Interviews de Charles TILLON & reportages - 70's ->80's

Publié le 03 décembre 2008 par Lalouve
80's" />80's" />80's" />« Oui le socialisme retste à inventer pour désenchaîner la vieille espérance ouvrière. C'est là mon vœu, au bord du dernier rivage, au terme du voyage où il me faut tourner les yeux vers le cortège du passé, la multitude de ceux que j'ai aimés parce qu'ils allaient leur chemin en tâtonnant, souvent dans le doute, mais sans jamais désespérer »

Charles Tillon


"(...)1968-1970 : Il soutient, le mouvement de mai 1968 et le « Printemps de Prague » avec Sartre, Vercors, Krivine et bien d’autres. Il condamne l’intervention soviétique en Tchécoslovaquie. En 1969, il relate son expérience militante dans un nouvel ouvrage: La révolte vient de loin (Julliard). Ses positions publiques et critiques envers les dirigeants communistes, son engagement contre la « normalisation » en Tchécoslovaquie et sa participation au comité d'initiative pour la création d'un nouveau « Secours rouge » envenime ses relations avec le PCF. Mais trop c'est trop !
Il signe en 1970 avec Garaudy, Pronteau et Kriegel-Valrimont, un manifeste appelé « Il n’est plus possible de se taire » dénonçant la politique stalinienne qui continue à sévir au PC. Il dénonce à la télévision le passé de G. Marchais parti travailler en Allemagne. Il apprend par courrier de sa cellule de base d'Aix en Provence (une vingtaine de membres) qu'elle vient de l'exclure du Parti où Lénine l'avait placé en tête !!! La cellule exclut aussi son épouse Raymonde. Cet acte méprisable les laisse indifférents.(...)" Source: Site officiel Charles Tillon
Ici vous verrez un reportage et une interview de 1970 sur Ch .Tillon
Ici toujours Charles Tillon (avec également g. Cogniot), sur le plateau d'Apostrophes, en 1977
Lire également des extraits d'un article (incomplet) de Ph. Robrieu qui relate de façon satisfaisante l'ouvrage de Ch. Tillon "On chantait rouge" - article paru dans L’Unité n°275 du 16-12-1977 (trouvé sur ce site riche en ressources et intéressant qu'est "La Bataille socialiste" FYI).
Lire surtout les principaux ouvrages de Charles Tillon.
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"(...)La Révolution, Staline, les grandes causes, les saines colères, les passions…tout y est. Raconté par un homme qui a su dire non comme personne.
Ce n’était certainement pas le hasard si Charles Tillon est né au sein d’une famille de cette Bretagne populaire où l’on était républicain de père en fils depuis la Révolution française.
D’où surgit cette vie dense, colorée, dramatique, au cœur de notre siècle avec ses ténèbres et ses lueurs d’espérance.
La guerre de 1914-1918, la grande boucherie, la Révolution russe et la mer Noire, Franco, Hitler, Staline, les grandes causes, les saines colères, les passions, les emportements, les illusions, l’aveuglement, le courage des combats exaltants et d’infects procès en sorcellerie, les eaux troubles d’une idéologie devenue folle, entraînant une odieuse exclusion, tout y est, raconté par un homme qui a su, en certaines circonstances, dire non comme personne
Un de ses ancêtres, le « père Gérard », avait été l’un des rarissimes députés authentiquement paysans aux Etats généraux de 1789. Son père avait dû abandonner la terre et cotisait à cette C.g.t. dont les militants croyaient à la grève générale qui…empêcherait la guerre, avant d’amener la« sociale »et la « totale ».
Mais, au lieu du « grand soir » tant espéré, ce fut la honteuse tuerie, et Charles y fut précipité. Lorsque la guerre, enfin, s’achève, certains prétendent la poursuivre contre la jeune Russie révolutionnaire.
Ils veulent, à cette fin, utiliser le « Guichen », le bateau sur lequel sert Charles. Et c’est la mutinerie de la mer Noire : d’abord, sur le « Protêt », la tentative d’un fils de communard nommé André Marty, puis l’équipage du « France » à Sébastopol, avec Wuilemin, le « Jean Bart », le « Waldeck-Rousseau » et, enfin, le « Guichen ». Charles a vingt-deux ans. Déjà lecteur de « l’Humanité », il est tout naturellement un des animateurs du mouvement. Ces marins veulent passionnément rentrer chez eux, et beaucoup pensent que les Russes ont bien le droit de faire leur révolution.
