15 règles d’or pour réussir un site (réellement) participatif ?

Publié le 26 juillet 2007 par Frederic Canevet @conseilsmkg

Aujourd'hui ConseilsMarketing.fr accueille dans ses colonnes Yann Gourvennec, maître à penser de Visionnary Marketing. Spécialiste de l'innovation, Yann nous délivre quelques uns de ces conseils pour monter projet "Web 2.0."
Très souvent, ces entreprises désiraient profiter de l’effet d’attraction du phénomène collaboratif sur Internet, mais ils ignoraient à la fois les critères d’évaluation du résultat, et la méthode pour l’obtenir. Ils désiraient donc obtenir du support et du conseil en accompagnement de ce projet.

J’ai remarqué à de maintes occasions, et ceci depuis de nombreuses années, que la motivation principale pour ce genre de projets est avant tout guidée par la mode, de par le fait que le sujet est à l’ordre du jour des médias. Mais je ne pense pas qu’une entreprise quelle qu’elle soit, se doive de lancer un projet de Web collaboratif, uniquement du fait de la mode...

Non seulement cela risque d’être dangereux pour la marque et pour la réputation de l’entreprise, mais cela risque d’apporter peu de résultats satisfaisants, dans la mesure où l’on a déjà du mal à en définir les objectifs.

Dans une certaine mesure, ce que l’on observe aujourd’hui avec le Web 2.0 est très proche de ce que nous avons vécu à la fin des années 90, lorsque de grandes entreprises pensaient à lancer leurs premiers sites Web.

Plus d’une fois, la même question revenait, à savoir « est-ce que le Web vient en renforcement de la marque, ou en extension de celle-ci vers une autre marque ? », suivie d’une autre question connexe « dois-je courir le risque d’être à la mode maintenant, dois-je attendre un peu que le mouvement se calme, ou faut-il que je fasse mes expériences ailleurs et sous un autre nom ? ». C’est d’ailleurs pour cela, que nous avions conçu la méthode de cadrage stratégique pour Internet, disponible sur le site visionarymarketing.com, et qui semble plus que jamais remis au goût du jour du fait du phénomène collaboratif de l’Internet.

Les grandes entreprises sont aujourd’hui de plus en plus intéressées par ces initiatives 2.0. Rien d’étonnant à cela : le phénomène collaboratif est fascinant, et les exemples parfois spectaculaires de réussite du Buzz marketing, incitent tout naturellement les grandes entreprises à leur emboîter le pas. Reste encore à évaluer si cette initiative Web 2.0 s’inscrit dans la stratégie de l’entreprise, et surtout, cela implique que l’on définisse ce phénomène collaboratif.

Outre le cours de marketing sur le collaboratif (du marketing et du web 2.0 aux outils de collaboration et leur marché) que nous avons développé pour l’école supérieure de gestion de Paris en juin 2007, il nous a semblé intéressant de lister les 15 règles d’or qui permettent à notre avis aux grands entreprises de cadrer leurs démarches Web 2.0, et c’est ce que nous vous livrons dans cet article.

Quelles caractéristiques objectives pour reconnaître un site 2.0 ?

Un nombre important d’histoires à succès, souvent orientées autour du buzz, et relayées par la Presse incite nombre de grandes entreprises à se lancer dans l’aventure 2.0. Ceci nécessite que l’on revienne sur la définition du Web 2.0 (voir cartographie mémétique d’O'Reilly), dont nous donnons ci-après une description résumée :

