Satan. . . .

Publié le 30 septembre 2008 par Osmose

Adversaire de Dieu, Mal personnifié. D’après la Bible, Satan serait un être bien réel, un esprit créé par Dieu même. Satan et les esprits qui ont choisi de le suivre se sont rebellés contre Dieu, qui les a expulsés du Ciel.
Les théologiens pourraient bien se demander pourquoi le Tout-Puissant n’a pas annihilé ces «anges déchus» comme Il l’a fait pour ses autres créatures lorsqu’elles se sont écartées du droit chemin (à l’exception de Noé et des siens, bien sûr).
Au contraire, Il a laissé Satan établir son propre royaume infernal et envoyer ses démons rôder partout sur Terre à la recherche d’âmes à s’emparer. Le Diable ne semble exister que pour une seule raison: tenter les humains pour qu’ils se détournent de Dieu.
Le Livre de Job offre un semblant de réponse: on y décrit Satan comme un ange travaillant main dans la main avec Dieu. Lorsque Job demande à Dieu pourquoi Il laisse Satan le tourmenter, la réponse tombe, brutale et définitive: As-tu un bras comme le Seigneur?
Ce récit de la Bible reçoit de nombreuses interprétations de la part des exégètes, mais son véritable sens est sûrement: Dieu est Dieu; Il fait comme bon Lui chante. Nous n’avons pas à savoir pourquoi Il laisse Satan nous tourmenter; il faut croire sans murmurer.

En tant qu’esprit, Satan n’est ni homme ni femme, mais comme son créateur, on parle souvent de lui au masculin. Beaucoup croient que Satan peut «prendre possession» des êtres humains.
L’Église catholique accomplit encore des exorcismes sur ceux qu’elle considère possédés. Jésus ayant été censé chasser les démons, c’est-à-dire effectuer des exorcismes, l’Église croit avoir reçu de tels pouvoirs de son fondateur. Au cours des siècles, bien des croyants ont pris certaines affections physiques ou mentales pour de la possession démoniaque.

Plus fréquemment, par contre, on a accusé des hommes ou des femmes d’entretenir des relations avec le Malin, réputé posséder le pouvoir de se manifester sous forme humaine ou animale. Ces relations sont souvent vues comme purement physiques, et principalement sexuelles. 

Au cours de la majeure partie de l’histoire du Christianisme, on a raconté comment Satan a entretenu des relations sexuelles avec des humains, soit sous forme d’incube (démon masculin) ou de succube (démon féminin). De telles unions étaient censés naître les sorciers et sorcières, considérés comme particulièrement pernicieux, car ils héritaient d’une partie des pouvoirs du Diable.

Selon Carl Sagan, les histoires de relations charnelles avec le Diable constituent un phénomène culturel répandu:

De même nature que les incubes, on retrouve les djinns arabes, les satyres grecs, les bhuts hindous, le hotua poro samoan, les dusii celtes... (Sagan 1995, p. 124)

En fin de compte, le Diable cherche à nous tenter, tout simplement, et cette tentation, plus souvent qu’autrement, prend une forme sexuelle. La seule façon de s’en prémunir est de prier constamment pour conserver notre pureté, ce qui traduit assez bien notre peur inconsciente de notre propre sexualité.