Cependant, la révolte échoue. Pour le jeune Tillon, c’est le bagne de Dar-Bel-Hamri, où il échappe de peu à la mort lente par pourrissement. Mais le gouvernement doit renoncer à l’intervention navale contre « la révolution de Lénine et de Trotski ».
De ces événements, Charles Tillon nous donne un récit sobre, poignant, trop bref même pour qui a tant goûté « La révolte vient de loin » (2). (...) il devient un militant ouvrier et adhère au Parti communiste.
C’est qu’il ne pense plus qu’à « se tenir aux côtés de ceux à qui il devait sa… liberté et sa vie reconquises » (...) Mais comme il y a loin de la grande génération des fondateurs dû communisme français, les Souvarine, les Amédée Dunois, les Monatte, les Rosmer et autres Loriot… aux petits bureaucrates exécutants dociles et platement hypocrites des sinistres volontés de Staline !
C’est encore le temps où « l’Humanité » annonce que Lénine va mieux et où Cachin appelle à lire « Trotski stratège révolutionnaire ».
(...) Pudeur, discrétion et charme des premières amours, il y a plus d’un demisiècle, générosité, richesse humaine et caractère incomparable des pionniers, ainsi cette Louise Bodin la secrétaire fédérale du Parti tant aimée des militants. Secrétaire de l’Union départementale C.g.t.u., Charles Tillon sait nous faire saisir combien il est heureux de se sentir « intégré et responsable au sein des forces vives du mouvement ouvrier.
Eclate alors la grande grève de Douarnenez.
Nous sommes à la fin de 1924. Un récit que peu liront sans émotion. Une grève terrible comme on n’imagine plus, des rebondissements dramatiques ; en toile de fond, d’admirables femmes de pêcheur ; au premier plan, l’extraordinaire personnage du maire communiste Le Flanchec, meneur d’hommes et orateur populaire formidable, âme de la grève… qui se fait trouer la gorge par des mercenaires à la solde d’un patronat féroce.
Ce sont alors des scènes inoubliables : ce tempétueux cortège qui se forme aussitôt et improvise une chanson touchante en l’honneur du maire qui lutte contre la mort.
Quel est le lecteur qui ne sera pas bouleversé par révocation de cette foule ouvrière faisant silence pour entendre l’orateur incomparable qui réapparaît pour la première fois et gargouille tragiquement : alors… « l’œil unique du blessé flamboyait de désespoir, des milliers d’yeux se mouillaient »
C’est le premier voyage en U.r.s.s. Ce sera le seul.
C’est la grande crise et cette marche de la faim puissamment décrite. Les événements se précipitent.
Nous sommes en 1932, Charles Tillon entre au bureau politique du Parti. Commence alors le temps des missions délicates qui vont l’éloigner du syndicalisme. La lutte contre Laval à Aubervilliers, la bataille contre Doriot, le Front populaire et la guerre d’Espagne, avec cette étrange mission dans Alicante abandonnée et bientôt occupée par les fascistes. Des pages fascinantes, un des plus beaux chapitres du livre.
Charles se trouve maintenant confronté aux mystères de l’appareil stalinien. Confiant, naïf même, mystique et discipliné, militant ouvrier égaré à l’intérieur d’une machine dont le centre, les décisions et les rouages glacés se dissimulent à la vue, grâce au quadruple jeu d’un strict cloisonnement d’une idéologie mystificatrice, d’un total et d’une discipline absolue, il mettra —comme tant d’autres — très longtemps à décrypter le système.
Et c’est ainsi, sans comprendre vraiment, qu’il vivra le pacte germano-soviétique et le tournant brutal de l’Internationale communiste. Sur ordre de Staline, la direction du P.c.f. vire donc de bord à 180 degrés, passant de l’antinazisme le plus déterminé… à un étrange anti-impérialisme.
Soudain, les dirigeants prônent le pacifisme et la paix avec Hitler, qu’ils cessent de dénoncer.
Le Parti est interdit et complètement désorganisé, les militants sont désorientés. Discipliné, Thorez a déserté, puis rejoint l’U.r.s.s. ; et Duclos, demeuré en Belgique, s’emploie à faire appliquer la nouvelle ligne.
Coupé de la direction comme tant de militants, livré à lui-même, Charles Tillon — qui est à Bordeaux — prend des initiatives.
Pour lui, il s’agit de continuer le Front populaire et la guerre d’Espagne.
Duclos n’apprécie pas.
