La Récup' de Jean-Bernard Pouy

Par Grandlivredumois

Tout commence par une serrure délicate... Antoine, artisan spécialisé dans les clefs et mécanismes anciens, rend parfois de petits "services" aux gens du milieu quand il a besoin d'argent. Le voici donc recruté par des mafieux russes pour aller ouvrir une porte dans un mystérieux manoir de la région parisienne.

Mais au lieu de le payer, les malfrats lui injectent du poison dans les veines. Sauvé par miracle, Antoine sait qu'il devrait s'écraser, oublier, passer à autre chose. Pourtant, seul contre tous, il va retrouver le manoir, identifier les tueurs russes et leurs commanditaires français, dévoiler une affaire d'Etat et faire triompher la justice. Un superbe roman noir qui vous réserve une surprise au détour de presque chaque chapitre !

L'interview

Quel est le point de départ d'un roman policier comme celui-ci ? La serrurerie ? La Raie de Chardin ? Une gare de banlieue ?
Jean-Bernard Pouy :
D'abord, ce n'est pas un roman policier (qui a nécessairement un héros/point de vue faisant partie de la police ou de ses pompes), c'est un roman noir. Et comme il y a aussi des romans à énigme, nommés aussi romans à clef, suivez mon regard... C'était l'occase de faire un roman noir à clef. Dont acte. Cela dit, diplômé d'histoire de l'art et fils de chef de gare, je suis toujours tenté de mêler tous ces motifs que non seulement je connais bien, mais qui correspondent à mon mental permanent (avec la vache, le vélo et le rock and roll). C'est ainsi que le plaisir d'écrire se renouvelle, chaque fois, à travers de petites contraintes, celles que je m'impose toujours.

Le plaisir de l'écrivain ne consiste-t-il pas à mélanger une histoire tout à fait contemporaine à des métiers, à des artisanats aussi traditionnels que la serrurerie ou la peinture?
Jean-Bernard Pouy :
Il faut tenter, dans un roman noir, de parler du quotidien, du contemporain, de tous les quotidiens, de tous les contemporains. Un artisan est aussi évident, en soi, qu'un flic, qu'un gangster, qu'une technicienne de surface ou qu'un puissant de ce monde. C'est quelqu'un qui fait partie du spectacle social. C'est quelqu'un qui peut avoir, à tout moment et comme tout le monde, un gros ennui, qui peut être amené à tenter de le résoudre tout seul, même si le monde entier, y compris la loi et la morale, est contre lui. De plus, les petits métiers, sel de la terre, sont de plus en plus absents de la fiction, où la plupart des personnages sont avocats, journalistes, politiques, écrivains, artistes, cinéastes, j'en passe et des meilleurs. Comme il y a des lecteurs dans toutes les strates sociales, il me semble normal qu'il y ait également des personnages de romans dans ces mêmes strates.

Vous écrivez : "Même les Russes ont une morale…" A vous lire, pourtant, il est permis d’en douter. Qu’y a-t-il de pire aujourd’hui que la mafia russe ?
Jean-Bernard Pouy :
Je me souviens d’une chanson de Sting disant que "même les Russes devaient aimer leurs enfants"… Le problème de la mafia russe n’est pas qu’elle soit russe, mais qu’elle soit une mafia. C’est valable pour toutes ces engeances. La Sicile, la Calabre, la région de Naples sont des coins sublimes, peuplés de gens remarquables et porteurs d’art et d’histoire. Et pourtant, elles ont leurs mafias. Ce terme définit la famille. Une famille, c’est un groupe secret, un clan. "Familles, je vous hais", disait l’autre. Je suis d’accord. Surtout quand la famille se débrouille pour aplatir le reste du monde. Le nerf de cette guerre totale est, certes, le pouvoir, mais surtout, comme d’habitude, l’argent. Le fric. L’artiche. Donc, le phénomène est global, sur notre malheureuse planète. Et les Russes n’y échappent malheureusement pas. Les Corses non plus. Les Auvergnats itou.

Le mythe du "lonesome cowboy", seul contre tous, n’est-il pas inusable, indémodable et déclinable à toutes les sauces ?
Jean-Bernard Pouy :
Assurément. Lucky Luke est tout seul face à au moins quatre ennemis, les Dalton. C’est l’un des moteurs essentiels de la fiction, L’Odyssée, Don Quichotte ou Robinson Crusoé l’ont prouvé depuis longtemps. L’un de ses avantages réside dans le fait qu’un seul point de vue augmente et assure l’empathie du lecteur qui, lui aussi tout seul dans sa lecture, peut sans doute s’identifier plus largement que dans un roman choral, où il est obligé de faire des choix. Ce n’est pas bien sûr la seule solution. Mais elle est forte, prégnante, que le roman soit écrit à la première ou à la troisième personne. On dit aujourd’hui, en plus, que l’individualisme est redevenu conquérant. Alors… C’est toujours rassurant de lire qu’un seul individu peut faire plier la bête qui l’esclavagise.

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