Marguerite Marie a la coque

Publié le 12 novembre 2008 par Mystique

Les trois ” grandes apparitions “

Jusque là, Marguerite-Marie a bien souvent entendu la voix du Seigneur au fond d'elle. Mais le 27 décembre 1673, le Christ lui apparaît physiquement, lui révélant son divin Cœur rayonnant comme un soleil, portant la trace du coup de lance, la couronne d'épines. Une croix le domine. Il lui adresse alors ce premier message : ” Mon divin Cœur est si passionné d'amour pour les hommes, et pour toi en particulier, que ne pouvant plus contenir en lui-même les flammes de son ardente charité, il faut qu'il les répande par ton moyen. ” Le Christ alors unit le cœur de Marguerite-Marie au Sien, et de cet instant Marguerite-Marie gardera toujours une douleur au côté. La mission laissée à la sainte n'est pas petite : faire connaître aux hommes l'Amour débordant de Dieu… C'est la première des trois ” grandes apparitions “, même si Marguerite-Marie en aura beaucoup d'autres.

La deuxième grande apparition a lieu l'année suivante, un premier vendredi du mois. Le Christ lui apparaît de nouveau manifestant son divin Cœur, ” tout rayonnant de gloire avec ses cinq plaies brillantes comme cinq soleils “. Le Christ alors se plaint que les hommes soient si loin de son Amour, et le lui rendent si peu. Il lui dit alors : ” Tu communieras […] tous les premiers vendredis de chaque mois. Et, toutes les nuits du jeudi au vendredi je te ferai participer à cette mortelle tristesse que j'ai bien voulu sentir au jardin des Olives […] Et, pour m'accompagner […] tu te lèveras entre onze heures et minuit pour te prosterner pendant une heure avec moi “. De plus, le Christ lui rappelle alors l'importance de l'obéissance, car Satan ” n'a point de pouvoir sur les obéissants “.

Durant l'octave du Saint Sacrement, en 1675, c'est la troisième grande apparition, et sans nul doute la plus connue. De nouveau, le Christ lui révèle son divin Cœur, et lui laisse ces paroles : ” Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes, qu'il n'a rien épargné jusqu'à s'épuiser et se consommer pour leur témoigner son amour ; et pour reconnaissance, je ne reçois de la plupart que des ingratitudes, par leurs irrévérences et leurs sacrilèges, et par les froideurs et les mépris […] Mais ce qui m'est encore le plus sensible est que ce sont des cœurs qui me sont consacrés qui en usent ainsi. ” Il lui demande alors que soit instaurée la fête du Sacré Cœur, un culte public ! Marguerite-Marie, petite visitandine dans une petite ville, voit alors évidemment mal par quel moyen elle pourrait y répondre !


Des années difficiles

D'autant plus qu'elle est peu aidée : Sœur Marguerite-Marie voit plusieurs conseillers spirituels qui tous la prennent pour une illuminée et voit l'œuvre du Malin. Et elle est discrète, si bien que ses sœurs ignorent tout de ces Révélations, et sont agacées, voire la méprisent tout simplement. C'est une terrible souffrance pour elle que cette incompréhension, mais c'est aussi un moyen de sanctification. Toutefois, en mars 1675, un nouveau directeur spirituel vient à elle, le Père Claude la Colombière, un jeune jésuite. Pendant un an et demi, il sera là pour la soutenir sur les chemins du Seigneur.

Heureusement qu'un tel homme est là pour la porter, car la vie de Sœur Marguerite-Marie n'est pas sans combats, et des moments de doute suivent ses élans de ferveur. On comprend aisément que le Christ veut faire partager à la sainte toutes ses souffrances d'ici-bas, afin qu'elle puisse aussi partager tout son Amour. Et Marguerite-Marie le saisit très bien : ” Il n'y a point de souffrance à ceux qui aiment ardemment, parce que tout ce qu'il y a de plus amer est changé en amour “. Et là encore, c'est un chemin de sanctification.


