Connait pas la crise ?

Publié le 29 septembre 2008 par Benlalanne

La lecture qui est généralement faite du système économique dans lequel nous vivons aujourd’hui est le terrain de jeu bien gardé des analystes financiers. Quiconque n’aurait pas une légitimité supposée dans ce domaine donnerait son avis, et celui-ci n’aurait pas la moindre valeur, fût-il animé par le bon sens. Or aujourd’hui, on constate que les propos de ces analystes sont curieusement similaires à ceux des voyants, pourtant issus d’horizons bien différents !
Le constat est donc identique: la crise financière mondiale n’est pas finie. Elle va s’accélérer. La seule solution de repli digne de ce nom est d’investir dans les deux refuges traditionnels et intemporels : l’or et la pierre.
J’estime qu’à ce stade, l’observateur avisé aura à cœur de connaître les origines de la crise, et ce qui l’attend dans les prochains mois. N’étant ni analyste professionnel, ni astrologue, je m’y risquerai quand même en évitant les discours apocalyptiques que l’on peut trouver ici ou là.

D’où vient le mal ?
Il faut remonter une génération en arrière, dans les années 70, pour entrevoir l’origine du problème que nous connaissons actuellement. Au début de cette période, le monde occidental emmené par les Etats-Unis repose sur un système d’inspiration libérale utilisant des outils définis au sortir de la 2ème guerre mondiale : ce sont les institutions de Bretton Woods. En particulier, on considérait alors que la seule monnaie convertible en or était le dollar, et que la valeur des autres monnaies dépendait du stock d’or détenu par les banques centrales des Etats. Cela asseyait la supériorité économique américaine (le dollar est la monnaie universelle), mais le système était en quelque sorte indexé et régulé par la quantité d’or que possédait chaque Etat.
Or, pour des raisons diverses qui ne concernent pas notre sujet (coût de la guerre du vietnam, déficit commercial...), les USA mettent fin de façon unilatérale à ce système en 1971. Autrement dit, plus rien ne justifie la valeur des monnaies entre elles. C’est l’origine de la crise que nous connaissons aujourd’hui.
Puisque les monnaies sont « flottantes », leur valeur obéit aux lois du marché (offre & demande), de la même façon que les biens alimentaires, le pétrole ou l’or. S’ensuit le développement à grande échelle de la finance mondiale, avec ses établissements et ses banques spécialisées. Leur croissance est freinée par les règles alors en vigueur sur ces marchés. Leur action de lobbying fera sauter le dernier verrou et leur permettra enfin d’agir plus directement et discrètement sur les marchés, leur ouvrant un pont d’or vers des profits illimités : c’est ce que l’on a appelé les « 3D » (déréglementation, désintermédiation, décloisonnement).

Quel est la vraie marge de manœuvre des pouvoirs publics ?
La France est bien placée pour savoir qu’elle est à l’abri des remous internationaux. N’avons-nous pas vu le nuage de Tchernobyl s'arrêter à notre frontière ? Ce sera donc la même chose pour la crise financière ! Notre Président n’a-t-il pas récemment annoncé que nos banques ont des fondations saines ? Il a quand même précisé, quelques jours plus tard, que l’Etat ne laisserait pas tomber ses banques... propos incohérents ?
Qui peut croire que les gouvernants aient un pouvoir énorme sur la situation ? Ceux-là même qui ne peuvent empêcher la faillite d’Alitalia ? Ceux qui ne parviennent pas à dégager un consensus européen sur notre avenir ?
La seule obligation morale que nos gouvernants doivent prendre, à l’échelle mondiale, est de faire en sorte qu’une telle crise ne puisse plus arriver. Il ne s’agit pas ici d’interdire des pratiques médiatiquement payantes mais totalement secondaires (stock-options, parachutes dorés...), mais de s’attaquer au cœur du problème : interdire les pratiques dangereuses (ex : la titrisation), contrôler les agences de notation privées, et pourquoi pas les fédérer sous la bannière d’une autorité mondiale publique. Bien entendu, cela demandera des moyens, mais aussi un suivi et des experts sur le terrain chargés de traquer les nouvelles formes de dérive : cela est comparable à la traque aux hackers, une course contre des pratiques dangereuses pour l’ensemble du marché.

Difficile de prévoir la suite :

Il est vraisemblable que les répercussions de la crise des subprimes se poursuivent dans les mois à venir.
Ces derniers jours, on a vu se poursuivre une contagion générale de la crise dans les banques. Ceci va continuer et s’étendre à l’Europe et l’Asie. En revanche, il est difficile de mesurer deux éléments pourtant cruciaux : l’ampleur des dégâts dans les banques qui ont une activité importante de banque de financement, mais aussi dans celles dont ce n’est pas le métier principal. Ces dernières n’auraient pas dû être inquiétées, mais la mise en faillite de Washington Mutual en fin de semaine dernière jette un doute sur ce point. Comment un groupe dont 90% de l’activité est la banque de dépôt (équivalent des caisses d’épargne en France) se retrouve-t-il en faillite ? On a peut-être sous-évalué la présence de titres de créance immobiliers risqués (les fameux subprimes) dans les actifs de beaucoup d’établissements.

Le risque réel n'est pas moins pire. Si la situation perdure, on peut craindre une perte de confiance généralisée de la population civile à l’égard du système bancaire. Cela entraînerait à coup sûr la faillite de beaucoup de banques, comme on a pu le voir dans le cas Northern Rock. Cela obligerait les gouvernants de les sauver au prix fort, supporté inévitablement par le consommateur et/ou le contribuable.
La période que nous traversons est le « creux » de la vague. La vraie question est de savoir si le système saura se relever, pour combien de temps et à quel prix ?