  • caractéristiques humaines :
    • l’intelligence collective : il s’agit d’un concept développé par Howard Rheingold[1] qui veut que le groupe quand il coopère, est plus fort que l’individu (concept de foule intelligente à l’opposé des préjugés).
    • L’utilisateur devient producteur : il s’agit de mettre l’utilisateur comme acteur, et non pas comme spectateur. Tout site à orientation de communication (pub), qui consisterait à asséner un message à l’utilisateur, serait donc définitivement disqualifié.
  • Caractéristiques fonctionnelles :
    • RSS : plus qu’une caractéristique technique, il s’agit d’une caractéristique fonctionnelle. RSS (real simple syndication) permet de pousser l’information vers l’utilisateur, n’a plus besoin de faire un effort pour aller la chercher. L’utilisation des flux RSS nécessite un lecteur de flux, de plus en plus intégré au navigateur Internet, ou aux barres d’outils (Google, Yahoo,…). Le développement du RSS rend enfin possible la vision d’un Internet en mode push (proactif) tel qu’il fut originellement conçu dans les années 2000.
  • Caractéristiques techniques :
    • La programmation légère et les mashups: l’idée de base, c’est qu’un site Web 2.0 se construit rapidement en prenant des objets existants, voire en récupérant des morceaux de code (ou de données) en provenance d’autres sites. Le cas le plus typique des mashups est celui des sites qui réutilisent les sites cartographiques (Google maps principalement) afin de rendre possible des services géo-localisation.
    • Le Web comme plate-forme : il s’agit d’une résurgence de ce que l’on appelait asp dans les années 2000. Il s’agit donc d’utiliser le réseau comme référentiel, et d’éviter des logiciels lourds (voir point précédent).

Stricto sensu, il n’existe pas de définition objective du Web 2.0. Dans cette catégorie (voir le catalogue complet à l’adresse http://www.go2web20.net/) on va donc retrouver tout un tas de sites qui n’ont rien à voir les uns avec les autres, car ce concept 2.0 est en fait postérieur à la création de beaucoup de ces sites. Il s’agit plus pour ce « nouvel » Internet, de revendiquer un état d’esprit libertaire, ouvert, « échangiste[2] », et respectueux de l’individu comme contributeur dans un groupe.

En résumé, pour une grande entreprise, une grande marque, qui désirerait embrasser le principe du Web 2.0, la problématique est plus une problématique de culture d’une problématique technique, cela implique qu’elle abandonne la tendance naturelle des grandes entreprises à niveler les différences, à l’opacité, à la paranoïa et à la réduction de tout ce qui pourrait nuire à la marque. En d’autres termes, pour une grande entreprise qui voudrait se lancer sur le Web 2.0, il faut se préparer mentalement, techniquement et organisationnellement à affronter la suggestion, la critique, voire même la destruction de façon totalement transparente. Toute tentative d’embrasser le Web 2.0 de façon détournée, peut également faire l’objet de critiques très négatives sur Internet, et qui peuvent circuler largement avec des impacts sur la marque non négligeables.

Des outils dits de reputation management ou web sentiment analysis tel que flair (développé par Orange labs SF) permettent - avec la prestation d’accompagnement qio va avec - le suivi et la prévention du buzz sur Internet (signaux positifs ou négatifs). Cet aspect est souvent voire toujours négligé par les grandes entreprises qui voient dans Internet un média quasi traditionnel où l’on délivre un message du haut vers le bas, ce qu’à l’évidence il n’est pas.

15 règles d’or pour réussir un site (réellement) participatif ?

La question est donc moins de savoir si le site est un site Web 2.0 (puisqu’il n’y a pas véritablement de définition), mais de savoir si ce site respecte ne respecte pas les principes élémentaires du Web collaboratif :

1. l’utilisateur ne vient pas par hasard : il ne suffit pas de mettre un forum, de laisser entrer des commentaires, de rajouter un peu de technique, pour transformer un site plaquette en un site interactif et collaboratif. L’utilisateur, l’internaute ne vient jamais par hasard sur un site. Penser cela, c’est se condamner à se trouver à la tête une coquille vide qui n’a de participative à la base que le nom.

2. ne pas confondre commentaires et collaboration : un commentaire est une réaction, une collaboration est un travail en commun, dont l’initiative peut voire doit revenir à la base.

3. animer, animer, animer : pour créer un site de collaborations efficace, il faut sans arrêt et surtout au début de l’opération amorcer la pompe de façon considérable, en créant un corpus de contenu (attention ! du vrai contenu, pas des plaquettes) qui va attirer l’utilisateur.

