AZF, un 11-septembre français ?

Publié le 23 septembre 2008 par Sylvainrakotoarison

Cela fait sept ans que l’usine AZF de Toulouse a explosé. Les causes de cette dramatique explosion restent encore bien mystérieuses.
Le 21 septembre 2001 à 10 heures 17, soit dix jours après les attentats du World Trade Center et du Pentagone, la ville de Toulouse subissait une terrible catastrophe industrielle.
Une grande explosion se produisit dans un bâtiment de l’usine AZF, appartenant à une filiale de Total, située à trois kilomètres du centre ville de Toulouse et à quelques centaines de mètres de la rocade et de l’autoroute vers Tarbes. Ce bâtiment stockait 400 tonnes de nitrate d’ammonium déclassé dans la fabrication d’engrais.
L’explosion a causé un cratère d’une quarantaine de mètres de diamètre et de sept mètres de profondeur.
L’explosion a correspondu à un séisme de magnitude 3,4 et fut comparable à une explosion de 20 à 40 tonnes de TNT.
Des conséquences tragiques
Les conséquences ont été exceptionnellement graves : 30 personnes y ont laissé leur vie, dont 22 présentes sur le site, 2 500 furent blessées dont 800 hospitalisées et 30 dans un état grave (principalement à cause d’éclats de verre),
Beaucoup de dépressions et d’insomnies, et aussi de troubles auditifs, ont été diagnostiqués et plusieurs milliers de personnes ont été sous traitement pour cette raison.
Par ailleurs, plus d’un milliers de relogements ont été décidés.
Il y a eu aussi d’énormes dégâts matériels estimés à 2 milliards d’euros (selon "Valeurs Actuelles" du 27 janvier 2006) pour 75 000 sinistres déclarés aux assurances.
Parmi les bâtiments détruits, une salle de sport, une salle de spectacle, deux écoles primaires, un lycée, un hôpital et une école nationale supérieure. Le site AZF fut rasé quelques années après la catastrophe.
Plus d’un milliers d’entreprises ont été sinistrées économiquement par cette catastrophe et près de trente mille logements ont été endommagés.
Lorsque l’usine s’était installée au sud de Toulouse, en 1920, il n’y avait pas encore d’habitations, mais depuis quelques décennies, l’agglomération urbaine l’a naturellement entourée.
Une conclusion étrange en guise de début d’enquête
Dès le 24 septembre 2001, le procureur de la République de Toulouse laissa entendre que l’origine accidentelle de la catastrophe était à 99% certaine. Une déclaration bien rapide avant le début de l’enquête qui mit mal à l’aise de nombreuses personnes dont le maire de Toulouse de l’époque, Philippe Douste-Blazy.
L’instruction judiciaire du dossier a été close en 2007 et le procès devrait commencer le 23 février 2009. Tout au long de l’enquête, la thèse de l’accident a été privilégiée et surtout, des éléments de l’enquête ont été négligés.
On peut comprendre qu’après la psychose provenant des attentats islamistes du 11 septembre 2001, le gouvernement français (dirigé par Lionel Jospin) ait voulu éviter toute panique et tout parallèle hasardeux.
Cependant, la mauvaise qualité de l’enquête judiciaire, évoquée tout au long de ces sept années par quelques journalistes d’investigation, laisse un goût étrange qui pourrait se révéler un terreau idéal pour quitter le domaine rationnel et se mouvoir vers les eaux troubles de la théorie du complot ("On nous ment") dans le même registre que les discussions autour des attentats du 11 septembre 2001 ou des causes de le naufrage du sous-marin nucléaire russe Koursk du 12 août 2000.
Cette catastrophe semble toutefois bien différente des attentats du World Trade Center dans la mesure où aucune récupération ne semble avoir été faite. Ni politique ni économique.
Pour information, j’énumère ici les différentes hypothèses qui ont été soulevées par diverses personnes plus ou moins bien inspirées.
Hypothèse officielle : l’accident par le mélange de deux produits chimiques
La thèse adoptée immédiatement a été celle de l’accident chimique. Un mélange malencontreux entre le nitrate d’ammonium et du dichloroisocyanurate de sodium (utilisé pour le nettoyage des eaux de piscine).
