Pie XII : ma petite idée sur cette affaire.

Publié le 23 octobre 2008 par Drzz

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Pie XII : ma petite idée sur cette affaire.

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Miguel Garroté

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Introduction (début de l’introduction) – A celles et ceux qui liraient, quelque part sur Internet, le présent article sans me connaître, je précise que je suis journaliste catholique, néoconservateur et philosioniste. Et que mon « texte fondamental » sur cette triple appartenance se trouve ici : Nous sommes catholiques. Cela dérange certains (version actualisée). Voilà. Pour en venir au récent rebondissement de l’Affaire Pie XII, notamment son éventuelle béatification, et en ce qui me concerne, tout commence le mardi 7 octobre 2008 sur http://leblogdrzz.over-blog.com, lorsque je publie un article intitulé Le grand rabbin S.-Y. Cohen invité par Benoît XVI. Je reprends ci-dessous quelques informations sur l’Affaire Pie XII telle qu’elle a resurgi depuis le 7 octobre, notamment son éventuelle béatification. Et en conclusion, je livre ma petite idée sur cette affaire.

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Mon article « Le grand rabbin S.-Y. Cohen invité par Benoît XVI » du 7 octobre traite exclusivement - et naïvement… - des convergences entre le Judaïsme et l’Eglise catholique concernant la Parole de Dieu lors d’un récent Synode. Or, voilà que sur leblogdrzz mon ami M. Gad (webmaster de http://lessakele.over-blog.fr) réagit ainsi à mon article : « Je suis assez stupéfait qu'il ne soit pas fait la moindre allusion, dans ce qui précède (ndmg : dans mon article « Le grand rabbin S.-Y. Cohen invité par Benoît XVI »), de l'intervention du Rabbin Cohen concernant la polémique Pie XII. De fait, ce Synode était organisé en pleines festivités du cinquantenaire de la mort dudit Pape et risquait d'être lourd de malentendus diplomatiques…. ».

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Je réponds - un peu sèchement - à M. Gad comme suit : « Je parle de ce qui unit. Il y en a assez comme ça qui parlent de ce qui divise. Pour Pie XII, il y a des Juifs qui écrivent du bien à son sujet et d'autres pas. Les historiens trancheront. C'est pourquoi je n'entre pas, à ce stade et pour l'instant, dans cette polémique, dont je ne maîtrise pas tous les éléments d'ailleurs. Même si j'ai une toute petite idée personnelle sur la question, idée que j'exprimerais si je veux et quand je veux. Car cela aussi, c'est ma liberté. Shalom ». Mon ami M. Gad ne se contente pas de ma réaction - il a bien raison - et il renchérit ainsi : « Ce qui divise, ce sont précisément les arrière-pensées. (…) Les ‘bons comptes font les bons amis’.  L'Union à tout prix n'est qu'amalgame et confusion, dissipation des spécificités, des contextes, elle pécherait donc contre l'Esprit ».

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C’est alors que, toujours sur leblogdrzz, je fais à M. Gad cette confidence : « Sur la canonisation de Pie II, et non sur l’affaire elle-même (son silence), voici mon avis : elle tombe mal ; pour moi, on aurait du choisir d’autres bienheureux sur la liste d’attente ; il n’y a aucune urgence pour le bienheureux Pie II ; nous vivons une période de l’histoire essentielle pour les relations judéo-chrétiennes ; vu sous cet angle, la canonisation de Pie II est une maladresse inutile ». M. Gad précise alors dans un nouveau commentaire : « La question serait de connaître la genèse de ce ‘procès’ en canonisation : voulue par qui, pour quoi, en fonction de quels paramètres ? (…) Le fait également que le Pape actuel soit allemand et que ce soit lui qui fasse ce retour sur un passé qui le concerne aussi pourrait être pris de différentes façons ». Je réagis à cette dernière remarque de M. Gad en écrivant : « J’aurais pu écrire cette phrase et la signer sans sourciller. C’est précisément pour ces raisons-là que - personnellement - je trouve le moment de cette canonisation totalement inopportun. Cela pouvait parfaitement attendre. Les questions mentionnées dans la citation reproduite ci-dessus sont des questions que moi aussi je me pose. J’ai une petite idée sur tout cela, mais ce n’est qu’une petite idée…» (fin de l’introduction).