4. mettre sa marque en accord avec l’esprit 2.0 : le Web 2.0, nous l’avons déjà vu c’est un esprit. Il faut tenir compte de la marque, et de sa capacité à endosser cet esprit. En d’autres termes, il faut éviter de « mettre ses habits du dimanche ». Si la marque est incompatible avec une expérience de ce genre, il est conseillé d’en créer une autre, ou le de la décliner.

5. éviter de parler de ses produits : l’utilisateur 2.0 vient pour récupérer de l’information, pour échanger, pour partager, pour recevoir aussi, il ne vient pas pour regarder une plaquette produit. Sinon, il irait directement sur votre site plaquette produit (à supposer qu’une plaquette serve à vendre des produits).

6. embrasser les grandes causes : les passions émergent souvent (toujours ?) des grandes causes, pas des petits produits.

7. ménager un bénéfice non pour votre entreprise mais pour le visiteur : n’oubliez pas de servir l’utilisateur, c’est pour ça qu’il viendra et reviendra. Si vous ne pensez qu’à vous, vous serez les seuls à aller voir votre site.

8. ouverture et transparence : le Web collaboratif ne permet pas l’opacité. La langue de bois. La réclame sur Internet. Oublier cette règle de base, vous expose au mieux à l’indifférence, au pire à la critique la plus acerbe.

9. le ton et le style : éviter le style ampoulé et les grandes phrases des agences de communication qui prennent les utilisateurs pour des enfants ou pire. Le Web 2.0 implique que l’utilisateur-acteur est respecté dans son intelligence et qu’on lui fait confiance.

10. réactivité, spontanéité : si une suggestion ou un commentaire est mis en ligne, il faut y répondre tout de suite. C’est la dictature du temps réel. Si l’utilisateur-acteur sent que ces suggestions ne sont pas prises au sérieux, ou trop tard, il se découragera une reviendra plus, voire il dira de mal de vous dans son blog. La spontanéité et la réactivité sont la politesse du 2.0 car il démontre l’intérêt que l’entreprise porte à l’utilisateur-acteur.

11. abondance et fluidité de l’information : le Web collaboratif implique la richesse du contenu. Lancer un site collaboratif ne avec deux commentaires qui se battent en duel, expose la société responsable à des critiques voire des ricanements.

12. éthique et probité : éviter à tout prix les faux blogs (flogs ou fake blogs), les faux blogueurs, et toute tentative propre à essayer de tromper l’utilisateur. Il est fort à parier que cela sera découvert rapidement, et les représailles seront impitoyables (voir l’exemple du site Sony pour la PSP à Noël 2006[3])

13. modernité et technicité (geekiness) : souvent, les grandes entreprises perdent pied avec la réalité du monde de l’Internet, car elles sont éloignées (Ou leurs informaticiens sont éloignés) de la réalité est collaboratif de l’informatique moderne. Rien de pire qu’une entreprise voulant se lancer dans le Web 2.0 qui tenterait de singer les expériences connues (SL par exemple) avec un résultat approximatif. Dans le Web 2.0, les techniques de développement sont-elles aussi Web 2.0 : logiciels libres, ramassions collaboratif, réunion de créativité collaboratif horizontal et non hiérarchique (barcamps et toutes leurs déclinaisons).

14. immersion totale : éviter à tout prix les environnements faussement 3D qui rappellent les premiers développements du début des années 90. Si l’objectif et de fournir une expérience en immersion totale (on parle alors de Web 3.0 et non plus 2.0, voir fredcavazza.net), il faut jouer le jeu jusqu’au bout. Cela implique que l’on recrée de zéro un méta univers de type S. L., ou plus pragmatiquement, que l’on investisse massivement dents est elle pour y faire du marketing immersif.

