte à porte pour vendre des bons de réduction au profit de la lutte contre la sclérose en plaque ; Keith qui se débat avec une fille ; Keith qui est fauché ; Keith qui passe un test. Une suite de saynettes d'une durée variable, dont le seul film conducteur tangible est une paranoia totale.
Pour le reste, Frownland est furieusement hétéroclite. On y hurle de rire, puis on crève de trouille. On y endure les bégaiements du héros, puis sa logorrhée ininterrompue, puis cinq minutes de silence total. On y filme moche et en très gros plan avant de prendre plus de recul. Sous l'apparence du joyeux bordel se cache pourtant une soif dévorante de cinéma, où les idées fusent dans tous les sens et où la fascination s'exerce en beauté sur le spectateur. La grande réussite de Bronstein, c'est d'avoir réussi à créer un univers étrange et oppressant, rappelant les atmosphères des oeuvres et auteurs cités plus haut, sans avoir un seul instant recours à un élément fantastique ou onirique. Frownland est une bizarrerie réaliste, un OVNI terrestre qui ne peut laisser indifférent. Ruez-vous sur les rares salles qui le diffusent.
8/10