Anthologie permanente : Antonella Anedda

Par Florence Trocmé

Si j’ai écrit c’est par inquiétude
parce que j’avais souci de la vie
de la félicité des êtres
serrés dans l’ombre du soir
quand le soir s’abat soudain sur les nuques.
J’écrivais pour la pitié des ténèbres
pour toute créature qui recule
dos plaqué à la rambarde
pour l’attente marine – sans cri – infinie

Ecris, me dis-je, et j’écris
pour avancer plus seule dans l’énigme
parce que mes yeux m’alarment
et le silence des pas est mien, mienne la lumière
déserte – clarté de bruyère –
sur la terre de l’avenue

Ecris parce que rien n’est défendu et le mot arbre
tremble plus fragile que l’arbre, sans ramure ni oiseaux
parce que seul le courage peut creuser
vers le haut la patience
jusqu’à ôter du poids
à la noire pesanteur du pré.

Se ho scritto è per pensiero
perché ero in pensiero per la vita
per gli esseri felici
stretti nell'ombra della sera
per la sera che di colpo crollava sulle nuche.
Scrivevo per la pietà del buio
per ogni creatura che indietreggia
con la schiena premuta a una ringhiera
per l'attesa marina - senza grido - infinita.

Scrivi, dico a me stessa
e scrivo io per avanzare più sola nell'enigma
perché gli occhi mi allarmano
e mio è il silenzio dei passi, mia la luce deserta
- da brughiera -
sulla terra del viale.

Scrivi perché nulla è difeso e la parola bosco
trema più fragile del bosco, senza rami né uccelli
perché solo il coraggio può scavare
in alto la pazienza
fino a togliere peso
al peso nero del prato.

*

Si nous mourons peut-être est-ce pour cela ?
Pour que l’air liquide des jours
secoue soudain le temps et lui donne de l’espace
pour que l’invisible, le feu des attentes
s’écarquille dans l’air
et consume ce qui nous semblait être
notre seule récolte

Forse se moriamo è per questo?
Perché l'aria liquida dei giorni
scuota di colpo il tempo e gli dia spazio
perché l'invisibile, il fuoco delle attese
si spalanchi nell'aria
e bruci quello che ci sembrava
il nostro solo raccolto?

*

Le dit de l’abandon
A quelle profondeur coule la source de l’abandon ?
Il y a des jours où elle rôde avec un manteau sur son pyjama.
L’infélicité est scandaleuse.
Elle est si coupable qu’elle ne peut avoir de commerce avec le corps.
Elle le regarde avec détachement. Elle s’emmitoufle dans le manteau
et dort comme un fœtus. Le froid est bienvenu.
Le corps n’est rien d’autre qu’un toit.
Il n’y a pas de désir, pas de noms, pas de sexe.
« Comme les escargots », murmure-t-elle.
Le col de fourrure couvre ses yeux et ses oreilles.
En s’endormant sa tête fend l’air
elle navigue en rêve au bord des corniches de pierre.

Parla l’abbandono
Quanto profonda scorre la vena dell’abbandono?
Ci sono giorni in cui vaga con il cappotto sul pigiama.
L’infelicità è scandalosa.
È così colpevole che non può avere commerci con il corpo.
Lo guarda con distacco. Si avvolge nel cappotto
e dorme come un feto. Il freddo è benvenuto.
Il corpo è solo un tetto.
Non esistono nomi, né desiderio, né sesso.
“Come lumache” bisbiglia.
Il bavero di pelo copre occhi e orecchie.
Addormentandosi la sua testa fende l’aria
naviga in sogno lungo i cornicioni di pietra.

Antonella Anedda, nuits de paix occidentale & autres poèmes, suivi de La Lumière des choses, traduit de l’italien par Jean-Baptiste Para, L’Escampette, 2008, pp. 35, 21 et 76.

bio-bibliographie d’Antonella Anedda