Mais la roue tourne, et Charles Tillon se voit coopté au secrétariat clandestin. C’est que la ligne change : le P.c.f. se durcit, et bientôt Hitler envahit la Russie. C’est probablement là que se noue la future « affaire Tillon ». (...) Mais si l’auteur éprouve un sentiment très vif de l’honneur qui lui est fait, à l’échelle du Parti, ce n’en est pas moins le début de la rétrogradation, puisque l’ancien chef des F.t.p.f. disparaît du secrétariat du Parti.
Or, dans le système, Thorez, assisté de Duclos, dirige le secrétariat ; et le secrétariat dirige le bureau politique où Charles Tillon va survivre encore quelques années. Dans cet organisme pourtant auréolé de tant de prestige, on ne discute pas.
Et le travail des ministres communistes est orienté directement par le tandem Thorez-Duclos.
Au niveau de la stratégie : un seul principe, le soutien inconditionnel à l’U.r.s.s. Tactiquement, une obsession typiquement stalinienne : affaiblir par tous les moyens, affaiblir encore et toujours les ennemis et… les amis.
Ainsi, par exemple, du choix de Félix Gouin comme président du Conseil, « parce que c’est le plus faible », dira Duclos. Puis survient la rupture de 1947, sur laquelle Charles Tillon formule un jugement nuancé, précédant de peu la grande glaciation stalinienne.
C’est le temps de l’aveu. Ce sont les procès truqués partout à l’Est… et à Paris… Où la direction monte l’« affaire Marty-Tillon ». Une odieuse machinerie policière contre des accusés sciemment calomniés. (...)"
(1) «On chantait rouge». Editions Robert Laffont
(2) « La révolte vient de loin ». Julliard, 1969 :
"En souvenir de l’époque où il animait les grèves dans le pays bigouden, Charles Tillon a peint ce cortège de femmes de pêcheurs.
Un chapitre émouvant et âpre. Des pages qui choquent et révoltent. Des propos et des actes insoutenables et inqualifiables que d’aucuns s’efforcent honteusement d’escamoter. Une réhabilitation qui se fait encore attendre en 1977 ! Rétrogradé à la base, hurhilié et à demi exclu, écœuré, Charles Tillon se réfugie en Provence. Là, il se coupe du monde. Nature, famille, travail manuel, peinture, écriture. Ici, l’homme se définit lui-même par sa façon de féagir.
Ceux qui le connaissent regretteront que Charles Tillon passe trop vite sur ses réflexions, comme sur son exclusion survenue en 1970, parce qu’il protestait contre la normalisation en Tchécoslovaquie.
Une fois refermé le livre, on admire le ton digne du mémorialiste. On regrette que l’ancien dirigeant ne consacre que si peu de place à la vie de l’appareil et au fonctionnement de l’organisme de direction. Ceux qui, comme moi, connaissent sa sensibilité délicate et sa générosité chaleureuse déplorent, tout en les comprenant, une réserve et une pudeur excessives qui laissent le spécialiste parfois sur sa faim.
Reste l’écrivain à la plume vive, l’homme qui a conservé intact l’élan vers le communisme de sa jeunesse, le vieux militant qui a apporté son soutien à l’effort du Parti socialiste en quête d’une gauche unie qui soit acceptable et profitable au peuple français. Reste que ce sont les Tillon, petits et grands, à tous les échelons qui ont constitué le principal pôle d’attraction du stalinisme. Ils étaient la pâte humaine vivante et chaude, sectaire mais remplie d’abnégation, d’illusions et de qualités, qui dissimulaient la machine glacée et la perversion. Ils passent, se succèdent, recrutant et renforçant le Parti, avant de s’user et de finir, laminés, broyés, silencieusement écartés ou violemment rejetés par la machine impitoyable.
De même qu’il n’y aura de révolution socialiste authentique qu’en brisant l’appareil d’Etat bourgeois, de même il n’y aura de mouvement réel vers le socialisme et le communisme de Marx qu’en brisant définitivement ta machine monolithique qui sécrète le stalinisme totalitaire. Et, pour en arriver à ce résultat, encore faudra-t-il d’abord imposer, avec le réexamen critique du passé, la réhabilitation solennelle de toutes les victimes, de tous les militants moralement assassinés, de Boris Souvarine à Laurent Casanova, en passant par les Monatte, les Rosmer, les Ferrât, les Marty, les Tillon… et tous les autres, la longue cohorte des humbles et des déçus : le plus grand parti de France par le nombre.
Pour y parvenir, il faut d’abord lire et faire lire le beau livre de Charles Tillon."