Tolède/Toledo

Par Cecile64pb

D'où qu'on vienne, on aperçoit Tolède sur son promontoire rocheux, ceint de murailles! La ville doit sa splendeur à son influence et à sa population multi-ethnique au Moyen-Age, d'où l'expression "Tolède des 3 cultures" où cohabitaient Juifs, Musulmans et Chrétiens. Actuelle capitale de la Castille-Mancha avec près de 70 000hab! Le Tage entoure la ville sur 3 côtés

Sa position stratégique au centre de la péninsule ibérique a dès le IIs ap JC attiré les Romains qui s'y installèrent et érigèrent même des murailles, un amphithéâtre, un cirque, un système d'égouts... puis la monarchie wisigothe en 418 qui convertit le monarque au catholicisme, rédigea les normes juridiques de l'époque, posa les bases pour l'unification politique et religieuse de l'Espagne et éleva une cathédrale, des palais et des temples et agrandit la muraille. L'invasion musulmane de 711 laissa une empreinte plus marquée que ses prédécesseurs qui dura 4 siècles en tolérant les autres religions. La Reconquête de 1085 se fit sans destruction du fait de l'admiration provoquée par l'art islamique. La cité devint siège principal du catholicisme espagnol ce qui lui permit de limiter l'exode du XVIIs consécutif à l'érection de Madrid comme capitale du royaume en 1561 : 50% de la population quitta Tolède. Au XVIIIs, la Compagnie Royale de Commerce et de Fabrication fut créée à Tolède en 1748 et relança son économique par l'industrie textile.

La majorité des murailles datent de l'époque wisigothe bien que renforcées par les Musulmans et les Chrétiens, la partie la mieux conservée va de la Puerta Vieja de Bisagra à la Puerta de Cambron

La ville fortifiée n'est pas interdite aux voitures, les rues sont pavées donc prévoyez des chaussures plates et confortables, beaucoup de rues à sens unique, plusieurs parkings.

On entre à droite de la Puerta Nueva de Bisagra (de l'arabe Bab-Shagra "porte de Sagra"), bien que d'origine musulmane, elle fut reconstruite en 1550 sous Charles Quint : se 2 tours circulaires encadrent le blason de la ville, à peine 80m séparent cette porte de la Puerta vieja de Bisagra - Porte d'Alphonse VI du XIs: on raconte que c'est par là qu'entrèrent les troupes du monarque durant la Reconquête.

   

On continue par la Puerta del Sol, érigée au XIVs dans le style mudéjar afin de faciliter l'accès au centre urbain, adossée à la muraille, elle servait de tour flanquante et de tour militaire. Le médaillon représente l'Imposition de la chasuble à San Ildefonso sous la lune et le soleil. sous la petite fenêtre centrale, on distingue un bas-relief du IVs représentant le reniement de St Pierre. Se promener dans Tolède est un vrai délice : ruelles labyrinthiques pavées, petites échoppes...

On découvre ensuite l'ancienne mosquée Cristo de la Luz (actuellement partiellement fermée pour travaux), qui est presque intégrale et constitue l'échantillon le plus important de l'art islamique à Tolède, érigée en 999 avec une base carrée et une disposition intérieure structurée à partir de 4 colonnes aux chapiteaux wisigoths délimitant une enceinte de 3 nefs croisées par 3 autres nefs, totalisant 9 neufs, comme les 9 mois du calendrier musulman; chaque voûte est décorée suivant les modèles de la maqsura de la mosquée de COrdoue. Au XIIIs, le presbytère et l'abside furent ajoutés au temple. On raconte que les Wisigoths y avaient installé un sanctuaire mais face à l'arrivée imminente des musulmans en 711 et pour le protéger d'une éventuelle profanation, l'image du Christ vénéré fut cachée dans un trou du mur à côté duquel une petite lampe à huile allumée était laissée. Lorsqu'en 1085, Alphonse VI entra victorieux, il passa avec son cortège devant la mosquée, son cheval s'agenouilla et ne repartit plus : le roi considéra comme un signal divin et tous les hommes se mirent à fouiller le petit temple jusqu'à ce qu'ils trouvent l'image du Christ caché. On y célébra alors la 1ère messe et l'ermitage reçut le nom de Cristo de la Luz (Christ de la lumière).

