Farida Nekzad : une Afghane engagée

Publié le 21 octobre 2008 par Delphineminoui1974

Cette région tourmentée du monde nous réserve parfois de belles surprises. C'est avec une joie particulière que je viens d'apprendre que la journaliste afghane Farida Nezkad a reçu le Prix du Courage remis par la « International Women's Media Foundation ».

A 31 ans, Farida est la rédactrice en chef de Pajhwok Afghan News, une agence de presse indépendante afghane. Elle est également une ardente activiste qui se bat en faveur des droits des femmes et de la liberté de la presse. Et elle n'est pas du genre à mettre sa langue dans sa poche (voir la vidéo de son interview à la fin de ce blog).  

Ses positions lui ont d'ailleurs valu, par le passé, des pluies de menaces téléphoniques lui promettant de lui réserver le même sort qu'à Zakia Zaki et Shakiba Sanga Amaj, deux autres journalistes afghanes tuées dans l'exercice de leur métier.

J'ai eu la chance de côtoyer Farida à Kaboul, au cours de l'année 2002. Elle faisait partie d'une équipe de dix journalistes afghans qu'on m'avait proposé d'aller former aux rouages du journalisme radiophonique pendant trois mois. Fariba débutait et elle débordait déjà d'énergie. Cette année là, il y avait de l'espoir dans l'air. Le régime des talibans venait de tomber, un nouveau gouvernement était en place et les projets fleurissaient à tous les coins de rue : nouveaux journaux, nouvelles radios, explosion du débat, brassage d'idées.

Mais c'était trop beau pour durer. Très vite, l'étau se resserra. Certains de nos collègues en firent d'ailleurs les frais. Un jour d'hiver, alors qu'ils attendaient leur tour devant la porte de l'hôpital de l'ISAF pour une visite médicale de routine, Elsa et Eric, deux journalistes français, et Hamed, un de nos chers collègues afghans se retrouvèrent la cible d'un kamikaze qui fit détonner plusieurs grenades.

Blessés gravement, Eric et Elsa furent rapatriés en France. Hamed, lui, succomba à ses blessures. Ce fut l'une des premières attaques visant ainsi des civils, bien avant la spirale d'attentats qui allaient ensanglanter le pays au cours des années suivantes - au point de parler d'une « irakisation » de l'Afghanistan...

Les dernières nouvelles qui nous viennent aujourd'hui de Kaboul témoignent de cette descente aux enfers. Selon l'AFP, cinq enfants afghans et deux soldats allemands ont été tués, lundi 20 octobre, dans un attentat-suicide revendiqué par des insurgés talibans à Kunduz, dans le nord de l'Afghanistan.


On a également appris ce matin qu'un porte-parole des talibans, Zabihullah Mujahid, aurait revendiqué l'assassinat d'une ressortissante britannique, employée de Serve Afghanistan, une ONG chrétienne spécialisée dans l'aide aux infirmes, tuée hier matin, dans l'ouest de Kaboul, et accusée de prosélytisme. 


Depuis le mois de janvier, au moins 146 actes de violence ont visé des ONG, contre 135 pour l'ensemble de l'année 2007, selon un rapport alarmant d'Anso (Afghanistan NGO Safety Office), un groupe spécialisé dans la sécurité des ONG.


De quoi soulever de nombreuses questions comme celle des précautions renforcées que doivent prendre les étrangers sur place. Mais aussi le rôle de certaines de ces ONG qui ne prennent peut-être pas suffisamment en compte les sensibilités locales. Les terroristes ont bon dos.

Mais parfois, c'est tout simplement la population que nous pouvons choquer par nos attitudes. Il serait judicieux, en effet, de se demander s'il n'est pas déplacé d'afficher ses convictions chrétiennes dans un pays emprunt de tradition tribale et islamique ou de boire de la bière en plein ramadan. Par respect, tout simplement.

Certaines ONG - et pas toutes, heureusement ! - ont également la fâcheuse tendance à entretenir une certaine forme d'assistanat sans donner suffisamment de responsabilité aux employés afghans.


Mais c'est à eux, avant tout, qu'il faut penser. A eux et à des personnes comme Farida. Car lorsque les expatriés quitteront l'Afghanistan, ce sont des personnes comme elles qui resteront.

Pour témoigner. Avec courage et audace.