Cette hypothèse fut discréditée par une reconstitution en octobre 2002 qui montra que ce dernier produit était si chloré qu’il n’était pas possible de le confondre avec un nitrate d’ammonium (il faut le manipuler dans une combinaison spéciale pour éviter d’être brûlé par le chlore).
De plus, le nitrate d’ammonium ne serait explosif qu’à partir de 200°C or, comme il fond à 165°C, il faut qu’il soit maintenu en milieu confiné.
Aucune négligence dans l’application des normes de sécurité n’a finalement été retenue et seul, le chef d’établissement, ainsi que la personne morale de l’entreprise, seront les prévenus au procès.
Hypothèse de l’attentat islamiste
Le journal "L’Express" du 16 janvier 2003 publia un article d’Anne-Marie Casteret (aujourd’hui décédée des suites d’une longue maladie) qui évoquait l’hypothèse d’un attentat islamiste.
Selon son enquête, il y aurait eu deux cadavres de plus dans le cratère de l’explosion, qui auraient été décomptés par la suite. Le corps retrouvé d’un manutentionnaire intérimaire a aussi interrogé la journaliste.
En effet, selon elle, à sa mort, il aurait porté des vêtements de fête (alors qu’il travaillait sur le site), et surtout, il aurait porté cinq sous-vêtements sous son pantalon, un élément souvent observé chez les terroristes kamikazes en Israël pour protéger leurs organes génitaux dans l’Au-delà. Dans un rapport des Renseignements généraux, ce manutentionnaire aurait été un ancien délinquant influencé par un groupe islamiste de tendance afghane.
Plusieurs signes étranges n’ont pas été approfondis par l’enquête officielle, et notamment le fait que ce manutentionnaire avait fait venir une personne étrangère à l’usine quelques jours avant (il avait déjà été rappelé à l’ordre).
Ou encore, qu’un membre de ce groupe islamiste a été arrêté une heure après l’explosion à cent kilomètres de Toulouse, mais avec une vitre arrière brisée comme si elle avait été soufflée par l’explosion.
Ou encore la disparition entre deux bâtiments de l’usine, quelques semaines avant, de vingt et un kilogrammes de chrome 6 qui réagit très violemment au nitrate d’ammonium.
La police avait en effet reçu quelques revendications d’attentat mais aucune recherche n’en avait déterminé les origines et la police avait considéré qu’aucune d’elles n’étaient sérieuses. Par ailleurs, il n’y eut aucun acte visant à aggraver les conséquences de la catastrophe juste après l’explosion.

Hypothèse d’une explosion de nappe de gaz
Une usine de la Société Nationale des Poudres et Explosifs (SNPE) était installée à 800 mètres du hangar de l’usine AZF qui a explosé. Elle fabriquait des produits chimiques comme le diméthylhydrazine dissymétrique pour les carburants pour fusées et missiles (depuis 1970, cette fabrication rendait la fusée Ariane indépendante du carburant soviétique).
Un stock contenait 17 tonnes de cette substance le jour de l’explosion. La production était arrêtée pour raison de maintenance (où des risques plus importants qu’en fabrication auraient pu être pris).
Ce produit a une odeur âcre de poisson pourri (d’ammoniac) qui aurait été détectée par de plusieurs témoins. Or, le vent soufflant entre 20 et 30 km/h de la SNPE vers AZF, un mélange air chaud et hydrazine aurait pu se mettre en contact avec le nitrate d’ammonium, provoquant un éclair au moment de s’enflammer.
Mais ce mélange ne s’enflammerait pas en principe, sauf si l’hydrazine était azotée ou chlorée, mais la fiche produit de l’INRS évoque une forte explosivité du produit à partir de 4,7% dans l’air, ou au contact de métaux oxydés ou de nitrates. Parmi les métaux possibles, du chrome dont un stock justement avait disparu.
Selon "Valeurs Actuelles" du 21 juillet 2006, le mélange d’hydrazine avec du nitrate d’ammonium serait la base chimique de l’explosif conventionnel le plus puissant (deux fois plus efficace que le TNT) et utilisé dans les mines antichar.
