fichage et copinage (bakchich info)

Publié le 07 octobre 2008 par Zelast

Tous fichés, même les potes de Nicolas Sarkozy

    

        SURVEILLANCE / lundi 6 octobre                                 par         Xavier Monnier                       

Un fichier peut en cacher un autre. Aussi dangereux qu’Edvige, le STIC met en fiches 23 millions de citoyens. Y compris Johnny Hallyday ou Jamel Debbouze. « Bakchich » publie leurs fiches.

Amis du président et stars en tous genres, vous n’êtes finalement pas choyés par le pouvoir, et en tout cas guère protégés de la curiosité des services de police. Comme tout citoyen ordinaire, vous êtes scandaleusement fichés par les services de la place Beauvau ! Et comme tout un chacun, votre passé judiciaire est épluché dans les fiches du Système de traitement des infractions constatées, le discret STIC. Lequel travaille à la limite de la légalité.

Un système estampillé Pasqua

Né en 1994 - mais seulement objet d’un décret en 2001- à l’initiative de Charles Pasqua, alors ministre de l’Intérieur, le fichier STIC (Système de traitement des infractions constatées), recueille les noms de toutes les personnes, auteurs d’infraction ou victimes, mêlés de près ou de loin à des procédures judiciaires. Et pour des faits datant même de quarante ans !

Théoriquement, le Stic vise à faciliter le travail de la police nationale, en créant une banque de données des infractions à la loi. Sont recensés les citoyens fautifs ou les victimes, c’est à dire tout le monde ou presque. Jugez en : 23,5 millions de procédures recensées, 26 millions d’infractions, 5 millions d’individus mis en cause, 18 millions de victimes ! Bref, un champ d’investigation, qui va bien au delà du fichier Edvige qui ne concernerait, estime le journal Le Point, « que » quinze millions d’individus.

Plus grave, l’ensemble des données du STIC sont répertoriées, sans respecter la jurisprudence de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL), comme le démontrera l’enquête que nous publierons demain. Depuis 2007, un audit est mené par la CNIL sur les procédures mises en place par le ministère de l’Intérieur, dont les résultats doivent être connus en fin d’année. Or lors des investigations ultérieures qu’elle avait menées sur le fichier STIC et révélé en 2004, la CNIL avait constaté un taux d’erreurs d’environ 25 %, d’après le site web de l’autorité de contrôle de fichiers. Charmant. Et pas sûr que cela ait été rectifié selon les documents recueillis par Bakchich

Nul n’est à l’abri du fichage du STIC. Pas même les « idoles des jeunes », Johnny Hallyday ou Jamel Debbouze.

Johnny scandaleusement fiché dans des dossiers remontant, pour certains, jusqu’à 1967

Artiste réputé proche de l’Elysée, sous Chirac comme sous Sarkozy, un certain Jean-Philippe Smet, alias Johnny Hallyday dispose ainsi de sa fiche STIC. Celle ci est datée de 2008. Pas vraiment fans, apparemment, les poulets manquent de renseignements sur l’état civil du garçon. « Profession : non enregistrée ou inconnue » ; « Nationalité : indéterminée ». Nous la reproduisons ci dessous.

La longue et erronée fiche Stic de Johnny

Le rocker le plus proche du pouvoir est très suivi dans ses pérégrinations judiciaires ; sa fiche recense des infractions, dans lesquelles son nom fut cité, depuis…1967. Soit il y a plus de 41 ans. Or la durée de conservation des infractions dans le fichier STIC ne doit pas dépasser les 40 ans pour les infractions les plus graves (assassinats, viols…etc), et les vingt ans pour les délits moins graves. Autant dire, que la fiche de Johnny est plus qu’à la limite de la légalité [1]

Rebelle à l’ordre établi et anticipant sûrement mai 68, Johnny est alors « cité comme auteur : violences volontaires » pour des faits commis le « 26/10/1967 à Paris XVIe ». Précis les policiers détaillent le statut du chanteur dans l’affaire : « Déféré ».

