Bach, au bas mot...

Publié le 04 novembre 2008 par Nellym67

BHL disait ce soir dans l'émission " Le Grand Journal" que nous nous souviendrions tous de ce que nous faisions ce 4 novembre 2008... Beaucoup se souviendront donc qu'ils étaient à l'affût toute la nuit du moindre nouveau chiffre, de la moindre nouvelle estimation, de toutes les réactions, le Champagne ou le Crémant d'Alsace à la main, prêts à sabrer la bouteille au moindre sourire de satisfaction d'Obama... Certains font même les choses bien, ensemble, nourrissant l'événement de leurs débats et de leurs commentaires... Ils pourront dire qu'ils y étaient.

D'autres, conscients de "ce qui se joue", mais ayant l'audace de poursuivre malgré tout leur petite vie normale, auront quand même deux ou trois souvenirs marquants,symboles de la réalisation du grand espoir retenant le souffle du monde entier, quelques souvenirs à enfouir dans leur besace et à ressortir à l'occasion des conversations qui dans un an, dans quatre ans, dans vingt ans, seront l'occassion d'analyser les changements et l'impact de cette élection historique...

Ce jour sera pour moi celui où j'ai enfin découvert sous les doigts d'Hélène Grimaud, une nouvelle interprétation de l'oeuvre de Bach. J'aimais l'écouter jouer Chopin, Brahms ou Beethoven, et je ne m'attendais pas à ... Bach. Son interprétation est pourtant magnifique, on ressent l'âme de la pianiste rebelle et énigmatique, et elle nous fait partager son admiration pour ce compositeur, dont elle disait la semaine dernière sur Radio Classique qu'il nous rapporche du mystère de l'invisible, qu'il crée un pont entre l'homme et le spirituel. Rebelle et énigmatique, lui aussi.

Ce n'est peut-être pas par hasard que je souhaite parler de Bach et d'Hélène Grimaud aujourd'hui-même...

Quel pianiste ayant fait ses premières gammes en école de musique ou au conservatoire n'a pas répété inlassablement quelques pages de préludes, de fugues, et autres morceaux pour clavier plus ou moins bien tempéré selon les talents? Bach est celui qui pour cette grande interprète incarne aussi tous les possibles, celui qu'on redécouvre chaque fois qu'on l'écoute et qu'on joue ses airs, celui qui "crée un spectre de possibilités infinies", celui avec qui l'on "peut tout oser", celui qu'on "ne cesse jamais d'explorer".

Bach comme on ne l'avait jamais entendu donc, par Hélène Grimaud, cette musicienne qui manie aussi bien les mots que les notes de piano, et qui écrivait en 2005, dans Leçons Particulières, que j'avais lu dès sa sortie en une journée : "J'étais parfaitement d'accord avec eux lorsqu'ils avaient dénoncé le spectacle désolant de l'humanité dans ses souffrances, et peut-être plus désolant encore dans son indifférence à ces souffrances - l'humanité dans son atroce égoïsme. C'était vrai, cet acharnement de taupe à creuser pour sa seule prospérité, pour emmagasiner encore plus de richesses personnelles, encore plus de jouissance dans une misère spirituelle sans égale qui ne pouvait que blesser le coeur profondément, si profondément qu'on avait alors une seule envie : fuir, plonger sa tête dans le sable, répudier l'univers et avec lui ses sources d'inquiétude et d'angoisse.[...]

[...] Qui donnerait encore l'exemple? Qui entretiendrait cette étincelle de vie, si chacun s'enfermait dans sa tour? Qui instillerait dans ces consciences la seconde de doute nécessaire pour qu'y resurgisse l'essence de l'homme : ce mystère intemporel, plus précieux que jamais et que seul l'individu, chaque individu, a le destin de défendre."

En attendant de savoir si le visage de notre "destin" sera bien celui qui fait rêver aujourd'hui tant d'hommes et de femmes, écoutons Bach qui lui aussi, selon les termes d'Hélène Grimaud, incarne "la joie empreinte de gravité" de tous ses auditeurs.