Profession maîtresse ou " Le prix de l’amour "

Publié le 05 octobre 2008 par Luming88

Notre blogueur d’aujourd’hui, Shi Kang, est une célébrité en Chine. Romancier et scénariste, il était déjà connu du grand public avant une série télévisée (奋斗: "Lutter" ou  "Se Battre" qui raconte la manière dont plusieurs jeunes luttent pour bâtir leur vie professionnelle et privée) lancée en 2007 et qui est aujourd’hui encore diffusée par de nombreuses chaînes dans le pays.
J’ai eu l’occasion de l’écouter pendant plus d’une heure il y a quelques mois présenter sa théorie de la série télévisée parfaitement commerciale et garantissant un excellent retour sur investissement pour les compagnies y participant.
Ce blog ne me donne pas une meilleur impression de lui que lors de la première "rencontre", mais puisque plus de 40 000 internautes ont déjà lu le texte alors qu’il a été posté hier après-midi et que les premiers commentaires que j’ai lus sont élogieux, cela signifie que son ton est apprécié et a l’air de trouver une audience appréciative.
D’où la traduction - tant de mots pour justifier une simple traduction - qui n’a pas été facile, car je me suis demandé si ma compréhension était déficiente… ou bien la logique de l’auteur. Je penche plutôt pour la seconde hypothèse maintenant 

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D’après la réalité que je vois, les maîtresses sont devenues si nombreuses en Chine que c’est quasiment déjà devenu une profession. Dans le Sud, il y en a tant qu’il faudrait tout un quartier pour les loger.

Les hommes d’affaires se réunissent pour manger et, contre toute attente, se plaignent du fait qu’ils doivent entretenir deux maîtresses purement pour sauver la face ! Le salaire des maîtresses n’est après tout que de 5000 à 10 000 yuan par mois (500 à 1000 euro). Elles touchent des primes si elles mettent des enfants au monde et elles peuvent partir quand elles veulent. Comment la société féodale vient est-elle soudainement de renaître de ses cendres ?

On peut donc spéculer que si les choses continuent à se développer de la sorte, les alliances parfaites (mariages de deux parties collant bien quant au statut social et economique) vont être recherchées, les jeunes femmes ne possédant pas de biens personnels ne pouvant peut-être finir que dans les basses couches de la société. Si elles ont l’intention de s’élever, elles seront soupçonnées d’être des trompeuses malicieuses car elles n’auront aucun moyen de prouver qu’elles peuvent garantir le bonheur de leur famille dans l’avenir.

Peut-être que dans un avenir proche, il n’y aura que certaines jeunes femmes ayant été maîtresses et ayant gagné suffisamment d’argent qui pourront s’offrir un mariage décent. Je peux seulement dire que comparé aux femmes qui se prostituaient autrefois pour se constituer un capital suffisant, c’est un net progrès.

(A partir d’ici, le texte prend une direction complètement différente.)

Derrière tout ce qui a trait aux affaires sentimentales, je trouve que toutes les couches de la société chinoise sont en train de se former.

Commençons par l’immobilier : les riches vivent avec les riches, les pauvres avec les pauvres et au milieu la classe moyenne balance dans l’incertitude.

Au niveau culturel, les symboles de chaque couche sont en train d’être établis; lorsque dans l’avenir, les différentes strates se seront formées, il sera extrêmement difficile de les gravir. Les couches les plus élevées auront érigé des remparts quasi-infranchissables. Il ne s’agira plus uniquement de pouvoir et de fortune, mais aussi de la manière dont ils seront utilisés - morale et culture.

La conception de notre actuel système (politique) n’a pas pour objectif d’augmenter la mobilité entre différentes couches sociales. Au contraire.

Dans la réalité, je vois des enfants de familles riches qui ont reçu une excellente éducation et qui travaillent dur et accumulent de l’expérience. Ils acquièrent les connaissances nécessaires qui leur permettront d’administrer les vastes biens de leurs familles. Il y a aussi des enfants de familles pauvres qui tyrannisent leurs familles; même s’ils ont un travail pour les tenir au chaud et les nourrir, ils n’ont dans la tête que de vivre au dessus de leurs moyens. Ce qui m’inspire de l’inquiétude pour leur avenir.

La pression n’est pas que sur (les épaules) d’une génération : si elle ne fait pas d’efforts, cette génération vivra mal, mais la génération suivante en sera affectée et aura toutes les peines du monde à gravir les échelons de la société, qui seront alors déjà formés. Les opportunités se feront de plus en plus rares. Pour nombre de personnes aux capacités ordinaires, un système conçu pour être le plus égalitaire possible serait alors inutile, car bien des choses auront été prédestinées depuis le début.

(Je n’ai toujours pas compris comment le bond est-il effectué vers la gestion des monnaies dans le paragraphe suivant…)

Les théories économiques les plus centrales à l’économie capitaliste sont celles concernant la gestion des monnaies. Elles reflètent directement les croyances, l’éthique, les connaissances, le système et les idéaux sociaux d’une société complexe et hautement efficace. 

Peut-être que le groupe né à partir des années 1990, seconde génération riche, lorsqu’il entrera en scène, sera en mesure de mettre en scène le conte de Cendrillon et ainsi d’un peu divertir la société. Le rêve de Cendrillon devenant réalité attirera l’attention, signifiant par là que ce genre d’événements est trop rare.

Dans le même temps, la nouvelle structure de notre société commencera à prendre forme et la fin de l’anxiété ne sera plus trop lointaine. La société ayant besoin de stabilité, chacun regagnera sa place à ce moment là. Même si certains vivent à proximité, ils n’auront jamais l’occasion d’échanger en profondeur. Juste car ils vivent dans des quartiers aux prix si différents.

Peut-être que finalement, notre société aura de nouveau besoin d’une pensée religieuse en guise d’antidote pour notre existence, afin d’équilibrer la pression à notre égard générée par un pouvoir fort. Alors, peut-être que plus nombreux encore seront ceux qui auront envie de croire. L’ignorance sera le bonheur; l’impuissance, le plaisir; tout sera dans la légèreté. L’amour aura sa valeur mais personne n’annoncera son prix, nous n’offenserons plus personne. Nous ferons tous nos efforts pour que chacun se mêle de ses affaires. Le sens de la vie sera suspendu et (effet inattendu) les gens plus satisfaits.

(FIN)
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Difficile de trouver une logique à ce texte mais certaines des idées sont tout de même compréhensibles. Les quelques commentaires que j’ai lus - il y en a des centaines - sont très positifs.

J’adorerais avoir le temps de me lancer dans la traduction d’un livre que je lis actuellement, lentement mais sûrement, et qui s’appelle Le Fetival du Liumang, par Zhu Dake. C’est un livre qui raconte l’opposition entre l’étatisme et son contraire : "liumang" en chinois, traduit simplement par le mot "hooligan" en langue moderne mais qui signifie bien plus que cela dans son sens historique : le rejet des structures de l’Etat, de sa rigidité, du cadre qu’il impose etc. On peut être "liumang" par choix, mais comme le montre l’auteur, le plus souvent après avoir subi des pertes : celle de la terre, de son statut social ou d’autres critères qui définissaient sa place dans la société. Devenir "liumang" est une manière de rechercher à redéfinir sa nouvelle position dans la société, quitte pour cela à recréer une société parallèle, telle par exemple une société secrète.

J’espère que le livre trouvera des maisons d’édition voulant le traduire en langues étrangères, il est tout simplement passionnant !
A plus…