Il y aurait eu alors deux explosions, ce qui aurait été confirmé par des essais sismiques en septembre 2004 qui aurait détecté l’existence d’une première explosion de plus faible intensité avant l’explosion du hangar de nitrate d’ammonium.
Certaines autopsies auraient établi que des victimes se trouvant entre la SNPE et AZF seraient décédées par asphyxie au monoxyde de carbone et présenteraient une opacification du cristallin.
Par ailleurs, des traces de chrome auraient été relevées sur les habits de deux victimes les plus proches du hangar qui a explosé (toutefois, ce chrome pourrait aussi provenir naturellement du sol).
Des alcools, présents dans le pôle chimique sud-toulousain, auraient pu aussi provoquer une telle explosion.
L’instruction judiciaire a envisagé cette hypothèse, mais uniquement avec du méthane, qui est un gaz plus léger que l’air et parfumé au mercaptan à l’odeur très caractéristique (le méthane étant inodore, on le parfume pour sentir sa présence par sécurité), mais le gaz que certains témoins auraient senti n’était pas du méthane.
Hypothèse d’une cause électromagnétique
Le témoignage de phénomènes assez étranges au moment de la catastrophe, comme des éclairs et des perturbations électromagnétiques a aussi fait expertiser le site sur le plan électromagnétique. Mais le préfet a interdit l’expertise au niveau de la SNPE.
Quelques personnes auraient alors émis l’hypothèse que la catastrophe aurait été provoquée accidentellement à la suite d’essais par la SNPE de bombe à impulsion magnétique.
Une enquête critiquable
Les négligences de l’enquête, les éléments oubliés sur les lieux, l’absence d’approfondissements de certains indices ou leur non conservation seraient sans doute condamnables si on oubliait l’atmosphère d’apocalypse qui régnait sur le site et dans l’agglomération toulousaine quelques minutes après la catastrophe.
Premiers soins à apporter, panique, ignorance de ce qu’il se passait, nuage de fumée etc. n’aidaient pas à prendre les meilleures décisions pour démarrer une enquête.
Un avocat des victimes était assez démoralisé par l’attitude de l’instruction : « Ce dossier est déconcertant. On a sélectionné des indices, ébauché des scenarii improbables et imposé la version de l’accident avant même tout procès. La situation devient irréelle. »
La vérité ?
Attentat, malveillance, accident, concours de circonstances malheureux ? Il est crucial de pouvoir faire la lumière d’abord pour empêcher d’autres catastrophes AZF dans l’avenir, et ensuite pour faire taire l’imagination de ceux qui doutent.
Il est clair que toutes ces hypothèses ne sont pas compatibles entre elles et que la vérité est peut-être dans une autre cause.
Je veux encore croire à la justice de mon pays qui sera amenée à se prononcer dans quelques mois sur ce sujet. Les experts officiels restent plus crédibles que d’autres experts auto-proclamés. Il ne fait nul doute que l’enquête aurait cependant pu être mieux conduite.
La recherche de la vérité demande un regard critique et constructif sur les versions officielles, mais sans pour autant prêter le flanc aux multiples conjectures qui peuvent rouler désormais vite sur Internet et qui ont déjà bien pollué la recherche de la vérité sur le 11 septembre 2001 ou sur le Koursk.
J’espère que les causes de la catastrophe de l’usine AZF seront un jour connues et, surtout, reconnues de tous, mais avant même cette vérité, ma pensée va aux victimes et à leur entourage proche. Une telle tragédie ne doit pas être oubliée.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (23 septembre 2008)
Pour aller plus loin :
Futura Sciences du 19 mars 2002.
L’Express du 16 janvier 2003.
Valeurs Actuelles du 21 juillet 2006.
Rapport de l’Inspection générale de l’Environnement (24 octobre 2001).
Conséquences sanitaires de l’explosion AZF (rapport intermédiaire du 9 juillet 2002).
Aspect juridique sur l’indemnisation des victimes (24 novembre 2001).
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=44786
http://www.lepost.fr/article/2008/09/23/1270963_azf-un-11-septembre-francais_1_0_1.html