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Le mercredi 8 octobre 2008 dans La Croix, l’historien Giovanni Miccoli déclare entre autre (début des déclarations de Giovanni Miccoli) : « Aujourd’hui, alors que l’on connaît bien tout le mécanisme qui a abouti à la Shoah, on veut examiner toute l’action de Pie XII à travers son attitude face à la Shoah, soit pour le condamner, soit pour le réhabiliter. Or, l’objectivité historique oblige à dire que la question juive n’était pas au sommet de l’horizon de la pensée de Pie XII pendant la guerre : elle occupait une place marginale dans ses préoccupations. Son problème était ailleurs, dans la guerre que se livraient les deux camps qui faisaient partie d’une même civilisation chrétienne. Jusqu’au bout, Pie XII a cherché à se faire le médiateur pour obtenir la paix, en préservant sa neutralité comme Benoît XV durant la Première Guerre mondiale. De plus, le plus grand danger pour lui était celui de la Russie communiste. Aussi a-t-il toujours ménagé l’Allemagne : lorsqu’elle envahit la Pologne, il ne la condamne pas (il n’aura pas ces précautions lorsque la Russie envahit la Finlande). Même après la grande rafle de Rome en 1943, Pie XII ne rompt pas les relations avec le Troisième Reich » (fin des déclarations de Giovanni Miccoli). Voilà un élément historique à méditer… On ne réfléchissait pas en 1943 comme on le fait en 2008. C’est un fait choquant et c’est - en même temps - un fait historique passé que nous ne réécrirons pas à posteriori. Nous ne pouvons pas remonter le courant de l’histoire. Nous pouvons tout au plus tirer quelques leçons.

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Dans un communiqué du CRIF intitulé « La béatification de Pie XII porterait un coup aux relations judéo-catholiques » daté du vendredi 17 octobre 2008, on peut lire (début du communiqué du CRIF) : « Pour le CRIF, le projet de béatification de Pie XII, pape de 1939 à 1958, porterait, s’il était mené à son terme, un coup sévère aux relations entre l’Eglise catholique et le monde juif. Alors que le Vatican refuse d’ouvrir aux historiens ses archives sur la période de la Seconde Guerre mondiale, et que la majorité des historiens indépendants n'appuie pas la thèse d'une activité inlassable du Pape en faveur des Juifs, une telle béatification serait ressentie négativement par l’ensemble des institutions juives de par le monde. Il n'est pas question de nier que le Pape a aidé à cacher un certain nombre de Juifs à Rome pendant la période d'occupation allemande, il est encore moins question de sous-estimer la part magnifique qu'ont prise à titre personnel certains ecclésiastiques, en France notamment, dans le sauvetage des Juifs. Mais le Pape Pie XII, soucieux de ne pas rompre les ponts avec l'Allemagne, n'a jamais prononcé un discours clair dénonçant la monstruosité particulière de l'extermination de millions de Juifs. Il ne l'a d'ailleurs pas fait non plus après la guerre, ce qui est profondément choquant. Alors que les crimes nazis exigeaient qu'il fût un prophète, le Pape Pie XII s'est conduit en diplomate prudent. A moins que des documents nouveaux, jusque-là non fournis, ne modifient indiscutablement la vision historique de cette époque, les Juifs survivants de la Shoah ressentiraient comme une blessure profonde que le silence du Magistère vis-à-vis du génocide des Juifs fût proposé comme un modèle de comportement » (fin du communiqué du CRIF).

