Tous des Indiens !

Publié le 18 novembre 2008 par Joachim
Dedans, dehors, la maison et le grand cirque contemporain.En haut: Home (Ursula Meier 2008)En bas: Tous des Indiens (spectacle d'Alain Platel et Arne Sierens 1999)Une famille au bord d’une route désaffectée qui devient un jour autoroute. Les grands espaces, une route infinie, une meute humaine qui doit défendre son bout de territoire menacée par l'arrivée de la civilisation,Home(Ursula Meier 2008) a tout du western post postmoderne. Sauf qu'ici,  le pavillon de banlieue a remplacé le saloon, qu'il n'y a pas de cowboys et qu'on ne quitte pas le point de vue d'une improbable famille dont l’implantation au bord de voie rapide tient aussi bien de l’installation des Pionniers (la maison en planches face à l'immensité du territoire à conquérir) que de celle des Indiens (un clan vissé à un recoin du paysage, recoin qu'il refusera de quitter coûte que coûte).

Une grande route pour un huis clos, Home est tout entier placé sous le signe oxymoral du "road-movie immobile. C’est que le film fait son miel de toutes les collisions spatiales et affectives dans un lieu à la fois étendu et ramassé. En cela, sa démarche trouve un écho tout autant du côté de la scène que du cinéma. 

Outre son décor qui déjà évoque un fantasme de scénographe dadaïste, il y a un plan plutôt bref qui m’a rappelé d’autres souvenirs scéniques. Le gamin qui cherche à traverser la route, fraichement asphaltée, qui trempe ses doigts dans la peinture à peine sèche et qui se dessine des peintures de guerre sur le visage. Restons au bord de la route, mais traversons avec des ruses de Sioux.

Tous des Indiens ! donc. Mot d'ordre du film qui était le titre d'un spectacle d’Alain Platel et Arne Sierens au théâtre des Abbesses en 1999. Deux maisons en taille réelle posées sur la scène et le fatras des vies ordinaires, mais vues, de manière interstitielle, par les fenêtres et les portes entrouvertes. Chez Platel comme chez Meier, tout se devine par les embrasures de l’espace comme par les jointures entre rudesse et tendresse. Le spectacle de Platel était indéniablement œuvre de chorégraphe même s’il était « non dansé ». Et de fait, même s’il n’y a pas de danse dans le film d’Ursula Meier, il y a, à n’en point douter, une recherche de la friction des corps, des gestes et des déséquilibres. Et puis, chez l’un comme chez l’autre, ce même art de l'accumulation, cette même saturation ludique de l’espace avec du mou, du plastique, du consommable, des objets et des matières triomphalement clinquantes mais d’une vulgarité transcendée. Façon comme une autre de faire un sort à la trivialité du (quart) monde tout en faisant triompher la vitalité des garnements.



Pour donner une idée de Platel, un extrait de Wolf (2003)...