Nicolas Sarkozy : le trouble plus que la confiance

Publié le 05 décembre 2008 par Hmoreigne


Enième crise, énième plan. Plan réaliste ou plan en trompe l’oeil ? Les observateurs sont très partagés sur les dispositions du plan de relance présenté hier par Nicolas Sarkozy. Plus grave pour le Président, outre le fait d’avoir perdu le Nord, Nicolas Sarkozy donne l’image d’un responsable politique qui perd pied face à la complexité économique. Le pire pour l’Elysée serait de donner l’image que derrière l’agitation se dessine la résignation de ses prédécesseurs.

Pas convaincus. Les principaux éditorialistes de la presse française ne sont pas avares de critiques à l’égard des annonces de Nicolas Sarkozy. Au-delà du «concert de louanges ridicule de la majorité » Laurent Joffrin rappelle que Jacques Chirac, confronté à la récession de 1975, avait consacré à la relance quelque 2,2% du PIB, alors que Nicolas Sarkozy s’en tient à un petit 1,2%. Si le directeur de Libération reconnaît le pragmatisme du Président, il juge timide le dispositif présenté,« en dessous des impérieuses nécessités de l’heure ».

Paul Burel (Ouest France) est sur la même ligne et pose le problème d’une relance alors que les caisses sont vides. « Il n’empêche, la pertinence et l’habileté de la relance française ne doivent pas en masquer les limites flagrantes. Les trompettes de la propagande pourraient laisser croire à un plan massif et exceptionnel, alors qu’il s’agit, plus simplement, d’un plan important et ciblé. Qui écarte toute stimulation générale de la consommation, qui n’annonce aucun investissement stratégique majeur, qui ignore de grands travaux dignes de ce nom. Et qui s’avère sans élan européen ».

Où est l’Europe ? Hier proclamé Roi du monde, Nicolas Sarkozy à la tête de l’Union semble avoir renoncé à une réplique européenne concertée et coordonnée. L’Alsacien Jean-Claude Kiefer (Les DNA) est inquiet. « Tout se passe comme si devant une Commission sans autre but que sa propre reconduction en 2009, l’Union européenne était désormais scindée en deux: d’un côté, les artisans de la relance dont la Grande-Bretagne, la France, l’Italie et l’Espagne; de l’autre, Allemagne en tête, les tenants de l’orthodoxie budgétaire n’autorisant que des aides conjoncturelles - comme celles adoptées hier par le Bundestag - dans la limite des grands équilibres. Or ce “découplage” entre Paris et Berlin n’annonce rien de bon et, outre-Rhin, le plan français est déjà interprété comme une tentative de pression sur la chancelière Merkel très - trop - timorée face à la crise. Car, à moins de mettre définitivement à mal l’ “axe” franco-allemand qui inspire la politique européenne depuis les années 1960, il faudra trouver un terrain d’entente. Le Conseil de Bruxelles les 11 et 12 décembre promet d’être animé ». Jacques Camus (La République du Centre) ne cache pas que le principal défaut au plan présenté est d’être franco-français.

Interrogations donc sur la dimension du plan mais aussi, sur son équilibre entre la part réservée aux ménages et celle consacrée aux entreprises. Jean-Marcel Bouguereau (La République des Pyrénées) estime qu’en favorisant l’investissement, Nicolas Sarkozy donne les verges pour se faire battre. « Une fois de plus il privilégie les grandes entreprises, l’Etat ayant décidé de leur payer leurs dettes, sans compter de nouvelles exonérations de charges. A côté de ça, le chèque de 200 euros destiné aux bénéficiaires de RSA (ex-RMI) fait figure d’aumône: 760 millions par rapport aux 26 milliards engagés ».

Une provocation pour Daniel Ruiz (La Montagne) « Les Français défavorisés, ceux qui souffrent, vivront comme une provocation la maigreur des dispositifs annoncés en leur faveur. Les tensions sociales vont s’accroître et ne contribueront pas au rétablissement d’un bénéfique climat de confiance. Cette vision un peu étriquée du rôle des ménages dans le redémarrage de la consommation sera d’autant plus reçue comme une agression que le plan ne touche pas au paquet fiscal. Sans compter que c’est un mauvais calcul, on ne vend pas de voitures à des gens qui n’ont pas d’argent pour mettre de l’essence dans le réservoir. Le défi de la modernisation et la croix faite sur le déficit budgétaire auraient gagné à être soutenus par des signes forts en direction du pouvoir d’achat ».

Troisième type de critiques, le manque de lisibilité de la politique présidentielle. Bruno Dive (Sud Ouest) voit une volte-face « Tout de même: quel changement de pied, de la part d’un gouvernement qui nous expliquait il y a peu que les caisses étaient vides et l’Etat en faillite! Magie de la crise… Soudain, “tout devient possible”, pour parodier le slogan de campagne du candidat Sarkozy. Magie d’une crise qui va permettre à la France de s’équiper à grand pas de nouvelles lignes TGV, de gendarmeries flambant neuves, de campus riants, de voitures propres et logements sociaux… Magie d’une crise qui voit l’Etat tout à coup saisi de scrupules à se faire de la trésorerie sur le dos des entreprises ».

Une nouvelle fois, Nicolas Sarkozy donne le tournis. François Martin (Le Midi Libre) décerne un manque de sens. « Que peut comprendre le Français moyen? Ce plan fait-il de la crise “une chance de moderniser la France” comme l’affirme le porte-parole de l’UMP? Pas sûr… Ce Français moyen aurait aimé comprendre d’où vient l’argent. Qui va payer? A quoi cela sert-il? D’autant qu’un grand absent a crevé l’écran, hier: le pouvoir d’achat. Les 200 euros à destination des titulaires du RSA ne sont pas à la mesure de la crise. Que pèsent-ils face aux cadeaux du bouclier fiscal? Sarkozy, parangon du langage de vérité, aurait dû faire oeuvre de plus de pédagogie sur le financement et l’effort de solidarité nécessaire pour sortir le pays de la récession ».