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Le dimanche 19 octobre 2008 Yad Vashem publie le communiqué suivant (début du communiqué de Yad Vashem) : « Toute visite en Israël du Pape Benoît XVI est du domaine de la politique. C’est pourquoi, Yad Vashem n’est pas partie prenante dans cette affaire, comme cela a été clarifié par le porte-parole du Vatican. L’étude de la période de l’Holocauste en général, en ce compris le rôle du Pape Pie XII, est permanente et dynamique. L’activité du Pape Pie XII durant l’Holocauste est une question disputée parmi les historiens. La présentation de ce thème dans le Muséum d’Histoire de Yad Vashem est basée sur le meilleur de la recherche en cette matière. Les historiens de Yad Vashem sont attentifs à toutes les avancées de la recherche et aux nouveaux documents y afférant, et ils continuent à explorer en profondeur tous les aspects de cette période. Yad Vashem a la certitude que l’ouverture des Archives vaticanes sur la période de référence contribuera à faire avancer la recherche sur le sujet, ce qui devrait éclairer cette question historique » (fin du communiqué de Yad Vashem).

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Par ailleurs, on apprend que le père Gumpel, postulateur de la cause de Pie XII, a déclaré à ANSA (début de la citation du père Gumpel par l’agence de presse italienne ANSA) que « Benoît XVI n'a pas encore signé le décret sur les vertus héroïques de Pie XII » et que « L'Eglise catholique fait son possible pour avoir de bonnes relations avec Israël mais des rapports amicaux ne peuvent être construits que dans la réciprocité. Nous voyons que le pape a invité avec un grand sens de l'hospitalité un rabbin (ndmg : le grand rabbin S.-Y. Cohen) à notre synode et celui-ci, abusant de notre gentillesse, a attaqué à trois reprises Pie XII. Le rabbin peut dire ce qu'il souhaite, bien entendu, mais s'il est invité et qu'il parle de cette manière, il n'aide pas à améliorer nos relations". Il a ajouté que les juifs sont ‘très divisés’ sur Pie XII: ‘Certains continuent d'attaquer l'Eglise catholique disant que le Christ était le fils d'un soldat et d'une prostituée, tandis que d'autres assurent que personne n'a sauvé autant de juifs que Pie XII’ » (fin de citation du père Gumpel par l’agence de presse italienne ANSA). Personnellement, je regrette que le père Gumpel, en tant que prêtre et en tant qu’Allemand, ait fait cette déclaration. Et contrairement au père Gumpel, je ne pense pas que le rabbin S.-Y. Cohen ait abusé de notre gentillesse. De toute évidence, le père Gumpel, postulateur de la cause de Pie XII, fait de cette postulation une affaire personnelle. Et de toute évidence, le père Gumpel a une vision trop rigide et trop protocolaire de l’amitié judéochrétienne, alors que cette amitié doit être une amitié de charité et donc aussi de quête de la vérité, charité et vérité étant inséparables dans l’anthropologie chrétienne, y compris et surtout dans l’anthropologie catholique.

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Dimanche 19 octobre 2008, dans une déclaration, le directeur du bureau de presse du Vatican, Federico Lombardi, dit, entre autres : « Le Vatican a démenti les assertions selon lesquelles une légende (ndmg : « légende » au sens texte apposé au bas d’une photo) qui figure au Musée de l’Holocauste de Jérusalem, affirmant que Pie XII n’a pas fait suffisamment pour sauver des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale, empêcherait le Pape Benoît XVI de venir en visite en Israël ».

