Caucase : soldats russes attaqués en Ingouchie

Publié le 20 octobre 2008 par Theatrum Belli @TheatrumBelli

Une attaque meurtrière perpétrée samedi contre des soldats russes en Ingouchie, une république voisine de la Tchétchénie, a montré que la situation dans le Caucase russe était loin d'être stable, malgré les assurances de Moscou, estiment les experts.

"Un groupe d'une trentaine de rebelles a attaqué une colonne de militaires" russes basés en Ingouchie, a déclaré le procureur ingouche Iouri Touryguine, cité par l'agence Interfax.

Selon l'état-major des forces russes dans le Caucase du Nord, 3 soldats ont été tués et 8 autres personnes, 6 militaires et 2 policiers, ont été blessées. 2 soldats ont péri sur le coup, un troisième est décédé à l'hôpital, a précisé un responsable de l'état-major, cité par Interfax.

De son côté, l'opposition ingouche citant une source policière locale a affirmé sur son site Ingushetia.org que le bilan s'élevait à une cinquantaine de soldats morts, accusant Moscou de vouloir dissimuler l'ampleur du désastre.

Le site des indépendantistes tchétchènes Kavkazcenter.com a également fait état de "plus de 50 infidèles" (soldats russes) tués dans l'attaque. L'agence de presse russe Regnum donne le même chiffre, citant une source policière ingouche, selon laquelle "tous les militaires de la colonne, sauf un, ont été tués" et l'unique survivant "hospitalisé".

"Les autorités tentent de soigneusement cacher le fait qu'il y a eu un meurtre de masse", écrit Ingushetia.org.

Si ces chiffres sont confirmés officiellement, il s'agira d'un des plus importants revers subis par les forces russes dans le Caucase depuis la fin, il y a quelques années, de la deuxième guerre en Tchétchénie, déclenchée en 1999.

Pendant ce conflit, Moscou avait souvent tenté de passer sous silence ses pertes.

Ainsi, lorsqu'en mars 2000, plus de 80 soldats d'une division de parachutistes de Pskov (ville du nord-ouest de la Russie) ont été tués dans un combat avec des indépendantistes tchétchènes, les autorités russes ont gardé plusieurs jours le silence sur cette affaire et le nombre réel de morts.

Aujourd'hui, ce n'est plus la Tchétchénie où le président pro-russe Ramzan Kadyrov a la haute main sur toutes les forces, y compris d'anciens combattants, mais l'Ingouchie voisine qui est un point chaud de la Russie.

"La situation en Ingouchie a échappé au contrôle des autorités locales", estime le journal en ligne Kavkazski Ouzel fondé par l'organisation de défense des droits de l'Homme Memorial et consacré à la situation dans le Caucase.

Dans son rapport publié la semaine dernière, Memorial souligne que l'Ingouchie est devenue la région où le nombre des attaques est le plus élevé.

"Les combattants rebelles continuent d'intensifier leurs activités... Il y a rarement eu des jours cet été sans nouvelles provenant de l'Ingouchie sur des attaques, embuscades et explosions", relève ce rapport.

"C'est une attaque importante, elle montre à quel point la situation est instable", a estimé l'analyste militaire du journal indépendant Novaïa Gazeta, Pavel Felgenhauer, interrogé par l'AFP sur les combats de samedi.

Les opposants et les défenseurs des droits de l'Homme dénoncent régulièrement des violences quasi-quotidiennes (enlèvements, attaques contre les forces de l'ordre, meurtres de civils) en Ingouchie dirigée d'une main de fer par Mourat Ziazikov, un ancien du FSB.

Magomed Evloïev, propriétaire du site Ingushetia, l'unique média d'opposition à M. Ziazikov dans cette république russe, a été tué le 31 août, d'un coup de pistolet reçu dans la voiture de police, après son interpellation.

Le Service fédéral russe de sécurité (FSB) a pour sa part reconnu qu'une opération "antiterroriste" entamée samedi dans la région n'avait donné aucun résultat. Aucun combattant n'a été interpellé, ni tué.

Source du texte : LE POINT.FR