Présomption d’innocence, conditionnelle, précaution sur l’emploi des termes, rien n’y est.

« Les informations contenues dans le fichier ont SIMPLE VALEUR DE RENSEIGNEMENT susceptible d’ORIENTER L’ENQUETE. Il ne pourra en être fait état que sous réserve de vérifications », précise toutefois les en-tête des fiches STIC. Avant de placer que « cette personne a été citée dans cette procédure pour le ou les faits suivant, mais en aucun cas il ne peut être déduit de ce document qu’elle a été définitivement reconnue comme responsable des faits ».

Légères précautions qui n’altèrent que peu les impressions données par les fiches.

A voir la liste des infractions commises dans les folles années 70, l’œil profane peut croire que « les portes du pénitencier » n’étaient pas loin  de se refermer pour Hallyday. Encore déféré pour « Infraction à la législation sur les armes » (1975), « violence volontaire » (1973)  ou encore « outrage aux bonnes mœurs » (également 1973).

Le STIC ne se met pas à jour

Un petit chapelet de présomptions qui aurait du être balayé depuis longtemps des fiches du STIC. Or la police peine à compléter la fiche du chanteur depuis les faits présumés. A chaque fois, on lit :« Suites judiciaires : inconnues ».

Autre année riche pour le document STIC de Johnny : 1992. Les années 90, plus fric que folles, voient l’éternel chanteur allumer le feu… et se brûler un peu avec. « Cité comme auteur : Abus de biens sociaux » et « Escroquerie ». Mais là encore, les flics sèchent au moment des suites judiciaires, « inconnues ». Un manque de curiosité qui s’avère un vilain défaut, au moins aux yeux de la loi.

L’antique loi informatique et liberté de 1978 oblige tout gestionnaire de fichier de compléter et de corriger toute information contenu dans ce fichier lorsqu’elle est incomplète. Mieux, le décret du 5 juillet 2001 (qui légalise le STIC) place ce fichier sous le contrôle du procureur de la République. A charge pour ce dernier de transmettre les suites « judiciaires » des différents dossiers aux services régionaux de police, tenus de rectifier les choses – voire de supprimer les mentions en cas de relaxe ou d’acquittement (mais pas d’amnistie), selon une ordonnance rectificative du 20 novembre 2006.

Johnny n’échappe pas au Stic

© Oliv’

A croire que Johnny compte moins de fans chez le procureur de la République de Paris, chargé de la tutelle du STIC de la capitale, et chez les flics franciliens, que dans le monde politique.

Jamel Debbouze, client régulier du STIC

En proie à quelques controverses avec la police depuis 1999, Jamel Debbouze a aussi droit à sa fiche STIC. Pour des faits remontant, pour les plus anciens, à 1999.

Le Stic ne suit pas de près la carrière de Jamel

Mais là non plus, nulle mention des suites judiciaires. Les supposés démêlés de Debbouze avec la justice sont toujours suivis de la mention « suite judiciaires inconnues ». Au moins les poulets sont-ils plus au parfum de ses activités que de celles de Johnny, puisqu’ils lui reconnaissent la qualité de comédien.

La République irréprochable de Sarko est en marche. Tous égaux, tous fichés ! A une réserve près. Au STIC, les politiques semblent mieux traités. La plupart de ceux qui ont été égratignés par la justice n’apparaissent guère dans le fichier. Ainsi Charles Pasqua, entendu de nombreuses fois lors des dossiers de l’Angolagate, des casinos et autres et qui comparait aujourd’hui lundi 6 octobre devant le tribunal correctionnel de Paris, n’apparaît pas dans le STIC. Tout comme son nom avait été supprimé de l’ancien fichier des RG. Bakchich a néanmoins récupéré la fiche RG de Pasqua datant de 1968. Du grand art ! (voir encadré ci dessous) C’est bien le moins d’être épargné pour un Pasqua, créateur, en 1994, de ce vaste système de fichage.