15. enfin, dernière règle et non des moindres, respecter à la lettre les 14 règles précédentes n’est rien, comme toujours quand il s’agit de systèmes d’information marketing, si vous n’êtes pas capables d’exécuter correctement ces règles dans la réalité. En d’autres termes, tout est une question d’exécution et de manière, pas seulement de contenu. Il est à répéter encore une fois que le Web 2.0 est une question d’état d’esprit, pas seulement de respect formel de règles ou de principes.

notre recommandation : poser la vraie question, apporter la vraie réponse

la véritable question pour l’entreprise n’est pas de savoir si elle doit absolument créer un site Web 2.0, si tant est qu’on sache que c’est vraiment, mais de savoir comment votre entreprise peut tirer un bénéfice, qui soit également partagé par l’utilisateur, d’une démarche collaborative sur Internet.

Ceci amène à se reposer la question fondamentale de la stratégie de l’entreprise en question sur Internet, qui est n’est pas sans lien sur sa stratégie hors de l’Internet. Il est fort à parier que sur Internet et dans un environnement collaboratif où les utilisateurs sont libres de s’exprimer, les questions qui fâchent, surtout en ces temps où l’écologie fait un come-back - ressurgissent naturellement à la surface. Et ceci sans évoquer la présence éventuelle voire probable des groupes de pressions …

Notre recommandation se décline donc en quatre temps :

  • temps 1: définir la stratégie Internet de votre entreprise, définir ses objectifs dans un site collaboratif, et ce qui peut déterminer le succès d’une telle opération. On définira également les garde-fous, qui protégeront la marque, et sa réputation. On définira la marge de manœuvre, les soutiens et les sponsorings internes et externes. On ciblera un sujet (prendre l’exemple d’axasante.fr qui a choisi la prévention médicale. une grande cause peut produire de grands effets). On évaluera également les questions de branding (voir la remarque sur l’adéquation à la marque dans les 15 points ci-dessus), et les alliances possibles avec des associations.
  • temps 2: en déduire les dispositifs nécessaires pour remplir ses objectifs, avant de sauter à la solution technique qui ne résout rien. « Infiltrer[4] » les milieux autorisés, prendre des avis des experts du Web 2.0 et les inclure dans le dispositif dans un mode co-créatif (pas extérieur). Impliquer enfin des clients internautes de votre entreprise, car ils se sentiront concernés par la co-conception d’une aventure 2.0 bénéfique à eux-mêmes et en bout de chaîne, bénéfiques à votre entreprise. Le stade ultime de la co-création étant celui qui allie la participation de vrais clients (attention, on ne parle pas de focus groups ici)
  • temps 3: tester dans une première version et sur un échantillon restreint mais conséquent, en grandeur nature afin de faire les premiers pas, et de mettre au point la plate-forme. Transformer cette plate-forme en outils de test de temps réel, en impliquant les blogueurs et acteurs influents du 2.0, non seulement pour analyser et avaliser une solution de communication, mais pour les faire participer à cette aventure. Ceci peut éventuellement nécessiter une rémunération ou une rétribution (pas forcément monétaire d’ailleurs). Mettre ainsi en place un processus d’accompagnement systématique qui permette de contrôler et de corriger le dispositif offert à mesure.
  • temps 4: en parallèle, abandonner, si elle existe, toute idée d’une fausse expérience immersive en faux 3D, et - si c’est l’objectif - complémenter la démarche en investissant de façon conséquente et concertée avec le panel de blogueurs influents cités précédemment, sur second life.

Point important à noter : l’acceptation préalable de la transparence par votre entreprise est indispensable à ce projet, avant même de se lancer. L’acceptation de cette transparence, pourrait au contraire vous propulser au rang des bons élèves de la blogosphère et de l’Internet et du Pinko Marketing.


[1] L’intelligence collective, issu du livre de Howard Rheingold Smart Mobs, prête aussi le flanc à beaucoup de critiques :

scienceshumaines/le-mythe-de-l-intelligence-collective[2]

au sens des mashups et les emprunts qui peuvent être faits entre sites

ygourven2.online/webcom/mbaesg/ppt/mbaesg-collaboration[3]

et le site de Consumerist.com à consumerist/consumer/alliwantforxmasisapsp/lucky-golden-shit-awards[4]

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