New York, pionnière pour la protection de l'eau

Publié le 25 septembre 2008 par Cafatica

En 1997, une alerte à la pollution de l'eau a conduit les autorités de New York à mener une expérience audacieuse. Au lieu de faire appel à la technologie et de construire une nouvelle usine de filtration d'eau, la municipalité a investi dans son "capital naturel" en assainissant ses bassins versants. Cette initiative a permis d'économiser plusieurs milliards de dollars et a créé un précédent mondial.

Pour la ville de New York, la bataille historique entre capital naturel et capital produit par l'homme s'est rejouée dans les bassins versants de Catskill-Delaware, au coeur même du système de purification et de distribution de l'eau qui approvisionne environ 10 millions d'usagers new-yorkais. Cette région montagneuse, qui porte le nom de deux fleuves y prenant source, est connue pour la splendeur des ses versants ensoleillés, ses petites exploitations agricoles, ses cours d'eau étincellants et ses arbres aux couleurs éclatantes en automne.
Mais cette image idyllique n'est que la façade d'une machinerie complexe, qui pompe chaque jour 6,8 milliards de litres d'eau purifiée, subvenant ainsi à 90% des besoins des résidents de New York. Pendant des dizaines d'années, ces citadins ont compté sur ces bassins versants de 5000 km² pour purifier leur eau (un produit de qualité exceptionnelle primé plusieurs fois et commercialisé en bouteilles). Ce sont les forêts qui assurent ce précieux service gratuitement grâce à la filtration des eaux par le sol et les racines.
Mais les avantages ne s'arrêtent pas là. Les forêts produisent également cette eau graduellement, stabilisant ainsi la production d'eau potable et atténuant les effets des inondations. Elles font obstacle à l'érosion des sols, abritent la faune et la flore, stockent le carbone qui permet de réguler le climat mondial et dotent la région d'une beauté saisissante.
Les New-Yorkais ont longtemps considéré cet atout majeur comme un acquis, inconscients que leur eau provenait des neiges et des pluies tombées à plus de 150 km de leur ville. Mais à la fin des années 1980, l'Agence de Protection de l'Environnement (EPA) et le Congrès ont décidé de réagir face aux dangers qui menaçaient les réserves d'eaux de surface (rivières, lacs et réservoirs). Deux tiers de la population américaine dépend de ces réserves plutôt que des eaux souterraines. Mais l'état de celles-ci a été dégradé par des années d'étalement urbain et par les eaux de ruissellement provenant des résidences secondaires, exploitations agricoles et terrains de golf.


En 1991, l'EPA a enjoint à la ville de New York de construire une usine de filtration si elle ne pouvait préserver la qualité par d'autres moyens. Face aux coûts faramineux d'un tel investissement (jusqu'à 8 milliards de dollars et 300 millions $ environ de frais d'exploitation annuels), les représentants municipaux ont opté pour une autre stratégie. Convertis en écologistes convaincus, ils ont choisi une approche révolutionnaire et investi dans le patrimoine naturel : les bassins versants. Depuis 1997, la ville a dépensé près de 2 milliards de dollars en stratégies innovantes. Elle a notamment acquis des terres autour des réservoirs pour préserver les forêts et les zones humides qui font tampon contre la pollution, attribué des crédits aux propriétaires fonciers locaux pour l'entretien des forêts le long des cours d'eau, et fourni une aide technique et des infrastructures aux agriculteurs et exploitants forestiers.

Une triple victoire
Ces mesures ont provoqué la colère des promoteurs peu scrupuleux, mais elles ont aussi fâché les écologistes de la région, qui jugent les efforts trop peu importants. Elles ont néanmoins permis à la ville de New York d'économiser des milliards de dollars. Et beaucoup considèrent cette solution comme une triple victoire : les urbains ont une eau pure à moindre coût, les ruraux sont rétribués pour leur bonne gestion des terres, et les résidents et visiteurs jouissent des paysages spectaculaires, sauvés d'un développement urbain anarchique.
New York a fait, depuis, des émules. Ainsi, au Costa Rica, 20 000 résidents et entreprises installés près de la capitale acceptent de payer un peu plus cher leur facture d'eau pour investir dans la conservation des forêts situées sur des exploitations en amont. La république de l'Equateur et certaines régions du Mexique ont également suivi cet exemple.
Ensemble, ces pionniers orientent les forces économiques vers la conservation d'une richesse vitale. Tous cherchent à colmater une vieille faille du système économique mondial, qui ne reconnait pas la valeur inestimable du capital naturel de notre planète.
Source : Atlas de l'environnement.