C'est dur d'être aimé...

Publié le 08 octobre 2008 par Sébastien Michel

Il faut du temps. Du temps pour comprendre, du temps pour se mettre à la place de l’autre, du temps pour prendre du recul et du temps pour comprendre l’autre.

Mais où trouver le temps aujourd’hui ? On pourrait penser qu’on nous vole notre temps, mais je pense plutôt que le temps se volatilise par lui-même, de fait, comment faire tout ce qu’on veut et qu’on doit faire ?


Une introduction peu orthodoxe pour ce qui se veut être une critique d’un film qui n’en est pas plus catholique pour autant, ça tombe bien, nous parlons ici de « C'est dur d'être aimé par des cons » de Daniel Leconte, le documentaire relatant les évènements autour de la parution des caricatures de prophète Mahomet dans le Journal Charlie Hebdo.

Les faits sont simples : des dessins, une polémique.
Une réédition, un procès !
Un documentaire… une polémique ?

Tout le monde a entendu parler des dessins du Prophète Mahomet dans ce journal Danois, ce que tout le monde ne sait pas forcément est que l’Islam est une religion où la représentation du prophète est prohibée. Par contre ce que beaucoup pensent aussi, c’est que cette même religion est le foyer d’un sentiment légitime de violence et de dérives, qui constituent une preuve parfaite pour expliquer les évènements tristement récents, qui ne pourraient, de toute façon, avoir d’autres explications, de peur de compromettre beaucoup trop d’enjeux économiques.

Caricaturer fait partie de certaines cultures, on le comprend tout à fait. Aussi fortement qu’une religion fait partie d’autres cultures ? J’en doute.

Voila le sentiment que j’ai eu lors de la projection de l’avant première du film. La présence de la plus part des « acteurs » du film et de l’évènement n’a rien changé à l’atmosphère drôle mais pesante qui s’instaurait au fur et mesure dans la salle.

La plupart des rires n’arrivaient pas au bon moment et les remarques émanent du confinement de notre boite à sardines commune étaient, autour de moi en tout cas, clairement subjective.

Le film nous fait revivre l’ambiance du procès du journal Charlie Hebdo. On suit l’évolution des principaux acteurs de cette affaire. L’atmosphère passe du tendu au dynamique et l’ambiance caméra à l’épaule nous plonge aussi bien dans les couloirs de la rédaction du journal que dans les vastes halls du Palais de Justice.

Patrice Leconte signe ici un documentaire vrai et entraînant, le charisme

Pour comprendre mes mots, comprenez ma situation : mon cas est loin d’être unique, étudiant algérien, issu de ce doux mélange de la vieille école postcoloniale Française et du système fondamental musulman Algérien. J’ai grandi dans une culture laïque, mais un environnement traditionnel, dont je garde de bons et riches souvenirs. Je ne suis pas un ‘beurre’ mais bien un algérien à double culture qui peut, sans prétention, appréhender les deux côtés de la médaille.

Il n’en demeure pas moins que ce film m’a ramené à la réalité de mon pays de résidence, un choc des cultures encore bien présent. Je comprends l’un et je comprends l’autre. Ce que je ne comprends pas par contre ce sont ces préjugés encore bien ancrés dans l’esprit de personnes qui ne devraient pas oser prétendre donner un avis sur un film, quand leur avis sur la question est déjà tout prêt.

Finalement, est-il judicieux de remuer le couteau de la plaie en diffusant se genre de film pour appuyer son argumentaire sur la liberté d’expression ? Beaucoup le pense.

Ce film est-il tout à fait objectif (sauf pour le journal… mais ils en sont les instigateurs !) et peut donner raison et/ou tort à chaque partie ? D’autres le pense aussi.

Je ne pense pas qu’on puisse entrer dans la salle et encore moins en sortir avec impartialité de jugement, le plus petit penchant, fut-il inconscient subsistera toujours en nous, car le temps manque pour tout comprendre, et malheureusement parfois, la volonté aussi.