Salade de morue aux deux tomates

Par Estebe


Youp!

L’autre jour, nous discutions aimablement, un copain et mèzigue, de l’issue des futures élections étasuniennes. Comme ça, à l’apéro.
«Si le grabataire crypto-facho et sa tarée de vice-présidente gagnent, je balance tous mes disques américains», m’exclamais-je soudain, tout rouge de résolution.
Le copain s’esclaffa. «Mais c’est 99% de la discothèque que tu vas jeter aux orties. Tu veux finir ta vie avec un best of de Brassens?».
L’argument porta. Comment pourrais-je vieillir sans mes vieux Creedance? Je trouvais illico une autre mesure de rétorsion. Et me mis à glapir, la paupière tremblotante et la pupille fiévreuse: «Si le vioc sanguinaire et Sarah la débile l’emportent, je brûle tous mes romans ricains!»
Le copain me coula un regard brillant de convoitise. «Tu pourras me filer tes originaux de Jim Harrison avant de craquer l’allumette?»
Une fois encore, il fit mouche. Je m’affalai en maugréant. Et soudain, l’idée jaillit. Lumineuse. Impitoyable. «Si la peste républicaine reste à la Maison-Blanche, je ne mettrai plus jamais les pieds au McDo, ni n’achèterai une bouteille de vin américain!», hurlai-je, en sautant à pieds joints sur la table basse du salon.
Le copain sourit avec indulgence. Sans doute savait-il que mon unique et dernière visite au McDo datait d’août 1983. Et que mon unique et dernière bouteille de rouge californien avait fini en jus de ragoût en novembre 1992. Mais qu'importe. Le plan était parfait. Que les suppôts du gangsta-libéralisme et de l'ultra catholicisme tremblent dans leurs vareuses transgéniques! Que les petits et grands électeurs y réfléchissent à deux fois avant de glisser leur bulletin dans l’urne ! Un terrible boycott venu des bords du Léman pourrait bien foudroyer l'Empire.
Le copain grogna un faible «Allez Obama», étouffa un bâillement. Puis demanda: «Qu’est qu’on mange?»

Ben, une salade de morue aux deux tomates, câpres et olives.

Pour quatre électeurs démocrates à table, il faut se munir de 338 grammes de morue (salée donc), douze tomates cerise, quatre tomates séchées à l’huile, des grosses câpres, des olives noires et quelques pousses de saladine tonique (du cresson alénois, de la red russian kale, du tatsoï, voyez quoi…).
La veille faites tremper la morue. Changez l’eau du bain au moins quatre fois.
Puis coupez-la en gros morceaux et pochez huit minutes, à petits glouglous, dans 2/3 d’eau, un tiers 1/3 de lait. Laissez refroidir.
Puis effilochez du bout de vos longs doigts manucurés, en virant arêtes, bouts durailles et peau. Ce qui n’est pas l’étape la plus drôle de la recette. Si un jour on vous propose un CDD d’effilocheur de morue, trouvez une excuse pour décliner.
Au fond d’une casserole faites blondir une gousse d’ail hachée dans une bonne cuillère à soupe d’huile d’olive, ajoutez la morue et remuez doucement. Un tour de moulin à poivre. Gardez au tiède.
Au fond d’un saladier, concoctez une vinaigrette (deux cuillères à soupe huile d’olive + une cuillère de balsamique blanc) poivrée, mais sans sel. Ajoutez les tomates cerise salées et coupées en deux, les tomates séchées émincées, les olives noires dénoyautées, la saladine et une bonne poignée de câpres. Puis la morue tiède.
Touillez avec amour. Débouchez un blanc de caractère (venu du Jura, par exemple, de chez Monsieur Overnoy, par exemple, de savagnin oxydatif, par exemple).
Et priez la Vierge noire que les Ricains ne votent pas comme des abrutis.

Bye