L’une des méthodes les plus radicales de lutte contre le Malin, toutefois, est venue du Pape Innocent VIII, qui a lancé le grand mouvement de persécution contre les sorcières et les hérétiques au Moyen-Âge. Une bulle papale avait en effet proclamé que des «anges du mal», c’est-à-dire des démons, forniquaient avec des hommes et des femmes.
Ce n’était pas la première fois qu’on affirmait ce genre de choses. Des gens comme Thomas d’Aquin s’étaient déjà penchés sur la question en détail. Thomas d’Aquin avait compris que le Diable, qui n’est pas humain, ne pouvait créer de semence humaine.
Il devait donc se transformer en femme, séduire un homme, conserver sa semence, se transformer en mâle, séduire une femme et la féconder. Quelque chose de démoniaque passant dans la semence au cours du processus, l’enfant qui en résulte n’est pas normal. Apparemment, Satan a mis du temps à comprendre que pour devenir le maître du monde, la meilleure façon était de s’hybrider avec la race humaine.
Envahir les corps serait plus rapide et efficace qu’essayer d’envahir les esprits. Heureusement, le Pape et d’autres esprits éclairés veillaient au grain, et conçurent un plan pour exterminer la diabolique engeance: la torture et le bûcher! Il fallait bien libérer la Terre de l’emprise de Satan...
En fait, le comportement sadique et monstrueux des pieux inquisiteurs suffirait sans doute à faire croire à l’existence du Diable au plus sceptique des incroyants.

Le thème récurrent du pacte avec Satan constitue l’un des aspects les plus intéressants de la démonologie. La légende de Faust en est l’exemple le plus connu: en échange de son âme, Satan lui confère richesse ou pouvoir pour un temps limité.
Dans la plupart des versions, Faust réussit à tromper le Diable et conserve son âme, mais dans l’originale, Satan tue et mutile Faust à la fin de son contrat. Sa cervelle éclabousse les murs de sa chambre, ses yeux et ses dents roulent par terre, et le reste de son corps finit sur un tas de fumier (Smith, p. 269).

De nos jours, il y a encore des gens qui croient à l’existence de Satan, mais on n’entend plus guère parler d’incubes et de succubes. Ce qui se rapproche le plus de ces anciennes histoires, ce sont les récits d’enlèvements par des extraterrestres et tout ce qu’on dit sur les enfants des étoiles. Heureusement pour ceux qui se prétendent victimes de tels enlèvements ou d’expériences génésiques futuristes – dans lesquelles les petits bonshommes verts remplacent les démons d’antan – il n’y a plus l’équivalent de l’Inquisition pour les torturer et les exterminer.

On remarque comment la plupart des génocidaires et des meurtriers motivés par une idéologie quelconque insistent pour faire croire qu’ils accomplissent quelque chose de grand en commettant leurs crimes. Ne ressemblent-ils pas en cela à ceux qui s’adonnaient à la chasse aux sorcières au Moyen-Âge?
Derrière l’Inquisition, ancienne ou moderne, se profile une idée inattendue du Mal, celui qui se fait passer pour une bonne cause.

D’un point de vue philosophique, la croyance universelle en l’existence du Diable vient d’un besoin d’expliquer l’effarante propension de l’être humain à la cruauté. En un certain sens, Satan sert d’excuse à nos horreurs et atténue notre sentiment de responsabilité.
D’un point de vue psychologique, les démons pourraient bien être une projection de nous-mêmes, de ce qu’il y a de pire dans notre nature ou de ce que nous en craignons le plus. Si le Diable n’existait pas, il faudrait ainsi l’inventer. Il joue d’ailleurs un rôle crucial dans une bonne partie de nos littératures – en un sens, il nous intéresse beaucoup plus que son homologue divin.

Satan anodin

Les différentes églises chrétiennes ont perdu une bonne partie de leur puissance, et Satan les a suivies dans leur chute. Si le Diable a connu les meilleurs moments de sa carrière à l’apogée de la Chrétienté, ce n’est pas un hasard.
Au Moyen-Âge, on disait que c’était le Diable qui avait érigé le mur d’Hadrien entre l’Écosse et l’Angleterre, qui avait déplacé les lourdes pierres des alignements mégalithiques et des dolmens, qui avait construit des ponts comme celui de Saint-Cloud et le pont Valentré, à Cahors, contre l’âme de la première personne qui les franchirait, etc.
Dans ces temps-là, Satan faisait de la magie, mais il ne faut pas oublier que les religions chrétiennes sont fondamentalement des religions magiques, offrant des sacrements capables de protéger les fidèles de l’emprise du démon et de faire de pain et de vin le corps et le sang du Christ, des religions de miracles allant à l’encontre des lois de la nature, des religions de la résurrection des morts et de promesses de vie éternelle. Satan représentait l’envers de cette forme de magie: la magie noire, les pactes avec le Diable, la promesse de la jeunesse éternelle et de pouvoirs extraordinaires.
L’Ordre satanique a été une création de l’Église, nécessaire pour qu’elle puisse asseoir son pouvoir sur l’ensemble du monde. Les hérétiques, les sorciers et les sorcières représentaient une menace contre le domination ecclésiastique; il fallait les éradiquer.
À mesure que les ennemis de l’Église se faisaient de plus en plus nombreux et puissants, les pouvoirs et le règne de terreur de l’Église se sont affermis.