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Encore le dimanche 19 octobre 2008, Luigi Accattoli, dans le Corriere della Sera, écrit : « Ce ne sera peut-être pas le pape Benoît XVI qui fera de Pie XII un saint, et nous pouvons comprendre les raisons de ce passage de main : la diatribe sur son prédécesseur part justement de son présumé penchant en faveur du peuple allemand, sinon du sort de l'Allemagne pendant le second conflit mondial. Les plus prévenus parmi les accusateurs en sont arrivés à le peindre comme ‘le pape de Hitler’. Cette diatribe montre des signes d'essoufflement et un avis plus serein s'impose parmi les historiens, même ceux d'origine juive, mais Benoît XVI doit avoir calculé que la révision historiographique mettra du temps pour peser efficacement sur les sentiments de l'ensemble du monde juif, qui lui tiennent aussi à coeur. Peut-être a-t-il décidé qu'il faut laisser de l'espace à cette réévaluation avant de mettre le pape Pacelli sur les autels. Et voilà qu'avec générosité, il défend son prédécesseur, comme l'avaient déjà fait constamment Paul VI et Jean-Paul II. Il le défend et ‘il prie’ pour que la cause de béatification parvienne à un dénouement heureux, mais il fait annoncer au moins deux fois - la deuxième hier - qu' ‘il considère comme opportun un temps d'approfondissement et de réflexion’. Hier il a même fait dire que ‘dans cette situation il n'est pas opportun de chercher à exercer sur lui des pressions’ : et ceci est un avertissement adressé à son troupeau, au père Gumpel et à ceux qui le poussent à aller de l'avant. Le temps ‘d'approfondissement’ concerne aussi la documentation historique : les archives du Vatican n'ont pas encore achevé la mise à disposition des fonds concernant la période de la guerre. Il convient donc d'attendre, certainement quelques années. Entre temps la polémique se calmera et alors on pourra poursuivre, ou alors un autre pape viendra et c'est à lui que Benoît XVI remet la décision ».

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L’AFP, sur figaro.fr du lundi 20 octobre 2008, informe : « Le président israélien Shimon Peres a affirmé aujourd'hui qu'une éventuelle visite en Israël du pape Benoît XVI ne devait pas être liée à la controverse sur la passivité prêtée au pape Pie XII face à la Shoah. ‘Je connais le pape Benoît XVI que j'ai rencontré plusieurs fois, et sa visite en Israël ne doit pas être liée à la controverse sur Pie XII’, a déclaré M. Peres à la radio publique israélienne. ‘Nous avons des raisons de penser que Pie XII n'a pas fait suffisamment d'efforts pour sauver des vies juives, et je ne veux pas porter de jugement. S'il y a des preuves, alors il faut les examiner soigneusement’, a par ailleurs affirmé M. Peres ».

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Le mardi 21 octobre 2008, Menahem Macina, sur le site de l’Union des Patrons Juifs de France (1) écrit entre autre (début des extraits du texte de M. Macina) : «…Il est temps de mettre les choses au point. Il n’existe aucun élément factuel probant indiquant que la béatification de Pie XII n’est plus à l’ordre du jour. Tout ce que l’on peut dire, avec toute la prudence voulue, c’est que Benoît XVI ne veut pas ouvrir une nouvelle crise dans les relations – ô combien délicates – entre les chrétiens et les juifs, obérées qu’elles sont par une méfiance réciproque multiséculaire, et chargées de réminiscences douloureuses pour les chrétiens, certes, mais bien davantage encore, pour les juifs.   A ce stade, et sans vouloir faire la leçon à personne, il pourra être utile de rappeler que ce que l’opinion publique et les journalistes, non versés dans la théologie et l’histoire de l’Eglise catholique, croient voir de ‘politique’ dans les cheminements – souvent déroutants pour le profane  – de la prise de décision en matière de foi et de pastorale, n’a strictement rien à voir avec la manière dont les hauts responsables de cette institution vénérable gèrent, au jour le jour et dans la durée, leur attitude face aux multiples événements qui concernent l’humanité dans sa globalité, certes, mais aussi l’Eglise qui considère comme un devoir impérieux, de par la mission qu’elle croit avoir reçue de Dieu, de les décoder et de les intégrer dans sa longue expérience contrastée (…) ».

