Coffee d'Edgar Sekloka

Par Sylvie

Editions Sarbacane, collection Exprim'

La collection Exprim', destinée à un public ado, publie de jeunes auteurs issus du milieu urbain banlieusard qui s'inspirent notamment du slam et du rap.
Coffee est le premier roman ambitieux d'un jeune slameur d'origine camerounaise qui a fondé son groupe, Chant d'encre.

Première originalité : le roman se déroule de 1974 à 2034, soit soixante ans de la vie d'un métis à l'enfance difficile, entre une mère alcoolique et un père absent, homme d'affaire  qui couche avec toutes ses secrétaires.
Le jeune Koffi étouffe ses sentiments, sa colère et subit son enfance sans broncher. Puis les décennies passent. Il est un élève consciencieux, se fait quelques amis très rares et se marie avec une blanche. Une vie sans histoire...les années passent et Koffi est toujours aussi "fermé" au monde. Car il s'est blindé contre la violence des sentiments ; il ne révèlera jamais rien sur ses blessures secrètes, sur sa mère alcoolique...La fin est un modèle de retenue...
Ce qui est exceptionnel dans ce roman, c'est justement le refus de tous les clichés. Non, ce n'est pas un énième roman sur le misérabilisme de la banlieue et de l'immigration. Ce n'est pas non plus un cri de colère d'un rappeur surexcité, un cri de haine contre une société occidentale qui n'a pas su réussir le défi de l'intégration. C'est au contraire une chronique très pudique, un roman d'apprentissage d'un "nègre blanc" qui refuse de dire au monde sa souffrance, qui garde en lui son secret pour vivre une vie normale. Sekloka signe une belle chronique amère sur 60 années ; le parcours d'un homme secret qui tait ses émotions tout en ayant une vie de famille classique.
Certaines scènes sont très dures (l'alcoolisme de la mère) ; d'autres regorgent d'émotion.
Peu de romans dits pour ados évoque un parcours de vie sur 60 ans ; on y évoque le parcours professionnel, la vie conjugale, le désir et la peur de la paternité, les blessures de l'enfance. C'est le grand mérite de ce titre d'avoir pris le personnage dans sa globalité et de ne pas s'être arrêté au portrait éternel de l'adolescent meurtri.
Nous apprécierons également une écriture sobre, loin de la tchatche de banlieue et aussi un rythme intéressant qui scande chaque chapitre. Au début de chaque chapitre consacré à une année, un refrain replace la vie de Koffi dans un contexte culturel : C'était l'année des...à chaque fois, des noms de vêtements, de footballeurs, d'appareils électroniques, de chanteurs...et d'un café particulier.

Un jeune auteur à suivre...