Weeds – Bilan – Critique – Saison 4

Publié le 01 octobre 2008 par Blabla-Series

Recadrage

La troisième saison de Weeds s’était achevée sur un besoin de changement, avec comme vecteur sous-jacent le retour du fantôme de Judah, enfin revenu pour hanter la famille Botwin. L’enjeu était donc de prendre un nouveau départ, de réussir à se renouveler sans oublier ses racines, après un ensemble de trois saisons finalement bien maîtrisé. Plusieurs bouleversements majeurs sont donc apparus.

Histoire de commencer par le plus évidemment critiquable, le départ de Tonye Patano (Heylia) et Romany Malco (Conrad) du show, étrange lorsque l’on continue à suivre des protagonistes qui auraient eux aussi pu disparaître du tableau. Et décevant, tant les apparitions de la première, notamment en compagnie de Celia récemment, amenaient drôlerie et acidité. Et tant le second s’était forgé patiemment une place dans le cœur de Nancy, pour brusquement ne plus donner signe de vie.

Le changement le plus visible est tout de même la migration géographique. Agrestic ayant déjà été destituée de son rôle exclusif avec l’apparition de la storyline Majestic en saison trois, il semblait pressant pour Jenji Kohan de s’éloigner de cette banlieue huppée qu’elle critiquait de façon si juste.

Enfin, le générique si particulier et interprété par de nombreux artistes, cède sa place à une version simplissime, mais ultime dans sa forme modulable et légère : à chaque épisode son intro douce-amère, petite vignette tour à tour amusante, mélancolique ou ironique.

Le début de saison de Weeds est donc déconcertant, se débattant par ailleurs avec des histoires décousues, la majorité du cast étant finalement de la partie et donc à caser. Mais un thème majeur sort du lot : grâce à l’emménagement, faute de mieux, de la famille Botwin chez les parents de Judah et Andy, l’heure est paradoxalement à la continuité. La lente mort de Bubbie, le départ précipité de l’irresponsable Lenny, et plus particulièrement les circonstances qui les poussent à partir chacun de leur manière, signent un passage de témoin volontaire entre la mémoire Botwin, désacralisée, et not-Francie, la belle-fille indigne qui prend le pouvoir sur les terres de sa belle-famille. Nancy devient donc maître des lieux, et de façon non accidentelle cette fois : elle a provoqué sa domination, et en est responsable.

A l’Ouest

Autour d’elle, la quasi-totalité des personnages récurrents sont désormais masculins, mais Celia Hodes est peut-être celle qui symbolise le mieux la dépendance du groupe à Nancy. Tombée au plus bas, trahie par à peu près tous les personnages du show, du début à la fin, elle ne retrouve le souffle que par moments, notamment grâce à Nancy, histoire de retomber de plus belle. On peut penser que le traitement du personnage sur ces treize épisodes est un rien moralisateur, ou au moins nous incite à prendre du plaisir devant sa chute perpétuelle. Ou alors qu’il nous met face à notre propre voyeurisme, au moins pour l’épisode prison, où elle nous apparaît finalement comme persécutée, et là aussi c’est assez peu pertinent. Cet aspect-là est discutable, toujours est-il qu’il permet d’accoler à Nancy Botwin un satellite important, anciennement à la hauteur de la (double) veuve, aujourd’hui à ses pieds.

Parce que des satellites, c’est exactement ce que sont Andy et Doug. Comme autrefois, la paire se réunit chez Nancy, mais alors que ces moments de déconnade dans la maison Botwin étaient auparavant plutôt rares, cette fois-ci c’est devenu leur principal lieu de méfait. Surtout, Doug désormais comme Andy n’ont plus de fil conducteur clair dans leur vie, réagissent selon leurs désirs, sur l’instant. Maintenant, les deux potes ‘on pot’, dès leurs retrouvailles en milieu de saison, et alors que semblait poindre chez Andy un sérieux très suspect, passent leur temps à errer et à échafauder des plans foireux, souvent dans la nouvelle demeure familiale. Une scène muy hilarante de la fin de saison fait poser à Doug la question : « pourquoi tu restes avec Nancy ? ». Lui n’a nulle part ailleurs où aller, quant à Andy, son attirance pour elle le trahit, malgré sa réponse magnifiquement hypocrite.

