Le mauvais roman de la rentrée

Publié le 19 novembre 2008 par Mtislav
L'espace de liberté dont on jouit dans ce pays pourrait se rétrécir de manière inversement proportionnelle à l'accroissement nos capacités technologiques. La question se pose. La paranoïa quant à elle se porte bien.
Je consulte assez souvent le site "Allo Ciné" qui a l'immense désavantage d'offrir une barrière de réclame compacte avant tout accès. On peut cliquer sur le bouton "accéder directement" : pendant quelques secondes s'affiche le visage de Mesrine mort joué par Vincent Cassel vivant mais qui fait très bien le mort puisque soudain, même si vous n'en croyez pas vos yeux, une goutte de sang dégouline de son front. Beurk !
J'ai un problème avec mes liens en ce moment. Il suffit que je mette un site dans ma blogroll pour que j'y lise des choses qui me déplaisent tout de suite après. J'aime bien l'esthétique de Toréador mais ces derniers jours j'ai littéralement enragé à le lire (lui et certains de ses commentateurs). J'ai tagué Zgur et il brandit un brûlot. Ca s'appelle "L'insurrection qui vient", j'ai effectué un cours de rattrapage en mettant à contribution la nouvelle usine de cerveaux qui a ouvert la semaine dernière. 
Pour qu'on comprenne de quoi on parle, il semble qu'il faille présenter ce succès de librairie comme celui qui aurait inspiré les mis en examens dans l'affaire des "sabotages de la SNCF". Quoique un tel angle d'attaque constitue davantage un argument publicitaire qu'un angle de lecture valable. 
J'ai emprunté le dernier livre de Thomas Pynchon à la bibliothèque, je ne l'ai toujours pas lu et je pense qu'il pourrait prendre feu si je n'y prête garde. Mais je ne vais pas m'en tirer avec une pirouette. Bien sûr qu'un livre peut-être dangereux. Tenez : la Bible ! Le Code Pénal ! Vous pouvez vous retrouver en prison à cause de lui... La Grande Crevasse de Frison-Roche ? Les crevasses sont parfois plus dangereuses encore.
L'Insurrection... : ce n'est pas exactement un cocktail new-age mâtiné de pseudo-sociologie assaisonné à la théorie du complot comme on pourrait le croire à première vue. Le"comité invisible" qui revendique la paternité de l'ouvrage relève chaque blessure de notre société, il la panse mais le remède est pire que le mal. 
Je comprends que la police s'inquiète de lire ce type de littérature. Cela dit, elle ferait mieux d'enquêter. Vous imaginez, s'ils avaient trouvé un dvd de "L'invasion des profanateurs" chez Dominique de Villepin, ils auraient soupçonné Louis Langlois de déterrer les cadavres.
La réalité me suffit. Le Comité lui la voudrait plus noire.
"Le progrès est partout devenu, dans le sens commun, synonyme de désastre"(page 51). Je ne crois pas. Le "comité" est d'une violence hargneuse à l'égard de ceux qui pensent encore trouver une issue (page 54). 
On semble découvrir la définition de l'économie, on est peiné qu'elle englobe tant d'aspects de notre vie. Visiblement, on a beaucoup lu. Foucault en particulier. Foucault et Catherine Cusset. C'est là que le bât blesse. La jalousie se conceptualise mal même si elle se lit bien.
Qu'est-ce que l'écologie ? Ni plus, ni moins que la récupération qui en est faite.
La fin du livre, là, j'ai peur. "Tous les milieux sont à fuir." "Les milieux littéraires sont là pour étouffer l'évidence des écrits". Et les bibliothèques font obstacle à la lecture, on le sait. D'ailleurs, le Pynchon, je vais le garder. Vous n'êtes pas prêts de le lire.
Je ne suis pas étonné que l'ouvrage ne soit pas signé : certaines exhortations sont tout simplement irresponsables. "Ce qu’il est important de cultiver, de diffuser, c’est cette nécessaire disposition à la fraude, et d’en partager les innovations." (page 91)  C'est fragiliser encore ceux qui n'ont pas choisi d'avoir à adopter ces stratégies pour survivre. Tomber dans la délinquance n'a jamais fabriqué un anarchiste.