La réforme prévoirait la suppression des départements et l’élection des Conseils Régionaux au scrutin uninominal. Le chantier pourrait donc être mené au pas de charge afin de permettre sa mise en œuvre en 2011. Un peu à la manière des fusions acquisitions du privé.
Départementalisation du Conseil Régional ?
En résumant la réforme à l’expression : « Les conseillers généraux deviendraient aussi les conseillers régionaux », Jean François Copé pose la vraie question. Va-t-on assister simplement à la « départementalisation du Conseil Régional » et donc à la fin de l’idée de région, cette administration qui a su conquérir le cœur des Alsaciens et réveiller les consciences économiques, culturelles, politiques des territoires ?
S’il est trop tôt pour analyser le fond du dispositif et s’il faudra analyser les réflexions et messages qui seront émis prochainement, on se posera la question de l’adaptation de la réforme à la réalité du terrain. On mesurera ici une volonté de réforme qui part de Paris et de sa haute administration pour toucher la « province », ce alors même que les régions expriment depuis longtemps une volonté de réforme qui peine, elle, à franchir les portes des ministères parisiens.
La réforme n’échappera donc pas au conflit entre une administration centrale naturellement jacobine et des régions girondines. Et comment, à la lueur des premiers écrits, ne pas craindre pour la région lorsque l’on connaît l’esprit départementaliste d’inspirateurs parisiens d’une réforme qui elle est nécessaire sur la forme ?
Bataille entre une administration centrale
jacobine et des régions girondines
Quoiqu’il en soit, la nouvelle collectivité qui sortira des conclaves à venir ne doit pas faire l’économie d’une saine proximité enracinée notamment pour les affaires sociales actuellement gérées par les Départements, mais aussi pour le domaine du soutien à l’action économique et touristique tenu principalement aujourd’hui par la Région. On comprendra là aussi qu’il ne fait pas confondre vitesse et précipitation sur l’autel de calculs bien éloignés du terrain et de l’intérêt des hommes et pays.
Autre écueil lu à travers les lignes, la disparition du scrutin de liste à la proportionnelle, garant, certes réduit, de l’expression de la pluralité politique régionale et de ses spécificités. Comment ne pas imaginer un instant que l’adoption d’un scrutin uninominal ne soit pas perçu, par le corps électoral, comme une tentative de « hold-up démocratique » de la part des grands partis en place ?
Pourquoi donc ne pas s’inspirer de ce qui fonctionne parfaitement chez nos voisins européens ?
L’Alsace, comme expérimentation ?
On le comprend, et ce sera encore plus le cas pour le statut de l’élu - et son corollaire, le nombre de municipalités et d’élus - , il que cela change. La réforme des institutions françaises est bien une nécessité. Cependant, elle gagnerait à être précédée de vrais débats et surtout d’une expérimentation. L’Alsace n’offre-t-elle pas, pour celle-ci, un territoire idéal ?
Envisager un « Conseil d’Alsace », parlement composé d’élus ancrés sur des territoires et d’autres élus à la proportionnelle sur un scrutin de liste, serait sans doute une solution institutionnellement plus acceptable et hautement démocratique.
A moins qu’une telle voie n’ait un défaut majeur pour les réformateurs pariso-centrés : celle de donner à ce conseil l’image d’un parlement régional, ce qui n’en doutons pas, réveille naturellement les démons du conservatisme jacobin.
En conclusion et il ne faut pas en douter, la réforme institutionnelle ne saurait également se faire sans remettre en cause un certain nombre de fondements forts. N’est-il pas temps d’oser enfin « penser global en agissant, local » et d’entamer une réflexion sur une évolution fédéraliste de l’Etat Nation ? Voilà qui constituerait aussi à long terme, un signe fort pour la construction d’un grand espace européen, apte alors à participer à d’autres débats, géopolitiques, eux.
Comme quoi, toute réforme des institutions de proximité ne saurait se passer d’une nécessaire prise de hauteur et ne doit en aucun cas faire l’économie de débats entre tous ses acteurs.
Par Stéphane Bourhis
(Conseiller Régional 1998-2004)
Ancien élu régional, Stéphane Bourhis est aujourd’hui sans étiquette. Il ne revendique aucun rattachement sauf celui à l’idée d’Europe et de Région. Article libre de droits sous réserve de mention d’un lien vers la source.