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On continue à monter et on découvre sur la gauche le musée des Beaux Arts de Sta Cruz (L-S 10h-18h30 / D 10h-14h, gratuit) logé dans l'ancien Hospital du même nom. L'architecture extérieur date du XVIs et offre une harmonie Renaissance et Plateresque que l'on retrouve à l'intérieur avec de magnifiques plafonds à caissons de bois lambrissés et des pilastres ouvragées.

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On continue jusqu'à la tranquille place de Zocodover (en arabe "Suk-al-Dawab" signifiant marché aux bêtes) est bordée de terrasses de cafés .La puerta de Alcantara se situe en face du Puente de Alcantara et constituait l'accès principal au Al-Hizam, quartier militaire avec la forteresse arabe et le palais des gouverneurs sous l'époque musulmane.

A partir de là, on rejoint L'Alcazar (actuellement fermé aux visites -ndlr 2008) vient du mot arabe "Al-Qasr". De la demeure royale wisigothe et de la résidence royale arabe, il ne reste rien. C'est lors de la reconquête, qu'Alphonse VI ordonna la reconstruction de l'édifice pour préparer la défense de la ville, ses successeurs l'agrandirent et c'est à Charles Quint que l'on doit sa physionomie actuelle. Le grand patio intérieur est présidé par une reproduction de la statue de l'empereur conservée au Prado. D'un point de vue historique, on raconte qu'au Moyen-Age, Dona Blanca de Bourbon fut enfermée dans les dépendances souterraines sur ordre de son époux, le roi Pierre Ier (surnommé "le cruel" (!)). Lorsque la cour se déplaça à Madrid en 1562, la résidence servit de logement royal puis au XVIIs en prison d'Etat. L'incendie de 1710 le détruisit en grande partie, il fut alors reconstruit et de nouveau incendié en 1810 par les Français et une troisième fois en 1887! Il fut reconstruit et on y installa l'Academia de Infanteria. Enfin, pendant la Guerre Civile, il fut réduit en poussière en 1936 avant d'être reconstruit pour abriter le Musée del Ejercito (réouverture en 2009) et celui del Asedio exposant des maquettes et souvenirs de la Guerre Civile dont le bureau du colonel Moscardo.

On descend ensuite vers la Cathédrale (L-S 10h-18h30 / D 14h-18h30, 7€ -gratuit les dimanches après-midis) fut construite à l'emplacement de la cathédrale wisigothe et de la mosquée; bien que commencée en 1226, elle ne fut achevée qu'en 1493. Ses formidables dimensions (140 sur 130m de large) en font un site incontournable, typiquement gothique avec ses voûtes nervurées en ogive, une nef principale et 4 collatéraux, grande richesse décorative des portails et volume intérieur fascinant. La façade, elle date de 1418 et comprend 3 portails finement décorés. On entre dans le cloître par la calle Arco del Palacio. Le prix s'explique parce que vous y découvrirez la sacristie, le choeur, la salle capitulaire et le trésor!

On est dans le quartier commerçant où se succèdent les boutiques d'artisanat :

- fer forgé

- armes en acier tolédan (certains ateliers fabriquent toujours des sabres pour différentes armées du monde, cette industrie était déjà très prospère du temps des Wisigoths et elle n'a subi de recul qu'avec l'apparition des armes à feu; en 1761, la Real Fabrica de Armas fut fondée)

- damasquinage (technique introduite par les musulmans et appliqué sur les épées et les armures, consistant à emboutir des métaux précieux -or et argent- dans de l'acier ou du fer, en formant des dessins). D'ailleurs il serait insensé de quitter la ville sans acheter des objets en damasquiné : broches, épées, cadres...

