Barack Obama. Pourquoi il risque de nous décevoir

Publié le 05 novembre 2008 par Mcabon



L’élection du 44ème président des Etats-Unis aura permis aux présentateurs des journaux du petit matin en France de ressortir leur dictionnaire d’adjectifs et de superlatifs. Au premier rang desquels, le mot Historique. C’est oublier que toute élection présidentielle américaine appartient à l’histoire au moins depuis Theodore Roosevelt et l’implication dans les affaires étrangères de la puissance étatsunienne. Si l’élection de ce président métis, jeune, 47 ans, charismatique, il n’est qu’à écouter ses discours, est sans doute une bonne chose pour les Etats-Unis après huit années de bushisme, il est à craindre que le florilège d’éloges entendu ici et là en France laisse un goût amer. En voici quelques unes des raisons qui ne manqueront de faire réagir les lecteurs d'Agoravox :

  1. Il est le président des Etats-Unis d’Amérique. Et pas de l’Europe, ne nous en déplaise. Et comme tout président, il se doit en premier lieu de penser à son pays et à ses concitoyens. On peut penser que Barack Obama sur lequel l’emprise de l’idéologie semble faible sera plus ouvert que son prédécesseur à la négociation et à la diplomatie, mais il serait faux de croire qu’il mettra d’autres intérêts que ceux des USA en priorité. Les résultats de cette élection américaine, passionnante comme toujours pour ceux qui aiment la politique, ont ouvert en France la foire à la récupération entre les invités politiques des émissions de télévision et de radios. C’est à qui tire le mieux la couverture à lui, «j’étais à Denver (sous-entendu pour la Convention démocrate) alors que d’autres se préparaient à aller à Reims », relate en substance Laurent Wauqiez ; « Non, il n’est pas à l’image du Chef de l’UMP, il n’est ni agressif, ni narcissique », écrit Pierre Moscovici sur son blog.
  1. La crise économico-financière est insoluble à court-terme. La crise financière qui touche les Etats-Unis, et en particulier ses plus vieux bastions industriels, en particulier dans le Nord pour l’industrie automobile, n’est pas terminée. Trois millions d’américains ont perdu leur habitation dans la crise des subprimes et il faudra du temps pour cicatriser ses plaies. Un retour à la croissance n’est pas prévue avant 2010. C’est d’elle que dépendra la résolution de la crise du capitalisme financier. Avec ou sans Barack Obama. Sauf à ce que ce dernier réinvente un nouveau capitalisme en compagnie de ses confrères dirigeants des nations industrialisées.
  2. L’Afghanistan reste une priorité militaire. L’une des premières choses que fera le président Obama sera de demander aux nations présentes militairement en Afghanistan d’augmenter leurs effectifs. Comme George Bush l’a fait avec succès. En profitant de son état de grâce international, il devrait bénéficier d’envoi de troupes supplémentaires. Si dans ses discours, Obama indique « qu’il protégera son pays par-dessus-tout, et n’enverra les soldats américains qu’avec une mission claire », en Afghanistan il n’en sera pas de même. L’objectif de lutte contre les Taliban est louable. Leur régime oppressant représentait une verrue sur l’humanisme universel. Néanmoins, on ne voit pas où cette guerre va s’arrêter. Quels en sont les objectifs précis ? Il meurt plus de soldats alliés dans ce pays qu’en Afghanistan. Pourquoi faire ? Quelle en est la fin ?
  3. Nos attentes sont disproportionnées. Sur la chaîne parlementaire, Elisabeth Guigou confiait ce matin son espoir que les Etats-Unis signent le protocole de Kyoto. D’abord on dit « ratifient », pour une ancienne ministre de la Justice c’est bien le moins, car l’accord international de diminution des gaz à effet de serre a été signé par les Etats-Unis, qui proposent une alternative un peu floue, mais pas ratifié par le Sénat américain. 95 voix contre 0 sous Bill Clinton en 1997. Onze années ont passé, et certains élus se sont peut-être convertis à la cause. Mais en l’absence de majorité absolue au Congrès (c’est-dire-suffisamment de voix, 60% des sénateurs, 2/3 des représentants), même partisan de l’accord, Obama ne serait pas certain de voir son avis suivi. D’autant que de nombreux états industriels souffrent déjà du ralentissement économique (et leur non-adaptation aux nouvelles tendances sociétales). On voit mal dans ces conditions, les élus de ces Etats accepter un traité qui, à leur sens, va à l’encontre de leurs intérêts.
  4. Un messie qui n’est pas prophète. Sur la chaîne ITélévisions, un reportage passait en boucle ce mercredi. Il s’ouvre sur les larmes de Jesse Jackson, compagnon de route de Martin Luther King, et ancien candidat démocrate à l’investiture présidentielle. Puis enchaîne sur le discours de Martin Luther King et établit la comparaison entre Obama et ce dernier. Si tous les deux sont des tribuns, comparaison n’est pas raison. Quand Marin Luther King se fait assassiner en 1968, les noirs disposent depuis quelques années seulement le droit d’aller à l’université et viennent tout juste d’obtenir le droit de vote. La décennie précédente, il aura fallu la révolte de Rosa Parks pour que la ségrégation cesse, progressivement seulement, dans les transports publics américains. Si filiation il y a entre les deux hommes, elle fait d’Obama l’un des héritiers de King. Si son élection a été possible ce 4 novembre, c’est aussi parce que beaucoup, noirs et blancs, se sont battus pour mettre fin à la ségrégation.

Les dictatures de l’émotion et de l’immédiateté sont les principaux ennemis du premier mandat de Barack Obama. Dans un premier temps, tout lui sera permis. Qu’il demande et il sera exaucé. Le second temps sera celui du contre-coup. Où ceux qui ont cru en lui demanderont des comptes. Leur croyance et leur confiance contre un bon retour sur investissement, si possible rapide et sans efforts.

http://www.youtube.com/watch?v=jjXyqcx-mYY

http://www.youtube.com/watch?v=PbUtL_0vAJk

Thèmes abordés :agoravox, Jackson, Luther King, Maison blanche, McCain, Obama, politique, présidentielles, USA

Ce bulletin a été publié le Mercredi 5 novembre 2008 13:01 et est classé dans Au fil des joursVous pouvez suivre les réponses à ce bulletin avec le fil RSS 2.0. Vous pouvez répondre, ou faire un rétro-lien depuis votre site.