hommes entre eux

Par Clarinette
Paul Hasselbank est toulousain, il  est gravement malade. Sa femme, Anna, l'a quitté pour aller vivre au Canada. Il  part à sa recherche, en plein hiver, dans le grand nord canadien, il y rencontre  Floyd Paterson, un ancien amant d'Anna qui vit seul dans une maison au bord d'un lac. Paul se retrouve enfermé chez lui à cause d'une tempête de neige. Paul voit en Floyd "l'homme entier" celui qui a su offrir à sa femme ce que lui-même ne pouvait lui offrir. Au milieu des éléments qui se déchaînent, les deux hommes, intrigués et fascinés l'un part l'autre, s'observent...Confronté à cette nature hostile, Paul Hasselbank tente de panser ses plaies physiques et morales. Floyd, lui, est un grand chasseur à l'arc qui vit en contact étroit avec la nature, en harmonie avec les animaux qui l'entourent.
Jean-Paul Dubois s'interroge sur l'animal qui sommeille en chaque être humain, sur sa part de sauvagerie et de bestialité qui apparaît notamment à travers le spectacle d'ultimate fighting auquel assiste Paul.
C'est aussi un roman sur le mâle et sa virilité, son désarroi devant le "mystère féminin". Les deux protagonistes, chacun à sa façon, ont été confrontés à des femmes qui sont pour eux des énigmes.
J'aime beaucoup le regard que Jean-Paul Dubois porte sur les choses, les hommes, les animaux, la nature, le monde en général...
C'était déjà le cas avec Une vie française, mais j'ai trouvé qu'ici il abordait ces sujets avec encore plus de profondeur, à la recherche de ce qui fait l'essence de l'homme...
  
extraits : "Je reste étendu là, persuadé qu'un lien naturel nous rattache au monde des animaux. Souvent la présence des animaux nous tire vers ce mystère-là. Nous avons en commun avec eux les les brûlures  de la faim et de la peur, ainsi que la présence de sel dans notre sang...Je suis revenu au camp en pensant à la complexité des rapports qu'entretiennent les animaux avec le temps et l'espace : leurs migrations, leur patience, leurs réseaux et repaires. Ont-ils vraiment des désirs, du courage, de la perspicacité ? Peu d'êtres vivants nous défient à la manière des animaux sauvages. Ils nous bouleversent comme le font les grandes marées, nous hantent en posant sans cesse les questions de détermination, du sens de la responsabilité, de l'importance de la génétique et du passé en général."

[...] "C'était le spectacle le plus répugnant auquel il ait été jamais convié. ces combats sans règles ni limites étaient retransmis par des chaînes de télévision à péage qui réalisaient là leurs plus belles audiences. La recette était simple : à l'intérieur d'un ring ceint de hauts grillages, on enfermait deux hommes pêchés dans quelque torrent de misère avec pour instruction de s'entretuer comme des chiens de combat. Tous les coups, toutes les prises, toute la sauvagerie de la terre étaient ici requis. Pas de gants, pas de protections et surtout beaucoup de sang. Evidemment pas d'arbitre ni de victoire aux points. Le gagnant, celui qui emportait la prime, était le survivant, celui qui, à la fin, tenait encore debout. Entre ces combats qui rappelaient les origines des temps, une équipe denettoyage lessivait le ring pour laisser place nette aux nouveaux guerriers qui se jetaient l'un sur l'autre au milieu d'une foule délirante. Voilà ce qu'était l'Ultimate Fighting, une petite fin du monde filmée, une "bascule des civilisations"..."

Hommes entre eux
, Jean-Paul Dubois, Points, 183p.