A travers les ruelles, on passe devant le Taller del Moro, (actuellement fermé aux visites -ndlr 2008) petit musée dédié à l'art et à l'artisanat mudéjars qui faisait partie du palais de Fuensalida à la décoration remarquable (caissons en bois, plâtres...). Non loin de là, la Casa-Museo El Greco (actuellement fermé aux visites -ndlr 2008) date du XXs et réunit les oeuvres des dernières 14 années du peintre Domenikos Theotocopuli, connu sous le nom "El Greco". Ce dernier naquit en 1541 en Crète qui était alors un protectorat de Venise, c'est pour cette raison qu'il s'installa à Venise puis à Rome et travailla avec les artistes italiens du moment. Entre 1575 et 1576, il s'installa à Tolède car il avait obtenu sa 1ère commande par l'intermédiaire d'amis : retable du couvent de Sto Domingo el antiguo. Il réalisa ensuite El expolio pour la cathédrale et El Martirio de San Mauricio pour l'Escorial de Madrid... Il décèda à Tolède en 1614. Sa maison était située à proximité de la Casa Museo.

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En revanche, si vous voulez voir l'impressionnant El entierro del Conde de Orgaz, le tableau est exposé dans l'église de Santo Tomé (7j/7, 10h-18h, 2.3€ -gratuit les mercredis pour les ressortissants de l'UE), il s'agit du miracle qui survint en 1312 à l'enterrement du Comte d'Orgaz lorsqu'apparurent st Augustin et St Etienne venant déposer le corps dans la tombe.

On se dirige ensuite vers le monastère San Juan de Los Reyes en passant par le quartier juif de Tolède était si important entre el XII et XIVs, qu'il fut considéré comme la Jérusalem espagnole! Mais les persécutions et l'expulsion de 1492 entraînèrent la diminution progressive la communauté et du quartier. A ce propos, il existait 2 quartiers juifs : Alcana et Madinat-al-Yahud. Alcana était situé à l'emplacement du cloître de la Cathédrale et était très commerçant jusqu'en 1391 (destruction par les Chrétiens et Musulmans car certains juifs s'étaient enrichis par la pratique de l'usure/percepteurs d'impôts).

Madinat-al-Yahud était isolé par une muraille intérieure et se trouvait au sud-ouest du quartier historique, on y entrait par le Postigo de la Juderia, un arc en forme de fer à cheval; il ne subsiste que 2 synagogues : la synagogue de Sta Maria la Blanca (7j/7, 10h-18h, 2.3€) du XIIs -de style mudejar-. Je sais que son nom est surprenant, mais en réalité, la synagogue fut convertie en église en 1405 après les prédictions de San Vicente Ferrer à Toléde sous l'invocation de la Ste Vierge et 3 chapelles furent ajoutées, sa visite vaut le détour! Une communauté religieuse cloîtrée y vit et vend de délicieux petits gâteaux secs. L'autre synagogue, est celle del Transito de 1356 avec une superbe décoration intérieure et un magnifique plafond à caissons mudéjar, elle héberge le Musée séfarade (fermé le lundi, 10h-18h, 2.40€).

Avant d'arriver au monastère, faites un crochet par la Confiteria Santo Tomé, dans la calle Sto Tomé, néanmoins il y a une succursalle sur la place Zocodover. L'établissement existe depuis 1856 et fabrique les fameux massepains "mazapanes" (pâte d'amande mélangée à du sucre, des oeufs et du miel). Selon la légende, l'appropriation des terres du sud par les Almohades força les habitants à se réfugier à Tolède qui se révélà incapable de nourrir tous ses habitants, les moines du Monastère de San clemente mélangèrent donc des amandes broyées à du sucre pour confecter un aliment très nutritif. Mazapan viendrait de Maz et Pan. D'après l'Histoire, ce sont les Arabes qui apportèrent des douceurs à base d'amandes, d'ailleurs, une sucrerie portait un médaillon représentant un roi assis dénommé "Mauthaban". Lors de la Reconquête, les mozarabes avaient pris l'habitude de confectionner une sucrerie composée d'amandes et de sucre, à Noël. Contrairement aux massepains industriels, ceux-là sont fondants et crémeux!

