Une nouvelle révolution dans les campagnes ?

Publié le 15 septembre 2008 par Luming88

Station de péage créée de toute pièce par des campagnards locaux pour se créer des revenus : voilà quelque chose que j’ai déjà rencontré et qui apparemment se produit assez souvent en Chine. Mais l’article qui suit décrit une autre dimension. J’ai d’abord été sceptique, pensant avoir affaire à un "réactionnaire", puis j’ai eu une longue discussion aujourd’hui pendant un déjeuner avec un jeune membre du Parti qui a affirmé qu’il s’agit de faits qui pour n’être pas généralisés sont cependant loin d’être rares.
Evidemment, la première explication possible est que ce genre de comportement palie "par la force" la pauvreté dont souffrent de nombreuses régions agricoles, trop longtemps écartées jusqu’à ces dernières années des priorités économiques du pays. Nous connaissons tous ces nombreux récits de paysans qui ont perdu leur terrain et n’ont reçu que peu ou pas de compensations du gouvernement local.
Mais il semblerait que certains campagnards aient pris les choses en main. Et j’avoue que j’aimerais bien en savoir plus sur ce phénomène - mais à qui demander connaissant vraiment les réalités sur le terrain ?
J’arrête cette (trop) longue introduction et direction la campagne dans un endroit non divulgué par l’auteur.

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Je viens de travailler dans une entreprise située dans une zone industrielle et j’ai trouvé bien des choses insupportables, particulièrement concernant les conditions d’investissement des entreprises.

Il s’agit d’une grande entreprise d’Etat et en dehors de ses activités d’investissements, c’est un peu en lisière du désert là-bas. La densité de population n’est pas très grande mais que l’on ne s’y trompe pas : les habitants de ces villages éparpillées ont vraiment le sens des affaires !

Par le passé, lorsque les travaux commençaient sur des projets investis par cette entreprise, les habitants locaux n’avaient pour seule ambition que de faire partie de l’équipe des ouvriers temporaires. Mais ce n’est pas la même chose aujourd’hui : les villageois veulent eux-mêmes prendre en charge le travail de l’entrepreneur, et qu’importe s’ils possèdent ou pas les connaissances nécessaires pour mener à bien les travaux. S’ils n’obtiennent pas ce qu’ils veulent, ils bloquent les véhicules et les routes et personne ne peut plus travailler !

Il est en général impossible de mener à bien de simples travaux de génie civil, car les villageois locaux estiment qu’ils en sont capables et ils ne permettent pas à d’autres équipes de construction de pénétrer (les lieux). Mais si on laisse les villageois travailler, ils vont eux-mêmes décider du prix ! La location horaire d’un bulldozer est 3 à 5 fois plus élevée que le prix du marché. Et même si on ne veut pas payer, il faut payer quand même, car de toute manière, les autres équipes vont être paralysées dès leur arrivée.

Les villageois ont bien des arguments à faire valoir : quand meurent leurs porcs, boeufs et moutons, ils les portent en douce sur les chantiers et prétendent qu’ils sont morts à cause des travaux. Ils réclament que l’investisseur compense en payant deux à trois fois le prix de la bête vivante. Un villageois a glissé à moto sur une route construite par cette entreprise et a été un peu blessé. Il a accusé l’état de la route et a exigé de l’entreprise qu’elle paie les frais d’hôpitaux ainsi qu’une certaine compensation.

L’utilisation de l’eau par l’entreprise constitue un problème encore plus épineux. L’équipe de construction est obligé d’être approvisionné en eau par les villageois, le prix de l’eau allant d’augmentation en augmentation et ayant aujourd’hui atteint le prix exhorbitant de 55 yuan par mètre cube. Si le prix est refusé… l’eau est coupée. Si l’on demande aux autorités locales de venir coordiner, l’eau va de nouveau être approvisionnée, mais le prix ne va pas baisser… et il faut payer le prix fort pour les "frais de coordination" du gouvernement local.

L’acquisition de terre par l’entreprise est également un casse-tête. Toutes les compensations concernant agriculture, foresterie, élevage, produits dérivés et pisciculture doivent avoir été reçues. Si tout est fait selon les règles édictées par l’Etat, je suppose qu’aucune entreprise industrielle au monde ne peut venir ici pour y opérer.

Mais il est aussi possible de ne pas opérer en suivant les règles édictées par l’Etat. Dans ce cas, il faut suivre les "règles du jeu" en satisfaisant les besoins et demandes de certains individus et services, ce qui consomme temps, énergie et argent et épuise son homme. Dans le passé, les terres des paysans étaient prélevées. En dehors du paiment complet des frais gouvernementaux concernés, il fallait encore donner une somme supplémentaire aux villageois.

Aujourd’hui, les villageois ont de nouvelles méthodes. Lorsqu’un terrain est prélevé, deux familles entrent en conflit et disent que le terrain leur appartient et que le problème date de plusieurs générations. Résultat, il faut payer deux fois la somme supplémentaire, une somme par famille. Et en plus les travaux entrepris sur ce terrain doivent être alloués à ces deux familles, qui gagnent de nouveau une somme d’argent (en tant qu’entrepreneur).

Peut-être certains vont-ils dire que l’on pourrait demander au gouvernement local d’intervenir. Le dire est une chose, mais l’appliquer… L’équipement de construction que ces villageois louent appartient parfois aux familles des bureaucrates locaux. Il y a même une huile locale qui est allée jusqu’à vouloir prendre en charge un chantier pour un projet que seule une compagnie très qualifiée aurait pu exécuter. Et il a exigé 150,000 yuan (environ 15 euro) pour que les travaux soient entamés si il n’était pas choisi comme entrepreneur. Sinon, une montagne de villageois aurait paralysé les travaux sur le chantier.

Beaucoup de villageois qui bossaient auparavant dans d’autres régions sont tous revenus. Ils travaillaient dur et ne gagnaient que des clopinettes. Aujourd’hui, il suffit de bloquer la route tous les jours pour gagner beaucoup plus, pourquoi s’en priver ? Pratiquement tout le village participe au blocage de la circulation et des routes.

En fait, il ne s’agit pas d’un problème limité à cet endroit : cette entreprise rencontre des problèmes similaires dans trois provinces où elle investit.

L’environnement des régions périphériques pour l’investissement des entreprises doit être réformé. Qui va donc investir lorsque la situation est à ce point dégradée ? Les médias rapportent toujours que la Chine est à tel ou tel rang des pays les plus favorables aux investissements et qu’elle attire chaque année tant et tant d’investissements étrangers, que telle ou telle ville est si attrayante.

Mais vu dans son ensemble, les conditions d’investissement sont-elles aussi bonnes qu’on le dit dans les campagnes ? C’est une question sur laquelle il vaut la peine de se pencher.
 
2008-08-31