Cunégonde en Antarctique : 19

Publié le 08 octobre 2008 par Porky

Scène 18

Les mêmes plus la Petite Ourse, les gardes et les otages.

LA PETITE OURSE

Le théâtre est fini. Ma sœur, les mains en l’air !

LA GRANDE OURSE

Que ce beau nom s’enfuie de ton vocabulaire

Et devienne pour toi et pour la terre entière

Synonyme de traître et de vile guerrière.

LA PETITE OURSE

Malédiction ou pas, le pouvoir est à moi.

Que ce trône est joli ! Que je ressens d’émoi

A l’idée de m’asseoir sur son siège d’ébène

Et de là maltraiter mes très chers indigènes.

LA GRANDE OURSE

Tu ignores bien tout de l’art de gouverner.

LA PETITE OURSE

C’est un art, me dis-tu ? La façon de parler,

Tout au plus, chère sœur. (Désignant Fifi) Regarde celui-là :

D’un parfait gouvernant il a tout le blabla.

FIFI

Mes discours sont sensés, n’en déplaise à certaines

Qui n’ont que la grandeur d’une pauvre cheftaine.

CUNEGONDE

Bien répondu, Fifi. Je vous rends mon estime.

LANLAN (Désolé)

A présent de ma vie je ne donne un centime.

Tais-toi donc, gros lourdaud. Injurie-t-on la reine ?

(A la petite Ourse)

Majesté vous voyez comme là je le freine.

LA PETITE OURSE

Je le vois en effet. Même je te contemple.

Courtisans, mes amis, suivez donc son exemple.

Il excelle à baver, c’est un maître parfait

Qui saura vous montrer comment l’on satisfait

Les désirs de chacun. (A quelques ours) Emmenez notre sœur.

Dans un cachot très noir qu’elle épanche ses pleurs.

Et nous verrons bientôt à juger cette reine

Qui perdit le pouvoir mais trouva bien sa peine.

LA GRANDE OURSE (Emmenée par les gardes)

Tu seras à ton tour plongée dans les ténèbres.

La trahison toujours trouve un écho funèbre.

(Elle sort, encadrée par les Ours au béret jaune.)

UN AUTRE OURS

Et bien, que faisons-nous de son auguste troupe ?

LA PETITE OURSE (Pensive, s’asseyant sur le trône)

Pour l’instant, je ne sais. Laissez-moi réfléchir.

Il serait malséant de les faire périr.

Nous aurions sur le dos un monstre fou furieux

Prêt à prendre l’avion pour m’arracher les yeux.

L’OURS (s’approchant)

Et si de ces pingouins nous demandions rançon ?

Ce serait pour le monde une bonne leçon.

LA PETITE OURSE (Jetant un regard à Cunégonde, puis aux autres)

Mais alors il faudrait être très raisonnable

Sur le prix demandé.

L’OURS (Se grattant le menton, en regardant les otages)

     C’est vrai. C’est invendable.

LA PETITE OURSE

Si l’on faisait un lot dans la vente aux enchères ?

On trouverait preneur.

L’OURS

   Certes, mais trop peu cher.

LA PETITE OURSE

Qu’on les garde au palais comme décoration.

Je sais, ils sont affreux, c’est une aberration.

Mais ils savent, je crois, bien jouer* les potiches

Et ils seront parfaits déguisés en boniches.

CUNEGONDE

Je bouillonne de rage.

LA MADONE

   Oh, l’infâme bestiole !

LANLAN

On s’en tire assez bien.

FIFI

   La vieille patafiole !

DAKTARI

Qu’on me laisse un moment ma cape déployer

Et l’on verra comment je me laisse traiter !

LA PETITE OURSE

Que dit le bon docteur ?

ROSIE

       Il vous trouve innommable.

DAKTARI

Mais je n’ai pas dit ça !

LA PETITE OURSE

   Vrai, c’est impardonnable.

ROSIE

Il a même ajouté que vous étiez atroce.

DAKTARI

Elle ment, Majesté ! Crénom, la sale rosse !

LA PETITE OURSE (Menaçante)

Tu médis donc de moi ?

DAKTARI (en sueur)

   Pas du tout, votre Altesse.

CUNEGONDE (Méprisante)

Allez, vous êtes bas.

LA PETITE OURSE (Aux gardes, désignant Daktari)

       Bottez-lui donc les fesses,

Cela lui apprendra. Parle un peu mieux de nous.

ROSIE

Bien fait pour ton caquet, sinistre vieux matou.

(Alors que Daktari s’apprête à subir cette humiliation, une forte lumière apparaît, venant du plafond. Puis, une corde à nœuds tombe sur le plancher. Tout le monde lève la tête. Une silhouette en jeans et chemisier descend élégamment le long de la corde. Elle a encore sa guitare en bandoulière.)

(A suivre)