Le monastère San Juan de los Reyes (7j/7, de 10h-18h, 2.30€ -gratuit les mercredis pour les ressortissants de l'UE) est incontournable. Fondé par les Rois Catholiques pour commémorer leur victoire du 1er mars 1476 contre l'armée portugaise alliée de la noblesse castillane dans la succession au trône de Castille. Le monastère accueillit une congrégation de moines fransiscains. La guerre d'indépendance du XIXs ne laissa pas le monument intacte : il fut incendié et il fallut attendre 1954 pour sa restauration et l'installation de l'ordre séraphique. Construction gothique flambloyant avec des influences mudéjares qui dura de 1477 à 1506.

Le cloître est couvert de caissons de bois dans lesquels sont inscrits les emblèmes des Rois catholiques ainsi que leurs armes et leurs initiales.

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Le cloître offre une série d'arcs mixtilignes dans le corps supérieur avec de fins tracés flamboyants dans la partie intérieure. 

Je sais bien qu'on ne peut pas visiter toutes les églises de Tolède, mais l'église de San Roman est vraiment un must! On raconte que c'est depuis la tour de cette église, que le jeune Alphonse VIII aurait été proclamé roi de Castille en 1166. L'église San Roman serait une composition wisigothe (chapiteaux), arabe (mosquée) et reconstruite au XIIIs en style mudéjar avec un plan de 3 nefs séparées par de grands arcs en fer à cheval. L'attrait de cette église est la multitude de fresques du XIIIs.

Sous la domination musulmane la population chrétienne -les Mozarabes- avait le droit de conserver ses églises ouvertes au culte pour continuer à pratiquer l'ancienne liturgie wisigothe aussi connue comme mozarabe et tolédane du fait que le centre le plus important de cette communauté se trouvait à Tolède. Après la Reconquête chrétienne, on tenta d'imposer la nouvelle liturgie romaine, ce qui entraîna un certain nombre d'affrontements entre les uns et les autres. Finalement, on parvint à un accord qui garantissait les privilèges des Mozarabes. de cette manière, ces derniers purent conserver leurs paroisses, même si par la suite, elle durent être reconstruites et réparties dans toute la ville, ce sont au total 6 paroisses mozarabes qui ont subsisté après le Reconquête. Certaines d'entre elles gardent encore aujourd'hui des traces de leur origine wisigothe.

L'art mudéjar est propre à l'Espagne et est très représentatif de Tolède : il fusionne des éléments des cultures chrétiennes et musulmanes : utilisation de la brique et de la pierre comme matériaux de cosntruction ainsi qu'une décoration épurrée qui s'exprime par de riche moulages en plâtre, des azulejos mutlicolores ainsi que des toitures de bois.

On termine par les murailles le long du tage, une promenade a été aménagée et permet de découvrir la Puerta de Alcantara et son pont et d'avoir un point de vue sur le Castillo de San Servando du XIVs.

Pour rejoindre notre hôtel, nous empruntons la Carretera de Circunvalacion qui est incontournable à la tombée du jour car les lumières du crépuscule projetent des teintes ocres et des nuances dorées sur la ville, de plus, plueisurs aires de stationnement ont été créées (Ermita de la Virgen del Valle...). Notre hôtel est en dehors de la ville, mais offre un exeptionnel panorama et je vous recommande donc de réserver une chambre avec vue sur la ville. Le Parador est lui aussi en dehors de Tolède, bien qu'il lui fasse face, mais fait partie des paradors les plus chers de la Péninsule ibérique! Notre hôtel est l'Abaceria, 3* de charme avec piscine extérieure ouverte du 15 juin au 15 sept. Sa décoration est soignée, le service est aimable et le parking intérieur est sécurisant, malheureusement la restauration et le petit-déjeuner buffet sont décevants! En ville, les restaurants offrent une cuisine tournée vers le gibier (perdrix, caille, lièvre, le ragoût de cerf -carcamusa-), sinon profitez du restaurant du Parador qui n'est pas réservé aux clients de l'hôtel et qui offre un menu-carte à 25€ avec des spécialités tolédanes, des serveuses en costume castillan...