Sonnet « À Yves Saint Laurent »

Publié le 18 novembre 2008 par Frontere

« Tu avais compris que l’époque qui s’annonçait ne demanderait ni rigueur ni exigence », Pierre Bergé (Éloge funèbre)

Rendre hommage à un créateur aussi généreux, aussi inventif, que l’a été Yves Saint Laurent (1936-2008) est une tâche difficile. Il s’agissait d’être à la hauteur de ce grand couturier, héritier de Coco Chanel, d’aborder aux rivages de la haute couture, du dandysme, de l’homosexualité, de la drogue ; de rendre compte des affres de la création ; le tout en une forme brève, un sonnet : tel était mon cahier des charges.

À toi, lecteur, de dire si je m’en suis acquitté … ou, en langage contemporain, si ça le fait.

À Yves Saint Laurent 

Tu attendais la gloire à l’orée des soixante
Courbé sur des tissus improbables, sur le tas¹,
Penché vers La Falaise, tu rêvais d’Étretat
À l’heure de Bergé² qu’en vain encor tu hantes
.

D’améthyste, une bague magnifique en attente
De ton doigt t’invitait au défilé d’État ;
À l’esquisse des robes des modèles, des tas,
Se bousculaient, livides comme de vieilles tantes ;

Et leurs petites mains des aiguilles létales
Attendaient la piqûre qui rend la vie étale
.
Pendant ce temps proustien, Yves, dans quel état :

Cinq avenue Marceau, à Paris, plein d’espoir,
Perdu dans les étoffes, perdu dans les taffetas,
Saint Laurent, tu créais une robe du soir
. »

(Michel Frontère©)

Notes

(1) « on peut parler familièrement d’un apprentissage sur le tas, d’une formation sur le tas, sur le lieu du travail. Même sens de sur le tas dans grève sur le tas », Joseph Hanse, « Nouveau dictionnaire des difficultés du français moderne », Duculot, 1983

(2) “L’heure du berger” : « C’est le moment heureux et favorable, où quelque maîtresse se rend, et accorde à son amant les dernières faveurs », P.J. Leroux, « Dictionnaire comique, satyrique, critique, libre et proverbial », 1786