Mais à mesure que la puissance de l’Église a diminué, au fil des siècles, en tant que force sociale et politique dominante dans la culture occidentale, celui de Satan s’est réduit comme peau de chagrin.
Au XVIIIe siècle, en Europe, du moins, on a cessé de brûler les sorcières et les hérétiques. De nos jours, on considérerait barbare et criminel d’emprisonner et de condamner à mort des gens accusés d’avoir entretenu un commerce avec Satan.
Même les personnes trouvées coupables de crimes qu’elles affirment avoir commis au nom de Satan sont jugées pour ces crimes, et non pour leur présumée association avec le Malin. La plupart des représentants de la police qui auraient à traiter avec des satanistes les considéreraient comme des déséquilibrés plutôt que comme des démoniaques.

Si les progrès de la science moderne ont quoi que ce soit à voir avec la fin de la suprématie de l’Église dans la culture occidentale, alors ils ont sans doute également à voir avec la perte d’importance du Diable dans nos consciences. Bien sûr, Satan n’est pas mort, mais il tient son pouvoir de Dieu, et si Dieu perd de son influence, le Diable doit suivre.
Peut-être qu’un jour et Dieu et Diable ne seront plus qu’un lointain souvenir dans la psyché humaine, mais il ne faut pas trop y compter.
Beaucoup de théistes croient aujourd’hui que la multiplication des maux qui frappent notre monde viennent d’une plus grande présence de Satan et d’une baisse d’influence de la religion. À les en croire, nous devrions tous tomber à genoux et prier davantage pour échapper aux griffes du Malin.
Mais n’a-t-on pas bien plus à craindre de toutes ces pieuses personnes qui cherchent à modifier la Constitution pour introduire la prière à l’école? N’a-t-on pas davantage à craindre de ceux qui assassinent les employés des cliniques d’avortement au nom de Dieu?

Les satanistes modernes trouvent consolation dans le monde occulte de la magie, mais aussi dans tout ce qui semble s’opposer au christianisme. Ils puisent leur inspiration dans les grandes oeuvres de l’art et de la littérature, créées avant tout par des chrétiens mêmes durant leur guerre contre leurs ennemis, mais aussi par des fidèles de cultes pré-chrétiens comme le culte de Seth, ou encore par des occultistes comme Aleister Crowley et Anton LaVey.
De vertueux chrétiens les accusent de meurtres rituels d’enfants, de mutilations, de sacrifices d’animaux, d’inscription dans des CD de messages inversés incitant au meurtre, de l’envoi de messages secrets ou subliminaux par l’utilisation de symboles diaboliques, afin de hâter la décadence de notre civilisation, etc. Les satanistes nient tout, et il faut bien reconnaître qu’il n’y a pas grand preuve qu’ils sont aussi dangereux ni aussi puissants que l’affirment leurs ennemis.
En fait, les partisans du bon Dieu posent peut-être un danger plus grand encore, comme le montre les chasses aux sorcières qu’ils ont organisées ces dernières années, à propos de présumés sévices sexuels sataniques d’enfants.
Et ils ont reçu l’aide de thérapeutes, de procureurs et de policiers animés par une foi quasi fanatique.

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