La trÈs trÈs grande entreprise

Par Rob Gordon
Difficile de contester l'aspect inexorablement sympathique des films de Pierre Jolivet, mêlant intrigues malicieuses, arrières-plans sociaux et castings aux petits oignons. La très très grande entreprise n'échappe pas à la règle : sous prétexte de s'attaquer aux grandes firmes qui polluent l'environnement (sur les plans écologique et social), Jolivet livre une comédie relativement légère qui voit quelques victimes d'une grande entreprise jouer les monte-en-l'air pour assurer leur revanche et leurs arrières. Il y a de quoi s'amuser, notamment grâce à la prestation homogène d'un excellent quatuor d'acteurs. Roschdy Zem montre une nouvelle fois qu'il a la carrure pour enchaîner les premiers rôles ; Marie Gillain joue assez agréablement d'un air mutin qui fut souvent bien plus agaçant ; Adrien Jolivet est un petit mec franchement charmant ; quant à Jean-Paul Rouve, plus en retrait, il fait cependant preuve d'une maturité insoupçonnée.
Le problème du film, outre une sévère baisse de rythme en fin de course, c'est qu'il peine à afficher ses véritables intentions. D'un côté, il tente de tirer sur la corde sensible en insistant sur les conséquences malheureuses de la gestion calamiteuse des grandes sociétés, qui affichent un mépris total envers ceux auxquels elles ont nui. De l'autre, il enchaîne les péripéties absolument pas crédibles en faisant des héros des rois de l'infiltration. Si bien qu'il devient difficile de savoir quoi penser. Il est évidemment permis (et nécessaire) de rire avec la misère sociale, mais Jolivet donne ici l'impression de n'utiliser la détresse de ses personnages que comme un prétexte pour orchestrer une grande foire à la rigolade. À côté de Ma petite entreprise ou même de Zim and co., La très très grande entreprise apparaît comme un Jolivet mineur, lui qu'on a connu tellement plus inspiré pour mêler la réalité du moment à ses comédies et polars. Nul doute qu'il nous reviendra bientôt en bien meilleure forme.
5/10