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« …on peut dire que l’un de ces événements que l’Eglise entend gérer au mieux de sa perception et de son discernement, est, sans conteste, la relation avec le peuple juif, redécouverte dans les années 1950 et intégrée dans son enseignement ordinaire depuis le concile Vatican II (1962-1965). A quoi il faut ajouter la difficile question d’Israël, que les ennemis de l’Etat juif exacerbent en la politisant à outrance, ce qui rend tout geste papal, même anodin, à l’égard d’Israël, suspect de favoritisme, voire de ‘sionisme’, selon la propagande arabo-palestinienne et ses relais occidentaux. C’est à la lumière de ce recadrage théologique qu’il convient d’interpréter la suspension – probablement temporaire – par Benoît XVI, de la signature du décret de béatification de Pie XII. Je ne partage pas les soupçons –  hélas, fort répandus dans le monde juif  – selon lesquels la démarche catholique de rapprochement avec notre peuple est ambiguë, voire tactique et à visée uniquement confessionnelle (la conversion du judaïsme au christianisme) ».

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« Comme tous les organismes en charge de milliards d’individus, de cultures et de conditions socio-économiques différentes, l’Eglise, si pesant et complexe que soit son mode opératoire, peut compter sur l’activité intense de nombreux pasteurs, théologiens et fidèles, extrêmement sensibilisés au ‘mystère d’Israël’ – pour reprendre une terminologie chrétienne connue -, dont l’activité et les recherches intenses contribuent au mûrissement de sa perception de ce ‘mystère’ et l’aident à discerner les gestes et les déclarations susceptibles de clarifier les rapports entre les deux religions. Il ne fait guère de doute que c’est sous l’influence et avec le conseil des spécialistes reconnus en ce domaine, que les hauts responsables religieux, et le pape à leur tête, ont estimé que le passage en force de la décision de béatification aurait des conséquences dévastatrices et compromettrait l’extraordinaire aggiornamento initié par le Concile. Le ‘nouveau regard’, chèrement acquis, que portent l’Eglise et une grande partie de ses fidèles sur notre peuple, en eût été obscurci voire définitivement compromis. Je crois donc, et je revendique la responsabilité de ce jugement, que ce n’est pas la peur du scandale ou de la polémique qui a motivé le ‘gel’ de la ratification papale du décret de béatification de Pie XII, mais le souci de cohérence et de continuité du processus de pacification et d’estime réciproque entre nos deux peuples, qui se poursuit, avec des hauts et des bas, certes, mais fermement et positivement, depuis plus de quarante ans…» (fin des extraits du texte de M. Macina).

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Conclusion (début de ma conclusion) - Ma petite idée sur cette affaire ? Un article publié aujourd’hui même, jeudi 23 octobre 2008, par l’Abbé A. R. Arbez, sur upjf.org (2) soulève en moi quelques questions et quelques réflexions. Une mission sanitaire suisse a-t-elle bien rendues publiques début 1942 les atrocités nazies ? Une conférence médicale à Berne, capitale de la Suisse, a-t-elle alors effectivement dénoncé sans détours l’extermination systématique des Juifs ? Des démarches furent-elles effectivement entreprises par le congrès juif mondial qui alerta le pape par l’intermédiaire des nonces apostoliques dès mars 1942 ? En août 1942, le Dr Riegner a-t-il bel et bien fait parvenir au Vatican un télégramme explicite avertissant le Saint-Siège de la solution finale en cours d’exécution ? Fin 1942, les Alliés, qui firent à l’époque une déclaration dénonçant l’extermination des Juifs, n’ont pas pour autant bombardé les lignes de chemin de fer acheminant les Juifs à Auschwitz : pourquoi ? Pie XII fit un discours à Noël 1942, dans lequel il dénonçait des mauvais traitements massifs sur des êtres sans défense, mais il ne prononçait pas le mot « Juif ». Pourquoi ? Les déclarations pontificales n’utilisaient pas le terme ‘nazi’. Pourquoi ? Les faits, cités ci-dessus par moi sous forme de questions, sont confirmés par l’Abbé Arbez. Alors pourquoi ces lenteurs et ces retenues alors que l’on savait dès le début de l’année 1942 ?