En novembre 1677, le Seigneur lui fait faire un pas de plus, qui lui demande courage. Devant la communauté réunie, Sœur Marguerite-Marie déclare de la part du Seigneur qu'Il est très mécontent du manque de charité qui règne dans le monastère, et qu'Il en demande réparation ! Evidemment, on imagine les réactions : certes quelques sœurs se retirent silencieusement, sincèrement touchées, mais d'autres entourent la sainte, la brutalisant vertement par des paroles blessantes, la disant possédée… C'est une rude épreuve, mais elle accepte la divine Volonté.

On imagine que les mois qui suivent ne sont pas de tout repos, et les tensions violentes. Mais Sœur Marguerite-Marie fait comme à son habitude tout ce qu'on lui demande, accomplissant à merveille son devoir d'état. Tout ce qu'elle fait, elle le fait néanmoins accompagnée par le Seigneur, et rien ne semble pouvoir la sortir d'une perpétuelle prière. Elle passe par tous les emplois, hormis ceux de portière et de supérieure.

En 1684, lors de sa retraite annuelle en solitude, Marguerite-Marie épouse une nouvelle fois le Christ, de façon sensible. ” Il épousa mon âme en l'excès de sa charité “, commentera-t-elle brièvement plus tard.

Vers le culte du Sacré-Coeur

En 1685 et 1686, elle devient maîtresse des novices. Elle peut commencer à y faire connaître le Sacré Cœur, et quelle joie pour elle lorsque lors, de la sainte Marguerite 1685, elle trouve un petit oratoire improvisé par les novices sur lequel trône une image du Sacré Cœur dessiné à la plume ! Marguerite convie alors la communauté à se joindre à elles, mais sans succès. Bien au contraire, une nouvelle fois, une partie des sœurs se ligue contre elle, jugeant inopportun cette prétention à introduire un nouveau culte.

Et Marguerite-Marie n'est pas au bout de ses peines. Ayant rendu au monde une jeune fille dont elle pense la vocation forcée, elle s'attire les foudres du père qui, homme influent, lui tresse une réputation de folle et d'incompétente. Mais la maîtresse des novices ne fléchit pas, et dans l'humiliation grandit encore spirituellement.

Une autre épreuve s'abat alors sur elle. Le Père la Colombière est décédé trois ans auparavant. Or voici que quelques jésuites décident de publier un ouvrage reprenant ses écrits, La Retraite Spirituelle. Or, à la lecture du livre au réfectoire, les sœurs entendent avec surprise le récit de la grande apparition, quoique Marguerite-Marie ne soit pas nommément citée.

La réputation de Sœur Marguerite-Marie commence à aller bien au-delà des murs du monastère. Et on l'a pousse à écrire sa vie, et ses rencontres intimes avec le Seigneur. Mais elle ne veut pas s'exposer, et n'aime jamais ce qu'elle a écrit. Il faut que le Seigneur lui-même lui demande de ne plus refuser d'écrire, et que son confesseur le Père Rollin lui donne l'ordre de commencer son autobiographie. S'apercevant qu'elle déchire à chaque relecture ce qu'elle écrit, il faut même lui interdire de se relire ! Toujours est-il que c'est un témoignage vivant, et une profonde marque de sa spiritualité.

Le 21 juin 1686, le monastère décide unanimement de fêter le Sacré Cœur, à l'initiative d'une des sœurs pourtant les plus opposées à l'origine. Marguerite-Marie alors sait qu'elle atteint son but : ” Je mourrai maintenant contente, puisque le Sacré-Cœur de mon Sauveur commence à être connu “. De fait, le culte se développe ; des démarches sont même entreprises à Rome pour sa reconnaissance.

En 1689, Marguerite-Marie reçoit un dernier message du Seigneur : elle doit faire savoir au roi, Louis XIV, qu'il doit se consacrer au Sacré Cœur, ainsi que tous les grands du royaume, et Lui construire un lieu de culte. Le message arriva-t-il au destinataire ? Nul ne sait, mais toujours est-il qu'il n'y eut point de suites.

En octobre 1690, elle annonce à ses sœurs, incrédules, que le Seigneur veut la rappeler à Lui, et en effet, sœur Marguerite-Marie rend saintement son âme à Dieu le 17 octobre de la même année.