Rachida Dati ravive les tensions avec la magistrature

Publié le 11 octobre 2008 par Hmoreigne

Ce sera sans elle. Rachida Dati au tout dernier instant a décliné l’invitation de l’Union Syndicale des Magistrats (USM) réuni à l’occasion de son congrès annuel à Clermont-Ferrand. Du côté des magistrats, on n’apprécie pas vraiment les manières cavalières de la ministre. L’absence du Garde des Sceaux au congrès de ce syndicat majoritaire dans la magistrature, classé comme modéré, constitue une première.

 ”Mépris”. Le désistement tardif, annoncé par téléphone la veille à 18h55 au président de l’USM, sans justification précise, hormis un agenda particulièrement chargé, a été très mal ressenti par les participants présents à Clermont-Ferrand. Intérrogé sur le faux-bond de leur ministre de tutelle, Bruno Thouzellier, président sortant de l’USM, confiait hier au quotidien local La Montagne qu’il interprète le geste comme “une marque de désintérêt pour le corps judiciaire en général et pour l’organisation professionnelle qui représente les 2/3 du corps judiciaire en particulier.”

Derrière le ton posé, la colère gronde. “De la part d’un ministre c’est très surprenant. A ma connaissance, dans l’histoire de l’USM, cette situation est sans équivalent.” (…) “c’est regrettable et, pour moi inexplicable. Tout ce que nous disons, on le dit avec mesure. Bien sûr que sur le fond on est en désaccord avec la ministre sur un certain nombre de choses. C’est notre droit le plus strict. Refuser le débat, c’est un signe de faiblesse, pas un signe de force”.

La fermeté, voire l’intransigeance, c’est justement la marque de fabrique de Rachida Dati qui, dès sa prise de fonction, a pris à contrepoil des magistrats habitués à des attitudes plus policées. L’autoritarisme de la ministre, particulièrement marqué dans les nominations et une réforme de la carte judiciaire menée à la hache, aurait pu être pardonné si les moyens matériels avaient suivi.

Un rapport comparatif de la CEPEJ (Commission européenne pour l’efficacité de la justice), un organe du Conseil de l’Europe, rendu public dans la même semaine dresse à l’inverse, le portrait d’un système judiciaire sans le sou, en queue de peloton sur les 43 pays étudiés. En 2006, la France se retrouve à la 35e place des pays du Conseil de l’Europe, alors qu’elle occupait le 29e rang en 2004. La patrie des Droits de l’Homme consacre 0,19% du PIB à la justice, loin des 0,27% de la Belgique ou des 0,38% de l’Allemagne.

La situation, récurrente, est suffisamment grave pour constituer le thème du congrès de l’USM : “Justice pauvre…pauvre justice”. De quoi faire dire à Christophe Régnard, juge d’instruction à Nanterre, secrétaire national de l’USM et seul candidat déclaré à la présidence du syndicat :”C’est de la lâcheté. Elle ne voulait pas être confrontée à la réalité, à des questions qui auraient égratigné son image”.

L’image, l’autre point sensible de Rachida Dati.”Quand on met en cause un policier, Mme Alliot-Marie réagit. Quand on lit dans la presse des mises en causes extrêmement violentes de certains collègues nommément cités, ou de la profession en général, silence, aucune réaction de la Garde des Sceaux”, s’emporte au cours d’une intervention Valérie Dervieux, vice présidente du tribunal d’instance de Paris.

Les magistrats ont le sentiment que le terrain, le fonctionnement courant, n’intéresse guère leur ministre accusée de péférer faire étalage de son goût prononcé pour le luxe, de courir derrière les caméras, quitte à adopter des positions démagogiques. A défaut d’être prononcé, le divorce semble consommé. La Garde des Sceaux n’avait pas apprécié d’être chahutée l’année précédente. L’AFP rapporte les propos de Christophe Régnard : “Au début, le ministère nous a beaucoup écoutés et peu entendus, maintenant nous n’avons plus d’interlocuteur institutionnel”, “la ministre ne nous reçoit plus depuis mai, son cabinet change tous les quatre matins et nous n’avons que des interlocuteurs techniques”.

Au-delà les magistrats se plaignent du manque de lisibilité de l’actuelle politique judiciaire et une politique de réaction “au coup par coup”, “incohérente”.

Les congressistes pourront toujours se consoler de l’absence de Rachida Dati en parcourant l’article consacré au lapin posé par leur Ministre sur le site de Gala.fr dont on ne retiendra que la fin : “Rappelons qu’en 2007, lors du dernier congrès de l’Union syndicale des magistrats, la jolie brune en tailleur Dior avait été chahutée par la salle devant laquelle elle s’exprimait, en pleine réforme contestée de la carte judiciaire. Gageons que la future maman préfère aujourd’hui à la virulence des échanges, l’assurance des louanges et la perspective des langes…”