le fatigué bienheureux

Par Zorglub

parfaitement en accord
avec le chant d’un poisson
je suis dans la cuisine
à mi-chemin de la folie
et je rêve de l’Espagne de
Hemingway.
il fait lourd, comme on dit,
je n’arrive pas à respirer
ai chié et
lu la page des sports,
ouvert le frigo
regardé un bout de viande
violet
l’ai remis
dedans.

on trouve le milieu
au bord
ce martèlement dans le ciel
n’est qu’une canalisation d’eau
qui vibre.

des choses terribles rampent dans les
murs ; des fleurs cancéreuses poussent
sur la véranda ; mon chat blanc a
un oeil arraché
et il ne reste que sept jours
de courses avant la fin du
meeting d’été.

la danseuse n’est jamais venue du
Club Normandy
et Jimmy n’a pas amené la
pute,
mais il y a une carte postale
d’Arkansas
et un emballage de Food King :
10 séjours gratuits à Hawaii,
je n’ai qu’à
remplir le formulaire.
mais je ne veux pas aller à
Hawaii.

je veux la pute aux yeux pélican
au nombril cuivre
et
au coeur ivoire.

je sors le bout de viande
violet
le jette dans la
poêle.

le téléphone sonne.

je tombe sur un genou et roule sous la
table. je reste là
jusqu’à ce qu’il
arrête.

puis je me lève et
allume la
radio.
pas étonnant que Hemingway ait été un
ivrogne, au diable l’Espagne,
je ne peux pas la supporter
elle non plus.

il fait si
lourd.

Charles Bukowski, Avec les damnés (Run With The Hunted, 1969~1993) ©Editions Grasset pour la traduction française.


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