Réflexions de Patricia Laranco.

Par Ananda
La vie est un long laps de temps. Il faut en faire quelques chose. En quelque sorte, remplir son vide. Comme on remplit une pièce de meubles.


La vie. On ne sait que trop vers quoi elle se dirige. Alors, eh bien, on fait semblant de ne pas savoir. On lui fixe d'autres buts. Des tas d'autres buts, vers lesquels on s'imagine dirigé. Oeillères !


Se perdre dans l'art.
Pour oublier qu'on va mourir.
Pour oublier que la beauté
est toujours un gibier en fuite.


On se plaint que la beauté est fragile, fugitive, volatile...et même éphémère. Mais n'est-ce pas là, finalement, l'essence même de son charme, de son intensité qui nous grise ? La percevrions-nous pour ce qu'elle est (presque une souffrance, mais une souffrance délicieuse), s'il n'y avait pas cela ?


La démesure du mal et celle du bien n'ont-elles pas partie liée ?


Quand on agit, on ne voit, certes, pas passer le temps, mais n'empêche que l'on s'use, que l'action nous use, nous grignote,nous sape, nous arrache de l'énergie.
Lorsque l'on n'agit pas  ?
L'on se ménage, mais voilà autre chose : on sent trop le temps passer.


Un Mauricien n'est pas seulement lui-même. Il est toute sa famille. Il est lui, plus le poids de tous ses aïeux, vivants ou morts. Il n'a pas la conscience hyper-individualiste du Français, par exemple. Il ne peut se passer de se sentir relié, et de payer de sa personne. Ainsi, il arrive à une sorte de dépassement du Moi. Cela engendre, volontiers, la modestie, le sens de l'effacement.
Après tout (consciemment ou inconsciemment), est-on jamais davantage que le porte-parole hanté de milliers, de millions de voix inaudibles, muettes ? Fantômes ?


Les exigences de l'esprit ! Vous me faites rire, avec ça. L'esprit est-il seulement en position d'avoir des exigences ?


Si l'on veut espérer comprendre un tant soit peu le monde, il faut partir du postulat que tout état de fait, une fois créé, veut - comme le disait le philosophe Spinoza - persévérer dans son être.
Qu'importe qu'il soit né d'un simple hasard, d'un simple caprice de la nature. Qu'importe, s'il résulte d'un égarement totalement inattendu.
Une fois qu'il est (mais pourquoi ?), il veut continuer sur sa lancée. Il s'affirme, dans une espèce d'étrange obstination à être .Comme s'il était pourvu d'une sorte d'instinct de conservation.
Ainsi, l'esprit humain, cette entité que le cerveau, que la matière du cerveau sécrète, sans doute, au départ, aux fins de permettre à l'espèce humaine de survivre ...ne pourrait-on pas croire que, par la suite, la machine s'est emballée et qu'une fois devenue pleine entité douée de sa propre logique, la conscience ne s'est pas mise tout à coup à suivre ses propres idées, à se percevoir comme distincte et à défendre ses intérêts propres ?


La rage de vivre, ça ne réfléchit pas; ça nous emporte. C'est une force opaque, brute.
Il faut toujours s'en méfier, la tenir à l'oeil.
Si l'on se contente de la suivre, tout est simple. On fonce, sans se poser la moindre question.
Il faut apprendre à se regarder exister. A surplomber cette rage de vivre qui nous précipite. C'est cela, la véritable conquête de l'esprit.


P.L