Tous les matins du monde sont sans retour

Publié le 15 octobre 2008 par Hoplite

Il y a quelques jours, j’ai revu en rêve le visage et le regard d’une fille que je n'ai vu qu'une seule fois dans ma vie il y a prés de quinze ans. Je traversais le Canada d’est en ouest et, un soir, je m’étais arrêté à Drumheller, petit village perdu de l’Alberta dans l’Ouest Canadien. Sorte de bar, bistrot local tapissé de pancartes lumineuses à la gloire de Coors light ou Budweiser, fermiers édentés en chemises à carreaux, table de billard, musique country, etc. Niéme tournée de bière avec la jeune amazone qui m’accompagnait à l’époque. En payant au comptoir, résistance anormale de la serveuse qui, une bière dans chaque main, me lança un bref regard appuyé. Sous son index droit un petit papier plié en quatre avec son numéro. Que je n’ai pas utilisé. Ce regard et ce visage, comme si c’était hier. Je crois que je vis pour ce genre de moment.

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Le regard fixe et bleu de mon grand-père hémiplégique et aphasique, quelques jours avant sa mort. Un concentré de désespoir muet, lorsqu’il portait les yeux sur les photos et les aquarelles de sa ferme sur les murs autour de lui. Le même regard immobile et éloquent. Celui-là ne me quitte jamais.

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Le regard de cette jeune soldate de Tsahal. Conscience politique ou pas, bon côté ou pas, là n’est pas la question. L’important est dans la vertu guerrière qu’illustre cette jeune soldate. Cette vertu dont parlait Clausewitz, mélange de courage physique et moral, d’endurcissement, d’enthousiasme, de discipline, d’esprit de corps, d’expertise dans le combat, d’acceptation du sacrifice pour une cause supérieure, pour les siens, pour l'honneur, pour son pays.

Combien d’hommes ou de femmes en Occident possèdent-ils encore cette vertu guerrière ?

A méditer en ces temps de reniement et de veulerie.