Le prêt-emprunt de titres, une source de revenus additionnelle pour les sociétés de gestion

Publié le 28 octobre 2008 par Sia Conseil

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Les cinq dernières années ont vu le prêt-emprunt de valeurs mobilières croître de manière continue des deux côtés de l’atlantique. Cette activité, fortement implantée dans les pays anglo-saxons, connait un développement

rapide en Europe. Décriée, chaque année, au moment des assemblées générales, ce secteur  reste indispensable à la liquidité des marchés financiers.

Aujourd’hui, les prêts-emprunts de titres représentent plus de 4 000 milliards de dollars à l’échelle mondiale, dont 600 milliards de dollars pour l’Europe. Les projections réalisées sur ce secteur montrent que les encours devraient progresser de plus de 20% sur les trois prochaines années. D’après les principaux intervenants, la taille du marché mondial aurait un potentiel de plus de 20 000 milliards de dollars. Cette activité, originaire des Etats-Unis, trouve désormais ses relais de croissance en Europe et en Asie qui vont tirer les volumes à la hausse (croissance des volumes deux fois supérieure sur ces marchés par rapport au continent américain). La vitalité de ce secteur aiguise d’ailleurs l’appétit de nouveaux acteurs qui n’hésitent pas à pénétrer le marché par des opérations de croissance externe. Preuve en est par le rachat par NYSE Euronext de 51% du capital de la société SecFinex, une des plateformes leader en Europe pour la négociation électronique de prêt-emprunt de titres.

L’activité du prêt-emprunt de titres, réservée aux professionnels des marchés financiers, se définit comme un contrat par lequel un prêteur transfère temporairement une quantité donnée de titres à un emprunteur, contre l’engagement par ce dernier de restituer les titres soit à une date prédéfinie, soit à la demande du prêteur, en y ajoutant le versement d’une rémunération basée sur la valeur des titres prêtés (calculée en points de base en fonction notamment des volumes de transactions et de l’aspect spéculatif du titre). Afin de se protéger contre le risque de contrepartie (en l’occurrence le risque de non restitution des titres prêtés), le prêteur demande également le versement d’une garantie ou « collatéral », soit en titres, soit en espèces à l’emprunteur. La cession temporaire des titres s’accompagne d’un transfert réel de propriété (perception des dividendes et droit de vote).

Le schéma ci-dessous présente les grandes étapes de l’opération :

La forte augmentation des volumes sur le prêt-emprunt de titres provient d’une demande de plus en plus soutenue des emprunteurs. Ces derniers voient dans cette activité une source de financement à bon marché de leurs stratégies d’investissement et de couverture. Les emprunteurs, que sont principalement les banques d’investissement, les institutions financières et les hedge funds, poursuivent trois grands objectifs :

  • Couvrir des positions vendeuses (ventes à découvert)
    Il s’agit de couvrir des stratégies d’arbitrages complexes et court-termistes qui imposent des prises de risques importantes (achat / vente à découvert) pour profiter des « incohérences de cours » sur le marché tout au long de la phase de règlement/livraison des titres.
  • Optimiser la fiscalité
    Pendant la période de dividendes, les détenteurs de titres étrangers peuvent avoir intérêt à céder leurs titres à un tiers (résident local) ayant une fiscalité plus avantageuse. Ce prêt, durant la phase de paiement du dividende, permet d’optimiser la fiscalité du prêteur qui négocie avec l’emprunteur le partage de l’économie réalisée sur la taxation des dividendes.
  • Couvrir un besoin de financement
    Il s’agit, pour certains acteurs, de faire face à un besoin de financement urgent sans pour autant mettre en place une ligne de crédit supplémentaire auprès de leur banque ou puiser dans leur trésorerie. Le prêt-emprunt, couvert par un collatéral cash leur permet de disposer de liquidité à moindre coût.

Pour être exhaustif, il convient d’ajouter un quatrième objectif qui fait de plus en plus parler de lui : peser sur les assemblées générales. Les fonds activistes, par le mécanisme du prêt-emprunt, peuvent obtenir un pourcentage conséquent des droits de vote d’une société au moment de son assemblée générale pour peser sur les décisions (renversement d’une direction, nouvelles orientations stratégiques…).

Face à cette demande croissante, l’offre s’est progressivement structurée autour des acteurs ayant de grandes quantités de titres en portefeuille pour des durées relativement longues comme les dépositaires, les compagnies d’assurances et les sociétés de gestion. Tous ces acteurs voient dans cette activité une source de revenus conséquente pour couvrir leurs frais de structure ou améliorer la performance de leurs produits et ce, pour un risque très limité voire inexistant.
Deux grandes options s’offrent aux sociétés de gestion souhaitant démarrer une activité de prêt-emprunt :

  • La première solution consiste à intégrer une plate forme de trading (Equilend, SecFinex…) qui assure la mise en relation des prêteurs et des emprunteurs moyennant une commission. Cette solution a pour principal avantage de ne nécessiter aucun coût si ce n’est celui d’accès à la plate forme et le paiement des commissions sur les volumes générés.
  • La deuxième solution consiste à créer une véritable activité de prêt-emprunt au sein de la société de gestion avec une équipe front, middle et back office dédiée. Cette solution, plus complexe et couteuse en termes d’investissement de départ, offre l’avantage de ne pas recourir à un intermédiaire. En outre, il sera aisé de capitaliser sur sa propre base clientèle en proposant ce nouveau service à valeur ajoutée.

Le choix pour l’une ou l’autre solution revêt bien évidemment un caractère stratégique mais surtout un caractère financier. La rentabilité de cette activité repose sur les volumes traités mais surtout sur la qualité des titres offerts au marché car le ratio des commissions est extrêmement élastique en fonction de l’attrait spéculatif des titres offerts ou du besoin urgent de l’emprunteur.

Dans le contexte actuel, les sociétés de gestion recourent de plus en plus à cette activité connexe à leur cœur de métier mais forte utile en cette période de décollecte et de faible performance des fonds gérés. En effet, les besoins des emprunteurs ne sont pas corrélés aux soubresauts des marchés financiers et ils ont même tendance à augmenter dans les périodes de forte volatilité.

Sia Conseil

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