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L’Abbé Arbez écrit encore : « La pseudo-théologie de la substitution et du déicide avait fait son oeuvre mortifère sur des générations de consciences chrétiennes, anesthésiées quant aux origines de leur foi et matraquées par des littératures malsaines, tels les Protocoles des Sages de Sion .(…) La thématique de la fraternité judéo-chrétienne dans l’Alliance ne viendra qu’après la guerre, Seelisberg en 1947, Nostra Aetate en 1965. Cette prise de conscience théologique provoqua une reconfiguration à 180° des paramètres de cette relation vitale, qui a déjà fait un chemin considérable avec Jean-Paul II, et qui continue avec Benoît XVI. Pourtant fondée sur la même bible hébraïque, la fraternité judéo-chrétienne était effectivement désactivée depuis le IIe siècle de notre ère, et les deux branches du même tronc hébraïque s’étaient tragiquement éloignées l’une de l’autre, avec les conséquences que l’on sait. On ne peut réécrire ni l’histoire passée, ni l’histoire récente. Mais, avec lucidité et détermination, on peut poursuivre une nouvelle dynamique dans l’esprit d’un Jean XXIII, d’un Jean Paul II, et de tant d’acteurs chrétiens et juifs du rapprochement fraternel. En son temps, Pie XII chercha comment tenir courageusement le gouvernail d’une barque de Pierre, secouée par des vents violents. Comme tout homme, il a ses mérites et ses carences. Encore faudrait-il que son hypothétique canonisation ne prenne pas une dimension excessive face aux acquis et aux enjeux des relations judéo-chrétiennes en ce début du XXIe siècle, et qu’elle ne devienne pas, de ce fait, un obstacle de plus sur la voie exigeante d’une synergie spirituelle indispensable face aux défis d’un proche avenir », conclut l’Abbé Arbez.

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Ma petite idée sur cette affaire ? Elle se résume en quelques points et elle vaut ce que vaut l’analyse d’un simple laïc. Premièrement, le nombre de procès en béatifications et en canonisations en cours au Vatican est actuellement énorme. L’hypothétique béatification de Pie XII n’est donc ni urgente, ni prioritaire. Si certains, dans la curie romaine, tentent de faire avancer la cause de Pie XII, alors que l’histoire de la période de Pie XII reste à ce jour incomplète, il nous faut compter sur le discernement spirituel de Benoît XVI. Parmi les clercs de l’Eglise catholique il y a des hommes de Dieu. Mais il y a aussi - il y a toujours eu, il y aura toujours - des clercs qui manquent de dimension verticale et qui de ce fait confondent le théologique avec le politique. Pour cette sorte de clercs, la béatification de Pie XII serait un moyen de soi-disant prouver que l’Eglise n’a pas été aussi antisémite que certains veulent bien le dire. Ce serait aussi pour eux un moyen - certes indirect - de revenir à la pseudo-théologie de la substitution et du déicide dénoncée ci-dessus par l’Abbé Arbez, dénoncée en son temps par Saint Bernard et dénoncée depuis l’Affaire Dreyfus et jusqu’à Vatican II par le philosophe catholique Jacques Maritain.

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Deuxièmement, dans la vaste panoplie des candidats à la béatification et à la canonisation, Benoît XVI reste libre d’avancer certains dossiers et d’en ralentir d’autres. Vu sous cet angle, ce qui me paraît prioritaire dans les béatifications et les canonisations sur le point d’aboutir, c’est l’édification du peuple chrétien du temps présent. Autrement dit, le bon sens au service du bien commun devrait dicter les choix de la curie romaine en la matière. Faire avancer le procès en canonisation du bienheureux pape Jean XXIII serait à cet égard infiniment plus édifiant pour le peuple chrétien du temps présent que la béatification de Pie XII.