Parallèlement, alors que trois personnages se retrouvent intimement dépendants (et non plus simplement collègues de vente de cannabis) de Nancy, ses deux enfants continuent leur développement inverse. Le problème de leur manque paternel et de l’absence récente de leur mère finit par refaire surface, dans des références parallèles à l’inceste : les scénaristes ont habilement mis en place cette storyline pour amener une remise en question de la mère, tandis que Silas et Shane se construisent eux-mêmes. Shane découvre d’ailleurs les joies de la socialisation par la force, du sexe puis de la revente de cannabis. Silas, suivant les conseils avisés de Conrad, développe son propre business plantation/revente, le titre de la série gardant ainsi sa signification majeure. C’est lui qui, dans le dernier épisode, propose une reprise des affaires en main par les hommes de la maison : le réveil de ceux qui attendent tout de Nancy, voilà un intérêt potentiel, comique mais aussi dramatique, pour la saison prochaine.

Au Sud

En effet on ne peut pas ignorer les efforts dramatiques de la série, a fortiori sur le début de cette saison (comme lors de la précédente), peut-être trop terne. La représentation de la violence, les dilemmes moraux avaient commencé à apparaître de façon plus légère à Agrestic/Majestic, mais ce tout prend une importance majeure cette saison. Dès le début de saison, le contraste Etats-Unis/Mexique est un vecteur de comédie, grâce à la fausse candeur d’une Nancy en touriste pour acheminer de la drogue, banlieusarde chic comme en villégiature dans un pays qui ne correspond pourtant pas aux cartes postales. C’est qu’elle se doit de garder sa prestance, qui est aussi son atout charme, primordial pour elle dans le business, un charme qui a raison de tous ses prétendants, qu’elle utilise avec des scrupules hypocrites sans pareil.

Mais ces enjeux prennent vite une tournure dramatique : si le sérieux un peu plombant (mais nécessaire ?) du début de saison était concentré sur le développement des relations Lenny/famille Botwin, par la suite il se reporte surtout sur le Tunnel, endroit intemporel et in-spatial, frontière floue et lieu d’un trafic que Nancy va découvrir par trop de curiosité. Ce qui va l’amener à douter sur les conséquences de son action, discours bateau mais traité avec élégance.

Le Tunnel signe d’ailleurs le retour de Weeds dans le champ de la dénonciation. Certes il est fourre-tout, vaut beaucoup pour son ambiance (quelques scènes seulement toutefois). Et on peut aussi penser qu’il pointe du doigt les Mexicains, mais c’est bien la démarcation brutale entre Mexique et USA qui provoque la violence au Sud. En plus, en fin de saison d’autres éléments corrosifs viennent s’y ajouter, et rééquilibrer la balance. Ainsi, les problèmes d’assurance de Celia pour sa désintox, et la flagrance du jemenfoutisme d’un Doug à son aise en milicien garde-frontière, font rire autant qu’ils dérangent. La situation de la première souligne la cruauté de l’envers du rêve américain, celle de Doug et Mermex l’intéressement d’un yankee lubrique, jetant l’immigrée dès qu’elle devient inutile.

Paradoxalement, face à cette réalité repoussante, la saison quatre prend de la hauteur, l’histoire d’amour principale étant subtilement interprétée et très poétique, ne négligeant d’ailleurs pas l’ambiguïté évidente concernant l’utilitarisme de Nancy. Les scènes où la musique prend le pas sur les paroles viennent d’ailleurs agrémenter d’ultimes épisodes en partie oniriques, bien aidés par une bande-son toujours estampillée indie, et qui s’aventure de l’autre côté de la frontière (la barcarola de l’avant dernier épisode, par exemple). Weeds est donc toujours du point de vue de la belle un havre de paix, sur lequel la violence vient glisser, comme si, sirotant un soda les écouteurs sur les oreilles, Nancy la bourgeoise se laissait bercer par une musique douce, pour se persuader de la beauté de la situation.

Conclusion

Malgré des bouleversements réellement influents sur le propos de la série, qui s’éloigne des riches banlieues et se rapproche de la frontière, Weeds retrouve petit à petit une fidélité à son esprit : léger, caustique, mélancolique, et comique. De bon augure pour la suite, deux saisons supplémentaires ayant déjà été confirmées par Showtime.