Logement selon Sarkozy : “casse-toi pauv’ PAUVRE !”

Publié le 27 novembre 2008 par Pierre

Le quinquennat Sarkozy, c’est un peu le fourre-tout idéologique d’une Droite décomplexée. On y trouve tout et son contraire, depuis les contradictions de Rachida Dati en matière de Justice jusqu’à la féroce cohérence des pratiques cautionnées par Brice Hortefeux, en passant par le fait du Prince récompensant généreusement sa Cour (paquet fiscal, bouclier fiscal, catégories aisées exonérées du financement du RSA…) au mépris des principes les plus élémentaires des politiques publiques : aider ceux qui en ont VRAIMENT besoin.

Jusqu’ici, pour ce qui concerne le logement et l’habitat, les plus optimistes pouvaient se dire que le Gouvernement essayait tant bien que mal de faire ce qu’il pouvait, dans un contexte rendu très difficile par la crise immobilière et financière. On déplorait certes les effets d’annonce, l’activisme frénétique et les aveux d’impuissance, mais bon…

Aujourd’hui, il n’est plus possible de fermer les yeux sur ce qui est en train de se produire : la politique du logement conduite par les Sarkozy, Fillon, Boutin et consorts est une politique de CASSE SOCIALE, au risque d’emprunter au vocabulaire syndical (cliquez ici pour vous mettre dans l’ambiance…).

La coïncidence n’est plus possible : tous les éléments convergent ! Certains sont connus du grand public, d’autres se trament en coulisses, mais il est temps que tout cela se sache, parce que nous sommes TOUS CONCERNES.

Des arbitrages budgétaires scandaleux

Le Gouvernement a beaucoup communiqué sur la question budgétaire, mais le calcul est en fait très simple.

Dans le budget, le logement fait partie de la catégorie “Ecologie, développement durable, ville et logement”. Grand libellé, petit budget : 16 milliards d’Euros en 2008, 18 prévus pour 2009. Le chiffre est donc en hausse. Sauf que, “détails” importants, le budget “Défense” progresse dans le même temps de… 40%, et que notre catégorie “Ecologie, développement durable, ville et logement” ne représente que… le 6ème poste de dépenses ! Aujourd’hui, dans notre pays ! Le poids RELATIF du budget Logement est donc en chute libre : il représente 6% des 292 milliards d’Euros prévus au budget 2009.

Et c’est sensé être une priorité nationale, dans la continuité des slogans racoleurs du candidat Sarkozy : “une France de propriétaires”, “0 SDF”… !

Les contradictions coupables de l’accession sociale à la propriété

Ce manque de moyens est ressenti directement sur le terrain, par les bénéficiaires attendus des aides publiques. L’ANRU (Agence publique en charge de la rénovation des quartiers en difficulté) est dans l’impasse : “les trois quarts des crédits de l’Agence ont financé la moitié des objectifs du programme“, apprend-t-on dans un rapport qui n’a pas encore été rendu public. L’ANAH (Agence publique distribuant des aides pour favoriser la réalisation de travaux de réhabilitation) se voit dans l’obligation, à budget constant, de remplir beaucoup plus de missions que prévu. Les associations sont touchées de plein fouet, elles à qui l’on va couper les vivres au prétexte que tisser du lien social, ça ne sert à rien.

L’exemple le plus manifeste de ce mensonge d’Etat est ce qui se passe en matière d’accession à la propriété, en coulisses.

Acte 1 : rappelons-nous du slogan présidentiel (”une France de propriétaires” et de toutes les mesures sensées favoriser l’accession sociale à la propriété), tout en ayant bien à l’esprit que ce ne sont pas les maisons à 15 Euros par jour qui vont massivement accueillir les accédants, mais plutôt les copropriétés déqualifiées. Bien.

Acte 2 : le Gouvernement demande à l’ANAH, qui accordait jusque-là des aides indispensables en matière d’aide aux copropriétés en difficulté,  de mettre un terme à tout cela. Résultat : plus de subventions ni d’accompagnement juridique et social pour des millions de personnes.

Acte 3 : le Gouvernement vient d’extirper 1,3 milliard d’Euros au 1% Logement, qui perçoit les cotisations des entreprises : 570 millions pour l’ANRU, 480 millions pour l’ANAH et 250 millions pour les quartiers anciens dégradés. Le 1% Logement se voit donc contraint de mettre fin aux prêts PASS-TRAVAUX, prêts patronaux à 1,5% qui constituaient une aide essentielle à la solvabilisation des ménages. Résultat : plus d’aides complémentaires de ce type.

