Trois chevaux, Erri de Luca, 1999.

Par Deslivres.fr
C’est un homme assis à une table de café, qui lit. Des livres d’occasion. Il est jardinier et il sait, pertinemment. Il est au bord, tout le temps. Au bord des mots, du romantisme, du plaisir, du gouffre. Il semble n’y tomber jamais. Ou plutôt, il a du déjà y tomber complètement. C’est pour cela qu’il sait, sans doute, et qu’il parle peu. Il est rescapé, dur comme un roc érodé, ancré. Il frôle, seulement, la vie des autres. La sienne est marquée, déjà, alors il pense comme ses arbres, silencieusement. Il y a dans ses méandres un fatalisme presque total, qui par instants se laisse ébrécher, si la chaleur d’un corps en vie s’y emploie avec assez d’insistance.
Comme l’homme, Erri de Luca reste au bord. A chaque phrase, il risque de glisser dans quelque tentation de littérature trop aisée. Cheesie, peut-être, diraient les Américains. Et puis non. Il retient tout, juste avant la chute. La dictature argentine s’immisce entre les doigts calleux du planteur et teinte le présent d’indélébiles fantômes, obstinément là, jamais vraiment dits. La femme jeune, presque évidente, s’effeuille par éraflures. Les tauliers d’où qu’ils soient partagent sans épanchements. Il y a des traces de coups de feu, des éclats de sérénité, des impacts de fuites. Reste en suspens une densité trouble, un peu amère. Et des images, nombreuses, comme si on les avait vraiment vues. On ne sait plus très bien, à la fin, si elles sont anxiogènes, apaisantes, ou ensorceleuses.
Erri de Luca n’est pas Argentin, mais il pourrait. Il est né à Naples en 1950, on dit qu’il vit désormais prés de Rome. La plupart du temps, il écrit des romans.