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Troisièmement, on ne peut pas couper l’histoire passée de l’histoire présente. En clair, on ne peut pas prétendre béatifier Pie XII sans que cela ait une incidence, d’une part, sur les relations judéo-catholiques ; et d’autre part, sur les relations entre le Saint-Siège et l’Etat d’Israël. On ne peut pas agir ainsi, car à l’inverse de tous les autres procès en béatification et en canonisation, le seul qui comporte un aspect historique et politique encore très controversé, c’est précisément le procès en béatification de Pie XII.

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Quatrièmement, l’hypothétique béatification de Pie XII dans le court terme, interférerait inévitablement dans les discussions israélo-catholiques sur Israël et plus particulièrement sur la question de Jérusalem. Vous allez me dire : que vient faire Jérusalem dans l’affaire Pie XII ? La problématique est ici politique et non pas théologique. Il se trouve que Jérusalem est en quelque sorte aux Juifs ce que Rome est aux catholiques et ce que la Mecque aux musulmans. A chacun son lieu saint et que les esprits se calment. Au plan théologique, Jérusalem n’est pas le siège de l’Eglise catholique et ce indépendamment du fait que Jérusalem aurait pu être ou ne pas être le siège de l’Eglise catholique il y a 2008 ans. La réalité, c’est que Saint Pierre a été le premier pape à Rome et non pas à Jérusalem. Or, sur la question du statut de Jérusalem, certains clercs de l’Eglise catholique tendent à mélanger le politique et le théologique. Alors qu’aucun dogme de l’Eglise catholique, ni dans le Pater, ni dans le Credo, ni dans les bulles papales frappées du sceau de l’infaillibilité pontificale, ne prétend que Jérusalem doit devenir le Saint-Siège ou que le Saint Sépulcre doit bénéficier de l’extraterritorialité. La réalité concrète, c’est que les catholiques peuvent actuellement se rendre librement en pèlerinage à Jérusalem parce que Jérusalem est sous autorité israélienne. Une quelconque autorité internationale - gardes suisses en tenue de combat ou casques bleus - signifierait le début de l’agitation islamique, c’est un euphémisme, et la fin des pèlerinages catholiques paisibles au Saint Sépulcre. Or, dans la réalité présente, je verrais mal les autorités israéliennes se montrer conciliantes sur la question de Jérusalem et sur les biens de l’Eglise en Israël si l’Eglise béatifiait Pie XII. On peut toujours me rétorquer que ce n’est pas normal. Je me moque de ce qui n’est soi-disant pas normal. Ce qui est normal, quand on est catholique, c’est de mettre en pratique le réalisme chrétien sans confondre le théologique avec le politique. Si l’ouverture de l’Eglise catholique au peuple juif depuis quarante ans est sincère et désintéressée, si elle n’est pas politique, alors il faut la preuve par l’acte. La fin de l’Etat juif signifierait la fin de la chrétienté d’orient ou du peu qu’il en reste. A cet égard, il serait affligeant que l’Eglise catholique, aux seules fins de ne pas déplaire aux musulmans, ne fasse de l’amitié judéochrétienne qu’une parenthèse tactique à court terme, en attendant de revenir aux mauvaises vieilles habitudes. Je note en passant - cela doit nous rassurer - que Benoît XVI, depuis Ratisbonne, a édulcoré son discours sur l’islam dans la forme, mais sans l’amoindrir sur le fond, comme en témoigne son récent discours à Paris. L’espérance est donc de mise (fin de ma conclusion).

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© Miguel Garroté 2008

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(1)http://www.upjf.org/actualitees-upjf/article-14948-145-7-pape-decide-pas-beatifier-pie-xii-rien-nest-qu-en-est-exactement.html

(2) http://www.upjf.org/actualitees-upjf/article-14952-145-7-pie-xii-juifs-catholiques-abbe-r-arbez.html

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