L’Etat incite donc massivement des personnes de condition modeste à accéder à la propriété, qui lorsqu’elles y seront péniblement parvenues se retrouveront dans l’impossibilité de faire face aux coûts : charges de copropriété, travaux d’entretien, travaux d’amélioration… La situation sera dramatique, voire irréversible une fois qu’on aura laissé filer ces bâtiments et ces personnes à vau-l’eau pendant plusieurs années. Et les copropriétés aujourd’hui en difficulté ont le sentiment d’être lâchées ; comment le leur reprocher ?

Taper dur sur ceux qui n’ont déjà plus rien…

Et que dire du sort réservé par ce Gouvernement aux SDF ?

Bien sûr, depuis 1954 que leur situation a été exposée au grand jour, on ne pourrait nier que ce drame est une responsabilité collective, transcendant les clivages politiques. Sauf que c’est quand même sous la Droite que l’on vient d’infliger 12 000 Euros d’amende au DAL et que l’on vient de confisquer ses tentes aux Enfants de Don Quichotte ! Le pire dans tout cela n’est peut-être pas la sanction , mais bien plutôt le motif : “délit d’encombrement”…

Stop. Arrêtons-nous là quelques instants pour essayer, seulement essayer, d’imaginer la situation. Tandis que nous sommes là, au chaud, vissés devant notre écran, engoncés dans notre fauteuil moelleux, avec peut-être même une boisson chaude à la main (normal, il fait froid dehors, non ?), des personnes vivent dehors. Et meurent dehors. Toute l’année. Et pas forcément par choix, mais en raison d’accidents de la vie qui peuvent tous, un jour, nous toucher : et là, plus d’Internet, plus de café, plus de siège, plus de lit, plus d’hygiène, plus de soins, plus d’amis, plus d’amour… plus rien ! Voilà le sentiment, bien maladroitement retranscrit, que peut éprouver une personne sans domicile fixe. Si vous pensez que c’est du misérabilisme, écoutez ce témoignage, tout simple.

Et que nous propose le Gouvernement, sous l’impulsion du Président ? On embarque manu militari tous les SDF à partir de - 6°, direction le foyer d’accueil le plus proche ! Passons sur le seuil et la méthode… On sait que de très nombreux foyers d’accueil ne peuvent plus faire face : encadrement professionnel qu’il faut payer, bénévoles difficiles à trouver, bagarres entre personnes accueillies, vols, chiens interdits (les chiens, c’est bien souvent la seule compagnie qu’il leur reste !)… C’est Brice Hortefeux qui doit piaffer d’impatience : peut-être débusquera-t-on quelques sans-papiers à l’occasion de ces rafles…

Alors je me pose la question, et je VOUS la pose également : les Sarkozy, Boutin et consorts ont-ils jamais côtoyé ou même ressenti ce dénuement absolu, cette solitude physique et mentale, cette détresse première, l’”odeur” de la pauvreté ? Réponse : non. Peut-être que Martin Hirsch sait tout cela, mais il n’est pas aux commandes. C’est révélateur. Pas son mot à dire, sinon ceux de “solidarité gouvernementale“.

Nicolas Sarkozy claironne à tue-tête que le volontarisme politique peut tout.

Alors construisons des logements de qualité, adaptés à tous les budgets et tous les profils, sur toute la gamme allant de l’hébergement d’urgence à l’accession en passant par le locatif, partout où ce sera nécessaire. Sans oublier l’accompagnement social lié au logement, parce que des gens qui vivent dans la rue depuis des années ont besoin d’apprendre ou de réapprendre à habiter un logement. Accompagnement bien sûr possible à la condition de soutenir les associations qui sont les mieux à même de le réaliser : ni amendes, ni saisies, ni gel des subventions…

Puisqu’on PEUT le faire, le Gouvernement a donc décidé qu’il ne VOULAIT pas le faire. C’est aussi simple que cela.

Conclusion : qu’y-a-t’il au-delà de la “fracture sociale” ?

Mensonges d’Etat, incurie manifeste, laisser-faire criminel…

Face à tout cela, il nous reste en gros 2 possibilités. Soit on espère que les réactions du Parti Socialiste de Martine Aubry, du Parti Anti-Capitaliste d’Olivier Besancenot et du MODEM de François Bayrou seront à la hauteur des enjeux. Soit on réagit, en “simples” citoyens. Maintenant. Et en musique

David