"- La pensée unique, c'est l'opinion des gens qui n'ont pas la même que la vôtre. Quand la droite est au pouvoir, c'est la droite. Quand la gauche est au pouvoir, c'est encore la droite.
- J'ai bien peur que ces notions de droite et de gauche ne soient complètement dépassées.
- Allez expliquer ça à Olivier Besancenot et Jean-François Copé.
- Pourquoi Jean-François Copé ?
- Parce qu'il a cru que la majorité avait un programme et qu'elle allait l'appliquer.
- Vous oubliez qu'il est impossible de réformer sans consensus.
- C'est le consensus qu'il faudrait réformer. Mais vous me disiez que le gouvernement avait pris la situation en main ?
- Pas le gouvernement, l'Élysée.
- On se demande combien l'Élysée a de mains. Le président doit être obligé de lâcher quelque chose de temps en temps. Autrement, c'est la crampe. J'espère au moins que cette détermination a été favorablement accueillie.
- On y a surtout vu de la gesticulation. La visite des banquiers au Palais, particulièrement.
- Il ne faut jamais montrer trop de banquiers en même temps. Le sentiment de confiance s'évanouit aussitôt."
La chronique de Stéphane Denis, le 2 septembre 2008
Le dirigisme est de retour, je ne sais si vous l'avez remarqué.
- Vous voulez parler de la direction des consciences ?
- Je parlais de la crise financière. Il n'est question que de protectionnisme, de nationalisations et de nouvelles réglementations.
- Cela prouve que le capitalisme a de l'avenir. Dans dix ans on privatisera ce qu'on nationalise.
- Je ne cesse d'entendre au contraire que le capitalisme est sur ses fins. Il n'est question que de le réinventer.
- C'est bien ce que je disais. Le capitalisme est le seul système qui ne manque pas d'imagination. Prenez le marxisme : on a l'impression de le voir sans arrêt défiler dans ses habits de la veille.
- Vous ne pouvez pas dire cela au moment où l'ultralibéralisme est blâmé, en France, même dans les milieux les plus officiels.
- Pour qu'il y ait ultralibéralisme, il faudrait commencer par le libéralisme. J'ai l'impression que nous en sommes encore loin.
- Allons donc ! Depuis vingt ans, la pensée unique…
- La pensée unique, c'est l'opinion des gens qui n'ont pas la même que la vôtre. Quand la droite est au pouvoir, c'est la droite. Quand la gauche est au pouvoir, c'est encore la droite.
- J'ai bien peur que ces notions de droite et de gauche ne soient complètement dépassées.
- Allez expliquer ça à Olivier Besancenot et Jean-François Copé.
- Pourquoi Jean-François Copé ?
- Parce qu'il a cru que la majorité avait un programme et qu'elle allait l'appliquer.
- Vous oubliez qu'il est impossible de réformer sans consensus.
- C'est le consensus qu'il faudrait réformer. Mais vous me disiez que le gouvernement avait pris la situation en main ?
- Pas le gouvernement, l'Élysée.
- On se demande combien l'Élysée a de mains. Le président doit être obligé de lâcher quelque chose de temps en temps. Autrement, c'est la crampe. J'espère au moins que cette détermination a été favorablement accueillie.
- On y a surtout vu de la gesticulation. La visite des banquiers au Palais, particulièrement.
- Il ne faut jamais montrer trop de banquiers en même temps. Le sentiment de confiance s'évanouit aussitôt.
- Oh, je ne suis pas certain que la confiance revienne bientôt. C'est une crise sans précédent depuis celle de 1929.
- Vous étiez né ?
- Non. Mais on me l'a racontée.
- Cela laisse à penser qu'on racontera celle-ci vers 2089. Mais vous remarquerez que la confiance n'a pas mis quatre-vingts ans à revenir. La crédulité de l'épargnant est un des prodiges de la nature humaine.
- Ah ! Vous voyez que le capitalisme ne cesse de tromper ses victimes !
- Il les nourrit en même temps. C'est un avantage sur le socialisme qui remet toujours le plat du jour au lendemain.
- Enfin, deux banquiers ont démissionné… ils avaient investi aux États-Unis l'argent des collectivités locales.
- Ça a dû leur paraître le seul moyen de gagner de l'argent. Si une collectivité locale française faisait des bénéfices, cela se saurait.
- Mais le rôle d'une administration ou de l'État, si vous préférez, n'est pas de faire des bénéfices.
- Ça doit être pour ça qu'il va privatiser La Poste : elle lui rapportait de l'argent.
- Mais elle a besoin de nouveaux capitaux pour investir à travers le monde.
- En Amérique ?
- Oh, c'est facile. Mais je vois que vous pensez comme moi : l'Amérique a perdu son leadership sur le globe. Une époque s'achève. Un empire disparaît. Un nouveau cycle com…
- Ne vous emballez pas. Les États-Unis fabriquent en permanence leur propre antidote à leurs propres poisons. C'est le cas le plus probant d'abjuration des erreurs qu'on ait vues depuis l'invention du confessionnal.
- Mais vous ne nierez pas que l'Europe a une carte à jouer !
- Où sont les cinquante-cinq autres ? Les mêmes qui réclament une énergique politique commune la lui ont refusée en votant non au référendum.
- J'espère en tout cas qu'elle va en profiter pour se débarrasser des critères de Maastricht. Il n'est que temps de retrouver des marges de manœuvre.
- Ce n'est pas la manœuvre qui m'inquiète. C'est son application sur le terrain.
- Que voulez-vous dire ?
- La crise a éclaté aux États-Unis parce que tout le monde y vit à crédit : l'État, les particuliers, les banques. Croyez-vous que le moment soit bien choisi pour continuer à tirer sur le nôtre en augmentant nos déficits ?
- Seule une politique audacieuse peut avoir des résultats.
- On dirait du Chevènement.
- Et alors ?
- Voyez où ça l'a conduit : un fauteuil au Sénat.
- Vous avez suivi l'élection ?
- J'en avais deviné le gagnant.
- Comment avez-vous fait ?
- Ils ont voté pour le plus gros. En période de disette, c'est rassurant.
- Ce n'est pas bien de s'en prendre aux physiques des gens.
- Je ne peux tout de même pas m'en prendre à leurs convictions.
- Il faudrait qu'ils en aient ?
- Exactement.
- Mais pour en revenir au dirigisme ?
- S'il se met en Bourse, j'investirai dedans.
(c) Le Figaro